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Actualités - OPINIONS

Un dimanche pas comme les autres

Est-ce ainsi que se forgent les nations? Ce dimanche matin, quand la fumée noire a envahi Achrafieh, elle a aussi assombri nos cœurs et laissé un goût âcre dans nos bouches. Jusqu’à quand allons-nous subir ces séismes qui ébranlent notre foi en ce petit pays ? Un sentiment de vulnérabilité, à chaque fois plus intense, nous étreint. Finira-t-il par avoir raison de notre attachement viscéral à cette terre ? Au Japon, en Californie, la terre tremble par un phénomène naturel, mais la population tient le coup parce qu’elle se sent épaulée. Les pays qui ont été victimes du tsunami se sentent moins menacés depuis qu’a été établi un système de repérage anticipé de ce phénomène pour le futur. Mais le sentiment qui prévaut chez les Libanais, chez les chrétiens en particulier, est qu’ils sont laissés au gré du vent, sans gouvernail, en attendant une solution globale pour la région. Cette solution se créera-t-elle d’elle-même, un peu par génération spontanée ? De temps à autre, on nous dope par de sporadiques pactes dus à des poussées d’adrénaline induits par des chocs, en nous faisant croire à de l’autodétermination. Est-ce ainsi que se forgent les nations ? Verrons-nous un jour notre peuple se prendre en main et assumer son destin sans en accuser le Syrien, le Palestinien ou l’Israélien ? Parce que, au fond, si nos voisins ont autant d’influence chez nous, ce serait peut-être parce qu’ils y ont des complices. Finalement, on n’a arrêté que 125 étrangers sur les 30 000 manifestants du dimanche 5 février. Cette proportion ne saurait justifier les images haineuses projetées sur nos écrans. Dolly TALHAMÉ Profondément déçue Moi, fille du printemps de Beyrouth, je pensais que je n’aurais plus jamais à répéter le mot chrétien ou le mot musulman dans un moment où j’ai cru dur comme fer au qualificatif « libanais ». Je suis profondément déçue aujourd’hui d’entendre fuser sur les chaînes locales, mais aussi internationales, tout un jargon religieux. Je suis profondément heurtée de voir cet islam défiguré. Une faute tactique a été commise. Selon certains, cette manifestation était strictement adressée à l’ambassade du Danemark. D’abord, il est connu de par le monde que, légalement, les manifestations contre le corps diplomatique et ses locaux doivent se faire de façon pacifiste. Ensuite et surtout, il fallait que les (ir)responsables soient plus perspicaces que cela : cette ambassade se trouvant dans une région que je suis obligée d’appeler chrétienne, il fallait prévoir des débordements. Que fait le ministre de la Défense ? Il était au courant la veille d’une telle initiative. Où sont les mesures sécuritaires pour résorber une éventuelle faille ? Par ailleurs, pourquoi a-t-on pris tellement de temps pour réagir aux caricatures ? Ne sommes-nous pas en train de singer nos voisins, pour ne pas dire qu’eux-mêmes étaient présents ? Dans un pays encore friable, comment les responsables, pour ne pas les citer, qui ont donné leur aval à une telle démarche, n’ont pas mesuré l’incidence de leur encouragement à participer à ce genre de manifestation, sur le psychique du Libanais et l’aspect confessionnel que cette mobilisation était susceptible de prendre ? Lina SINNO Un triste film Le triste film auquel a eu droit le monde entier, sur toutes les chaînes de TV du monde et en direct de ce très pauvre pays, a montré l’impuissance, peut-être délibérée, des Forces de sécurité intérieure et de l’armée à faire face aux hordes importées, à ces provocateurs débarqués d’une autre planète. Maintenant que la messe est dite et que Taëf a fait faillite, ayons le courage de l’admettre : que chaque communauté a le devoir et le droit de se protéger elle-même, en attendant de trouver, entre nous ou sous l’égide des Nations unies, la formule miracle. Car nous devons cela à nos enfants. Un Libanais qui aime son pays Bouger, se battre Les fatalistes d’entre nous pourraient voir dans les événements qui remuent le Liban aujourd’hui un résultat inéluctable, celui d’une évolution mal contrôlée, d’une indépendance fragilisée (peut-être jamais vraiment acquise), qui a enfanté un régime encore soumis à la tutelle faussement fraternelle des voisins déterminés à maintenir leur autorité menacée. Les plus optimistes diront qu’on est en pleine révolution, que le peuple est prêt à vivre en paix avec ses particularités et ses différences aussitôt qu’auront cessé les interférences étrangères sur son territoire, ce qui est certainement en voie de se réaliser. Mais les Libanais croient-ils encore à un avenir meilleur ? Y a-t-il seulement un avenir pour ce petit pays déchiré entre sa parenté avec un Orient en crise et sa sympathie pour un Occident désintéressé ? Parviendra-t-il à faire se joindre ses deux bouts, à concilier ses principes de modernité et de démocratie avec sa situation géographique malencontreuse ? Jadis ravagé par la guerre civile, brimé