Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

NOUVEAUTÉS EN LIBRAIRIE De la littérature et du secret de la vie

Du temps à la ville, du livre à l’édition, du parnasse au labyrinthe romanesque, de l’essai à la fiction, du monde de l’enfance aux préoccupations sociopolitiques, des amours terrestres au sens de l’élévation en rimes libres, de l’amour des mots à la passion de lire, autant de sujets divers et de modes d’expression différents pour s’entretenir de la littérature et du secret de la vie, de ses joies et de ses peines. En vrac, paraissent en devanture des librairies beyrouthines des livres jetant la lumière sur des sujets captant l’attention à plus d’un niveau. Pour le plaisir de lire, et la sagesse de comprendre et de se cultiver, présentation de ces ouvrages fraîchement mis en vente en période des fêtes. « Le Livre et la ville », de Franck Mermier Beyrouth et l’édition arabe Un livre éclairant sur l’état de l’édition dans le monde arabe. Paru aux éditions Actes Sud/Sindbad, Le Livre et la ville, de Franck Mermier (244 pages) est une analyse percutante du marché du livre. C’est un opus qui fait ressortir les difficultés que rencontrent les éditeurs à tous les niveaux et insiste sur les efforts déployés par eux pour s’adapter aux nouveaux moyens de production et de diffusion. Une boutade qu’on retient volontiers : « L’Égypte écrit, le Liban imprime et l’Irak lit. » Boutade qui fait un peu sourire aujourd’hui pour cerner la situation complexe du livre et de la lecture dans le monde arabe ! Et rien n’a encore changé dans cette déroutante complexité. Peut-être même accentuée par le fait d’une paupérisation grandissante et d’une inculture croissante avec le raz-de-marée des télécommunications électroniques et audiovisuelles. Directeur de l’Institut français des études yéménites (Sanaa) et chargé actuellement de recherche au CNRS à l’Institut du Proche-Orient à Beyrouth, Franck Mermier, auteur déjà du Cheikh de la nuit : Sanaa, organisation des souks et société citadine (Sindbad/Actes Sud), a écrit là un livre éclairant sur l’édition arabe dont Beyrouth est la capitale, rôle qu’elle partage avec Le Caire. Lumière aussi sur l’émergence dans ce domaine du Maghreb et de la péninsule Arabique. Prospection des grands axes du champ éditorial avec une approche intéressante et moderne du métier d’éditeur. « La passion de lire », texte d’Alexandre Najjar et photos de Hayat Karanouh Quand le mot et l’image fusionnent… Un beau livre d’étrennes, justement pour donner un avant-goût de la lecture. Avec un titre on ne peut plus explicite : La passion de lire, édité en format luxueux, mais aussi encombrant et peu gérable sur les rayons d’une bibliothèque par sa largeur de livre comptable à l’ancienne, à Dar an-Nahar (133 pages). Sur un texte écrit par Alexandre Najjar (avec un judicieux choix de citations d’écrivains aussi bien arabes qu’étrangers) et des photos savamment synchronisées avec l’écriture de l’auteur des Éxilés du Caucase, voilà une belle promotion pour les livres, miroirs, amis et témoins de la vie. Apologie de l’écriture et éloge des livres qui sont nos indéfectibles amis. Vibrant hommage à toutes les littératures du monde, inépuisables trésors contre la solitude et l’ennui, pour un compagnonnage où rêves, imaginaire, culture et horizons à perte de vue sont généreusement dispensés. Cet album (car c’en est un!) avec ses photos éloquentes et de qualité (en noir et blanc ou en couleurs) retrace un itinéraire riche allant des rives de Byblos, berceau de l’alphabet, pour flâner en douceur entre les rayons des librairies et des bibliothèques, confortablement calfeutré dans un fauteuil, assis sous un cèdre millénaire ou nonchalamment allongé sur un lit. Non seulement la passion de lire, mais aussi la grâce, la bénédiction de lire qu’on devrait transmettre en toute simplicité et humilité à nos enfants, à nos amis, à tous ceux que nous aimons... Instruction, rêve, voyage, connaissance, savoir, enrichissement spirituel et intellectuel et bien sûr divertissement et épanouissement, c’est tout cela les livres et la lecture. Menacé de disparaître le livre ? Qu’on se tranquillise, la technologie de pointe contemporaine aura beau nous éblouir, le livre garde encore farouchement ses ardents défenseurs et sa valeur inaliénable. Comme ce livre qui tresse