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Actualités - OPINION

Caricaturer le Prophète : une liberté d’expression ou une provocation ?

Depuis longtemps, on assiste à un déclin des relations Occident-Orient et notamment des relations entre l’Occident et l’islam. Ce dernier était la cible de plusieurs critiques et d’attaques à cause de quelques courants islamistes extrémistes utilisant la religion comme couverture pour des actes souvent politiques. Face à cette réalité, les médias ont un rôle primordial dans le rapprochement des peuples qui commence d’abord par la connaissance de l’autre. Mais hélas, plusieurs exemples montrent que les médias jouent un rôle néfaste quand, au lieu de chercher la vérité, ils se mettent à provoquer et à pousser l’autre à s’enfoncer dans les ténèbres de la haine et de la méfiance. L’un de ces exemples est l’initiative « intelligente » de journalistes de caricaturer le prophète Mohammad en mettant une bombe sur sa tête. Ce qui est dangereux, c’est que les journalistes « mettent du feu » à une situation déjà tendue et dont ils savent bien les conséquences. Là où tout le monde parle de la nécessité d’un dialogue interculturel entre les pays musulmans et les pays occidentaux, les médias se mettent à se moquer de l’islam et à l’assimiler à une religion terroriste au nom de la liberté de presse. Est-ce que la liberté de la presse signifie la liberté d’insulter l’autre et de se moquer de lui ? Est-ce que la liberté de la presse signifie la liberté d’accuser une religion entière, c’est-à-dire un milliard et deux cent millions musulmans d’être des terroristes ? Est-ce que la liberté de la presse signifie la liberté de nourrir la haine entre les peuples ? Chaque liberté doit avoir des limites, sinon on la tue et on la vide de son contenu. Chaque liberté engendre une responsabilité. Est-ce que les médias peuvent assumer leurs responsabilités dans la dégradation des relations entre les pays européens et les pays musulmans ? La liberté de la presse touche, dans cette affaire, à un principe beaucoup plus important qu’elle-même, qui est celui de la paix. Le dialogue interculturel est le seul moyen pour sortir de cette impasse. Mais avant de dialoguer avec l’autre, il est impératif de le connaître. Une lecture plate et simple d’une information pourra engendrer le risque d’accentuer les préjugés. D’où la grande importance des médias qui doivent poser les vraies questions et analyser les faits en profondeur afin d’éviter tout amalgame et participer à mieux connaître l’autre. Ce n’est pas le cas dans cette affaire, qui montre une grande ignorance de l’islam, car une lecture profonde du Coran et de la conduite du prophète Mohammad et de tous les prophètes montre que l’islam est une religion de paix et non pas de guerre. Connaître l’autre, ici le monde musulman, montre que ce monde est très attaché à la religion. Cette dernière est l’élément principal de son identité culturelle dont le respect se trouve à la base de toute coopération et de chaque dialogue. Les pays musulmans ont besoin que leur identité soit reconnue et que leur religion soit respectée. Les ministres des Affaires étrangères des quinze États membres et les douze partenaires de la Méditerranée se sont réunis le 31 octobre 2001* pour mettre l’accent sur la lutte contre le terrorisme en rejetant de manière catégorique l’amalgame entre le terrorisme et le monde arabo-musulman. Par conséquent, l’identité arabo-musulmane doit être reconnue et respectée par l’Europe non pas seulement au niveau officiel, mais aussi au niveau populaire. Cette reconnaissance pousse donc le peuple à s’ouvrir et à dialoguer. Tant qu’on montre l’inverse, on nourrit le sentiment de haine et de rejet de l’autre. Et on se montre étonné de la présence des groupes extrémistes qui se nourrissent de cette haine et de cette fermeture !! La liberté d’expression est une liberté qu’on respecte et qu’on revendique dans une société démocratique. On ne peut plus imaginer une société démocratique sans la liberté