par les occupations répétées qui ne laissent au fond qu’un désarroi politique aujourd’hui flagrant, méfiant quant à la possibilité d’une « cohabitation », le Liban est aujourd’hui à un stade décisif, un carrefour qui ne laisse pas place aux espoirs fictifs et passifs ni à la main incertaine et aléatoire du destin : soit on souffre un peu, on fait des martyrs (non négligeables) et on se relève pour de bon, plus forts que jamais ; ou alors on sombre dans la spirale infernale des complots politiques et des intérêts impitoyables des dieux du monde qui décideront, les vainqueurs d’entre eux, de notre sort. C’est pour cela que les plus intelligents comprendront qu’il faut bouger, se battre d’une manière ou d’une autre et faire face aux ennemis qui surgissent de toutes parts. Mais avec quels moyens, avec quelles armes ? Ceux que ce petit pays a toujours employés, les seuls qu’il a : la parole affranchie, la plume rebelle, avec la liberté pour seule fin et le Liban pour seul slogan. Bonne chance à ceux qui livreront ce combat, ceux qui aiment vraiment la patrie. Samira B. Vivre en paix, entre nous Bon, on va dire qu’il fallait cela pour vous réveiller. Ce n’est pas parce que l’on n’a aucun moyen de contrôler les voisins qu’il ne faut pas organiser sa sécurité intérieure. Souvenez-vous des nombreuses mises en garde. Ça fait mal de voir combien ils en ont après notre pays. Ce pays où le climat est parfait, les gens sont serviables et aimables. Le seul pays où toutes les cultures et les religions se mélangent et vivent en accord. Mais cela ne leur plaît pas ; ils sont jaloux et je les comprends parce que notre pays est un très beau pays, et quoi qu’ils fassent, on ne le quittera pour rien au monde. Tout ce que j’ose espérer, c’est que nos dirigeants fassent quelque chose pour protéger le Liban et surtout pour protéger son peuple, ce peuple qui a tout donné, sa vie, ses biens et tout ce qui lui est le plus cher. Je demande qu’ils nous laissent vivre en paix entre nous. Nathalie BIJANI Les paris de Damas L’islam, la religion de l’amour, de la paix et de la tolérance, l’islam de la fraternité et de l’humilité entre les peuples, l’islam de la miséricorde, du pardon et du respect des autres, l’islam de la justice et de l’égalité humaine a été lâchement trahi au cœur de la ville la plus conviviale, la plus modérée du monde, qui a su, à travers le temps et l’espace, préserver un modèle unique d’échanges culturels dans un monde où, de plus en plus, les civilisations se téléscopent et s’entrechoquent au rythme d’une mondialisation sauvage et atypique. Beyrouth, cette liaison réelle de l’Orient compliqué et pudique avec l’Occident « impie » et innovateur, ne peut accepter ou tolérer les agissements barbares et aveugles d’une minorité élevée dans le fanatisme et le refus de l’autre, qui, sous prétexte de représailles à des caricatures blasphématoires, déverse sa haine et sa colère sur le secteur et les symboles de toute une communauté. L’enjeu n’était pas du tout religieux. Bien au contraire, c’était de la pure vengeance politique car, comme nous le savons, ces groupuscules très proches de Damas ont indirectement joué le jeu de la Syrie : montrer à la communauté internationale que le Liban est un pays de terreur et d’instabilité. Heureusement, le pari a échoué grâce au patriotisme des Libanais, tous les Libanais. Walid ABOU SAMAH Kafa ! Les événements à Achrafieh soulignent que le clivage aujourd’hui n’est plus entre chrétiens et musulmans qui, grâce à Dieu, ont retrouvé leur unité, mais entre une bande de vandales et les Libanais, entre ceux qui soutiennent les premiers et les Libanais, entre ceux qui arment, gèrent et financent ces malfaiteurs et les Libanais, entre ceux finalement qui donnent à ces fauteurs de troubles une couverture politique et les Libanais. Il ne faut pas se tromper de combat. Il ne faut pas se tromper d’ennemi. Il est nécessaire que le gouvernement prenne les dispositions pour soumettre au Parlement des propositions de loi visant à interdire les mouvements et partis qui soutiennent ce genre d’individus, dissoudre ces partis et mouvements, à en pourchasser les membres et à déclarer hors-la-loi tout membre de ces associations ou partis. Tout le monde a vu à la télévision que ce n’était pas une bande de voyous. Ils étaient organisés, encadrés, avaient des dirigeants qui ont déclaré froidement à la télévision que la manifestation se déroulait dans le calme n’était-ce l’intervention de l’armée et des pompiers. J. MOURACADEH Londres Adressez vos commentaires par fax (01/360390), par lettre (rubrique Courrier des lecteurs, boîte postale 2488) ou par mail : redaction@lorientlejour.com
Est-ce ainsi que se forgent les nations?

Ce dimanche matin, quand la fumée noire a envahi Achrafieh, elle a aussi assombri nos cœurs et laissé un goût âcre dans nos bouches. Jusqu’à quand allons-nous subir ces séismes qui ébranlent notre foi en ce petit pays ?
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