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Actualités - REPORTAGE

L’axe Damas-Téhéran dans la balance face au gouvernement Siniora Les Palestiniens, toutes tendances confondues, restent attachés au dialogue avec Beyrouth

Occulté pendant une vingtaine d’années, le dossier palestinien est réapparu en force depuis quelque temps, par le biais notamment d’une série d’incidents sécuritaires qui ont réveillé de vieux démons chez les Libanais. Malgré ces quelques épisodes « fâcheux » qu’ils se sont dépêchés de condamner, les responsables palestiniens restent engagés sur la voie du dialogue : « Nous voulons rétablir les relations avec les autorités libanaises et œuvrer en vue d’un modus vivendi qui servirait les intérêts des deux groupes. » D’où l’ouverture effectuée par le gouvernement libanais en direction des réfugiés, qui a abouti au lancement d’un dialogue en vue de régler les problèmes qui empoisonnent les relations entre les deux parties. Entamées depuis quelques mois déjà, les négociations entre les réfugiés palestiniens et les autorités semblent toutefois s’éterniser, sous l’effet notamment des développements qui secouent la scène politique locale et régionale. Unanimement, les factions palestiniennes proclament leur neutralité et affirment qu’elles se tiennent à égale distance des deux camps des 8 et 14 mars, qui s’opposent, par États étrangers interposés, sur des questions-clés portant sur l’avenir et l’orientation politique générale du pays. Une position que remet en question chaque jour le spectre de la 1559 brandi par la communauté internationale. Adoptée par l’ONU et activement promue par les États-Unis et la France, la résolution onusienne exhorte les Palestiniens, tout comme le Hezbollah, à désarmer et à se plier aux nouveaux acquis souverainistes auxquels aspire une grande partie de la population libanaise. Toutefois, et afin de contrer le refus catégorique et en bloc des Palestiniens de la 1559 qui ne fait aucune allusion à la résolution 194 sur leur droit au retour, le gouvernement de Fouad Siniora a tenté de rassurer les réfugiés en les invitant à la table des négociations pour décider ensemble de la meilleure formule à adopter dans l’intérêt des deux parties. Des assurances que les Palestiniens prennent avec d’autant plus de prudence qu’ils craignent de se voir, une fois de plus, sacrifiés sur l’autel de la nouvelle configuration régionale qui se profile à l’horizon. Prises entre les tenailles d’une nouvelle équation régionale – la 1559 d’une part et le front de refus syro-iranien d’autre part – les différentes formations jouent la carte du sauvetage en essayant de ménager la chèvre et le chou. C’est ainsi que doit être interprété leur alignement sur le Hezbollah et les formations libanaises pro-syriennes, qui continuent de faire campagne contre la 1559. C’est également sous cet angle que doivent être placées leurs tentatives visant à laisser la porte ouverte aux négociations avec le gouvernement Siniora, jouant ainsi à un jeu d’équilibriste au nom et en faveur de leur sacro-sainte cause. Une chose est sûre cependant : sur la scène libanaise, les factions palestiniennes ne semblent pas prêtes à lâcher prise avant d’avoir obtenu des garanties fermes au sujet non seulement de leur sécurité – assurée à ce jour par leurs propres armes –, mais aussi sur le plan de l’obtention de leurs droits économiques et sociaux. Pour les réfugiés, il est hors de question que leur dossier soit envisagé sous le seul angle sécuritaire que laisse supposer la 1559. Leur approche se résume par conséquent en une simple équation, celle qui consiste à dire que le problème palestinien au Liban ne peut être résolu que « dans sa globalité », entendre sous l’angle de l’acquisition des droits et de la résurrection de la résolution 194, également adoptée mais occultée par le même Conseil de sécurité qui a voté la résolution portant sur leur désarmement. « Pourquoi se plier aux conditions du désarmement prévu par la 1559, alors que la communauté internationale n’a fait aucune démarche, notamment pour réactiver le droit au retour ? » se demandent les Palestiniens, critiquant ainsi la politique « des deux poids, deux mesures » suivie par l’organisation internationale. Ainsi, affirment-t-ils à l’unisson, « notre refus de la 1559 ne sous-entend pas une dégradation des relations avec les autorités libanaises, mais devrait être compris sous l’angle des intérêts des réfugiés et de la cause que nous défendons ». En même temps, ils se disent « compréhensifs » et « respectueux des aspirations légitimes » d’un Liban qui se bat pour parvenir à son indépendance et instaurer un État de droit sur son territoire. D’où l’idée d’aboutir à une plate-forme commune avec Beyrouth, et ce, dans l’intérêt des deux parties. Non au désarmement dans le cadre de la 1559, oui à des négociations avec les autorités en vue de concrétiser les droits revendiqués et parvenir à une formule « sécurisante » en ce qui concerne le dossier des armes, proclament les réfugiés. Des négociations à la traîne Lors des premières réunions organisées à cette