d’expression, qui n’est pas d’ailleurs contradictoire avec l’islam. Le Coran garantit la liberté d’expression et d’opinion, elle est même plus une obligation pour chaque homme. Dieu a obligé l’homme à appeler les autres à faire le bien et à jeter le mal**. De plus, l’homme est tenu de critiquer et d’interroger le dirigeant. Dieu explique dans le Coran qu’il ne faut pas laisser gouverner ceux qui sont injustes et que le châtiment doit être très dur à leur égard***. La parole du Prophète est compatible avec ce verset qui dit que si les gens laissent un dirigeant injuste en place, Dieu leur donne un châtiment très dur. Par conséquent, la liberté d’expression n’est pas seulement présente dans l’islam, mais de plus elle est obligatoire. Ce qui coupe la route devant des islamistes extrémistes qui attaquent cette liberté. Par contre, la liberté d’expression est toujours limitée par la liberté de l’autre. Le Prophète affirme que l’homme ne croit réellement que s’il aime pour son frère ce qu’il souhaite pour lui-même. De plus, la liberté d’expression est limitée encore par la manière d’exprimer cette liberté. Le Coran prône une manière sage et calme dans la discussion et « que ça soit un débat loyal ». La sourate « al-Nahl » verset n°125 dit : « Par la sagesse et la bonne exhortation appelle les gens au sentier de ton Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon… » De même la sourate « al-Ankabout » verset n°46 dit : « Et ne discutez que de la meilleure façon... » Ces limites de la liberté d’expression ne condamnent pas seulement les caricatures par des journalistes qui assimilent une religion entière au terrorisme, mais aussi les réactions spontanées et violentes des musulmans dans certains pays. Brûler des consulats et mettre en danger la vie des hommes sont aussi condamnés par l’islam. Il est convenu que les médias posent des vraies questions comme par exemple : pourquoi les mouvements terroristes utilisent l’islam comme prétexte pour commettre ces actes politiques ? Pourquoi ces mouvements gagnent-t-ils de plus en plus du terrain ? Une condamnation continue de l’islam ne renforce-t-elle pas ces mouvements extrémistes ? Après cette caricature, il est temps de dire « attention ! » car avec plus de provocation, les minorités extrémistes deviendront une majorité. Par conséquent, tous les efforts faits par l’Europe et ces pays pour une coopération plus renforcée et équilibrée seront mis en question et notamment le Partenariat euro-méditerranéen lancé en 1995. C’est pourquoi, des efforts de la part des pays européens et des pays musulmans devront avoir lieu afin de rétablir le calme et la paix. Cette dernière ne peut pas avoir lieu sans la présence d’un respect mutuel. Halimé EL-KAAKOUR Doctorante, France (*)Réunions des ministres des Affaires étrangères euro-méditerranéens pour réaffirmer la pertinence du Processus de Barcelone suite aux évènements du 11 septembre, Euromed Report, édition n°31, 31 octobre 2001. Pendant cette réunion, les ministres des AE des 15 États membres de l’UE et des 12 partenaires de la Méditerranée se sont réunis pour réaffirmer la pertinence du PEM dans le contexte international actuel et pour insister sur l’importance du dialogue interculturel et sur la nécessité de combattre le racisme et la xénophobie. (**) Sourate « al-Oumran » verset n°104 dit : « Que soit issue de vous une communauté qui appelle au bien ordonne le convenable, et interdit le blâmable, car ce seront eux qui réussiront. » (***) Sourate « Houd » verset n°113 dit : « Et ne vous penchez pas vers les injustes, sinon le feu vous attendrait. Vous n’avez pas d’alliés en dehors d’Allah. Et vous ne serez pas secourus. »
Depuis longtemps, on assiste à un déclin des relations Occident-Orient et notamment des relations entre l’Occident et l’islam. Ce dernier était la cible de plusieurs critiques et d’attaques à cause de quelques courants islamistes extrémistes utilisant la religion comme couverture pour des actes souvent politiques.
Face à cette réalité, les médias ont un rôle...