Je n’ai pas perdu mon général, moi

À Camille Mourani qui, dans une correspondance intitulée « Retrouver le général » (L’Orient-Le Jour du mardi 31 janvier), demandait à Michel Aoun de modifier son attitude, un lecteur qui signe Jean Moukarzel répond dans la missive suivante : Tout comme toi je suis étudiant en 4e année (mais à l’AUB) et fervent supporter du général. Tout comme toi, je n’ai jamais caché mes tendances, et j’ai même rendu visite à Michel Aoun à Rabieh. Mais contrairement a toi, je n’ai pas perdu mon général. Camille, tu critiques le rapprochement du CPL avec le Hezbollah, souçonnant ce dernier de vouloir ramener la Syrie au Liban « par la fenêtre ». Mais crois-tu vraiment que si le général rejoignait les rangs du 14 mars, la situation au Liban serait plus saine ? Ne crois-tu pas qu’au contraire, nous serions en train de traiter une partie non négligeable de notre grand peuple comme les Syriens nous ont traités à nous ? Attaquer le Hezbollah sans dialogue constructif (à l’instar de ce que font les politiciens du 14 mars) serait-il dans l’intérêt de notre République ? Camille, nous avons tous manifesté le 14 mars pour que les Syriens sortent du Liban. Et ils ne reviendront pas, surtout pas derrière le dos du général. Mais nous avions aussi manifesté le 14 mars pour nous débarrasser de cette classe politique corrompue qui a volé et ruiné le Liban avec la complicité des Syriens. Bizarrement, cette même classe politique est toujours au pouvoir et a bel et bien « assassiné » le vrai 14 mars. Camille, le général nous a demandé de lui faire confiance. Et c’est ce que nous devons faire... Parce qu’une chose est sûre : le général a l’intérêt du Liban en tête et non son intérêt personnel. Dialoguer, même avec des prosyriens, n’est pas un crime. Au contraire, c’est une démarche nécessaire pour les ramener à la raison et dans le bon chemin. Une démarche essentielle, mais certes peu populaire. Camille, tu souhaites que le général épargne au pays la tension d’une nouvelle partielle à Baabda-Aley. Mais qu’a-t-il fait jusqu’à maintenant ? Il a proposé Pierre Daccache comme candidat consensuel ? Y a-t-il un crime dans cela, sachant que Pierre Daccache est équidistant des FL et du CPL ? Ne serait-ce pas plutôt la majorité au pouvoir, les FL en tête, qui on présenté la candidature d’une pure et dure FL (May Chidiac) ? Leur prétexte est que le siège laissé vacant appartenait à un député FL et que la coutume au Liban veut qu’on le laisse aux FL. Oui, mais à ce moment, pourquoi les FL ont-ils décidé de soutenir Gabriel el-Murr dans la partielle du Metn et non Ghassan Moukheiber, neveu et logiquement « bénéficiaire » du siège du regretté Albert Moukheiber (dans la coutume purement libanaise) ? Vois-tu plus clairement maintenant qui agit selon ses intérêts et qui agit selon l’intérêt du pays ? Camille, notre but à nous étudiants est d’habituer notre entourage à l’idée d’un Liban libre, démocratique et laïque. Notre but est de croire en une nation où le citoyen est roi, quelle que soit son appartenance religieuse ou politique. Notre but est de croire en la charte du Courant patriotique libre, de ne jamais perdre l’espoir qu’un jour le Liban sera un pays moderne, digne des grandes républiques du XXIe siècle. Camille, tu n’as pas perdu le général. Les médias et les politiciens qui se disent amis l’ont juste éloigné de peur de voir leur puissance féodale compromise et leurs nombreux cas de corruption mis au jour. Le CPL a résisté à l’occupation syrienne. Le Hezbollah a résisté à l’occupation israélienne. Trouves-tu normal que ces deux parties soient éloignées du pouvoir ? Camille, c’est à nous de ne jamais laisser tomber le CPL et l’idéal qu’il représente. C’est à nous de porter cette flamme du Liban libre, démocratique, laïque pour que le rêve du CPL ne meure jamais.