fin, les autorités libanaises ont convenu avec leurs interlocuteurs palestiniens de substituer au principe global du désarmement, celui d’une « réorganisation des armes à l’intérieur des camps exclusivement, mais non à l’extérieur », le gouvernement libanais s’étant montré intraitable sur les positions militaires de Naamé et Koussay qui se trouvent « hors des camps » et qui relèvent de la formation prosyrienne d’Ahmed Jibril. Une solution qui a même été approuvée et soutenue par la troïka européenne lors d’une visite de cette dernière auprès des officiels libanais. Toutefois, le problème se complique lorsque l’on sait que les fractions palestiniennes, qui sont en parfaite harmonie sur le principe général, ne sont pas toutes sur la même longueur d’onde au sujet des dépôts d’armes de Naamé et de Koussay. Pour les formations se réclamant de l’OLP (Fateh, FPLP, FDLP), qui ont été rejointes sur cette question notamment par le Hamas et le Jihad islamique, les discussions avec le gouvernement libanais doivent porter sur les droits et la modalité de réorganisation de l’utilisation des armes à l’intérieur des camps, le port d’armes en dehors de ceux-ci étant désormais injustifiable, et plutôt nuisible à leur cause ainsi qu’aux relations libano-palestiniennes. Les fractions proches de l’OLP affirment qu’il n’est plus question de servir de carte aux mains des Syriens, qui ont longtemps instrumentalisé la cause palestinienne, notamment durant la guerre libanaise. Ils ont également compris que leurs divisions desservent leur cause, d’où un discours relativement unifié et accordé aux requis actuels, ainsi qu’une canalisation de leurs efforts en vue de l’obtention de leurs droits socio-économiques et la réalisation de leur droit au retour. Quant à la résistance armée à partir du Liban-Sud, les Palestiniens loyalistes insistent pour dire qu’elle n’a plus sa raison d’être et ne peut être menée qu’à l’intérieur des territoires occupés. Une position que rejoignent le Hamas et le Jihad islamique. D’un autre côté, les formations connues pour leur forte allégeance à la Syrie et regroupées sous la houlette d’Ahmed Jibril (FPLP- Commandement général, Saïka, Fateh-intifada) soulignent qu’il n’est pas question de désarmer a priori, sans avoir défini et conclu à la table des négociations un accord en bonne et due forme qui servirait leur « juste cause », dont les contours restent encore à définir. Pour eux, les armes représentent une forme de protection « contre d’éventuelles agressions israéliennes menées contre les Palestiniens », protection que ne peut leur assurer, laissent-ils entendre, l’armée libanaise. Le lancement, il y a quelques semaines, d’une rafale de fusées Katioucha sur le nord de l’État hébreu, une opération imputée au départ au FPLP-Commandement général, et, plus récemment, les tragiques incidents de Naamé, qui ont fait deux blessés libanais, ont relancé le dossier dans toute son acuité. Bien que le mouvement d’Ahmed Jibril ait complètement rejeté les premières accusations et assuré par ailleurs que la fusillade de Naamé « n’était qu’un triste incident sans préméditation aucune », sa détermination à vouloir défendre à tout prix les dépôts d’armes enfouies à Naamé et Koussay n’est pas à même de résoudre la crise. Selon certaines sources palestiniennes, cette attitude n’est qu’une manière pour le camp d’Ahmed Jibril de renforcer sa position à la table des négociations afin d’obtenir les droits économiques et sociaux escomptés. Toutefois, et au moment où les fractions palestiniennes réitèrent au quotidien leur volonté de trouver une solution à l’amiable avec le gouvernement « loin des tiraillements libano-libanais », la présence de leurs représentants, il y a quelques jours à Damas, à la table du président iranien Ahmadinejad, lors d’un déjeuner offert par son homologue syrien Bachar el-Assad, a suscité de nouvelles interrogations sur la prétendue neutralité des Palestiniens par rapport à la crise libanaise. Confiants quant à la consolidation du nouvel axe Téhéran-Damas-Hezbollah, entériné par des accords militaires conjoints entre l’Iran et la Syrie, les Palestiniens du Liban s’en trouvent plus confortés face au gouvernement Siniora. Reste à savoir si celui-ci saura affronter à temps ce nouveau défi lancé, via la carte palestinienne, par des pays qui cherchent à reconquérir l’allégeance des réfugiés du Liban. Qu’en pensent les principaux concernés ? Dans des entrevues effectuées avec les représentants du Fateh et du FPLP-Commandement général, les Palestiniens donnent un même son de cloche, à quelques nuances près, en exprimant leur volonté d’accorder la priorité à leur seule cause, « quelles que soient les parties qui la soutiennent ». Jeanine JALKH
Occulté pendant une vingtaine d’années, le dossier palestinien est réapparu en force depuis quelque temps, par le biais notamment d’une série d’incidents sécuritaires qui ont réveillé de vieux démons chez les Libanais.

Malgré ces quelques épisodes « fâcheux » qu’ils se sont dépêchés de condamner, les responsables palestiniens restent engagés sur la voie du...