amoureusement ses éloges, prône et assure, avec pièces à conviction, que lire, tout en étant un « vice impuni » (selon Valéry Larbaud), est aussi une très saine passion. « La pierre m’a parlé », de Ramzi T. Salamé Le Liban sous l’Empire ottoman, entre tribulations et machinations Un troisième écrit de Ramzi T. Salamé, dont la plume s’affine, prend de la voix et s’affirme au gré des pages et des opus publiés. Interrogeant l’histoire et fouillant sans concession le temps passé, l’auteur, à travers fiction et rêves, fait vivre les grands moments du Liban dans la tourmente de l’Empire ottoman agonisant. Par le truchement de Francis qui a la vocation d’entendre les pierres (innocent symbolisme des vestiges!), la narration mêle, parfois bien naïvement et quelques excès de lyrisme, réalité et fantasmagorie, mais où, hélas, dans cette région du Levant, rien ne semble avoir radicalement changé. La pierre m’a parlé (FMA-L’Harmattan – 271 pages) est le titre bien révélateur du projet littéraire laborieusement entrepris pour dénoncer les régimes tortionnaires. Un roman aux circonvolutions lyriques entre imaginaire vaguement à la Wells et dénonciations, souvent mordantes et caricaturées, des biens et richesses du pays du Cèdre convoités avec une implacable rapacité. Entre tribulations et machination, le Liban aux mille facettes, sous la domination d’un Empire ottoman en fin de règne, s’accrochant désespérément à ses privilèges et ses acquis branlants. Descriptions allègrement menées avec parfois un sens amusant de l’humour, notamment ce trio dans une chambre d’hôtel (décidément bien bavardes toutes ces pierres qui se confient si impudemment !) où le mari est nommé ministre par un vieux galant vert au caleçon fleuri et aux jambes de poulette velue surpris bavant devant les galbes nues d’une jolie femme… « Cocufiage » bien rémunérateur que dame ! « Investigations sur le temps de l’histoire et ses dérivés », de Raja Choueiri Minutieuse érudition pour un sujet fuyant… Plume féconde et prolixe qui a touché, d’une façon bien particulière, avec un style tout aussi bien particulier, à bien de sujets que celle de Raja Choueiri. Onzième ouvrage, toujours à caractère de réflexion et de minutieuse érudition, de l’auteur de Dhour-Choueir ou la paix des pins qui s’attaque cette fois à une notion fuyante comme du mercure: le temps… Titre de taille pour ce sujet à la fois rebelle et monumental, Investigations sur le temps de l’histoire et ses dérivés (Éditions Félix Beryte – 239 pages). Investigations non « sherlock holmsiennes », mais quête intellectuelle pour emprisonner une notion volatile. En exergue de l’ouvrage, deux extraits-citations de saint Augustin et J-L. Borges. On retient les aveux de celui qui donna aux Confessions leur plus grande lettre de noblesse : « Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me le demande, je le sais ; mais si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus. » On est bien avancé… Oui, mais, entre-temps, l’auteur plonge à cœur et esprit ouverts dans tous les commentaires, analyses, gloses, références, théologies, théories, littératures, philosophies et textes, pour « saisir » cette notion du temps, qui, avec l’accumulation, devient l’histoire. Un livre riche, débordant de recherches savantes, mais par moments hermétique tant il est fourmillant de détails pour « initiés », sans parler d’un emploi de la langue française (avec surcharge de documentation) frisant souvent un fastidieux étalage de connaissances. Poésie Les mots surréalistes de Hanane Aad Troisième recueil de poésie de Hanane Aad, journaliste et poète, qui, en rimes libres et langage poétique arabe, donne libre cours à une vibrante inspiration de lyrisme religieux avec des envolées aux images surréalistes un peu trop fleuries. Ce n’est guère par hasard si une toile du peintre surréaliste Samir Abi Rached illustre cette plaquette intitulée Lou’lou’ ala sahouat al-kimat (traduction, non littérale, Essence de l’âme au cœur de l’élévation – 99 pages, Dar al-Ibraa-Al harf al-zahabi). Préoccupations terrestres, certes, dans ces vers libérés de toute contrainte prosodiques, sauf d’une certaine musicalité, mais aussi regard tourné vers l’Éternel et les valeurs morales édifiantes. Edgar DAVIDIAN
Du temps à la ville, du livre à l’édition, du parnasse au labyrinthe romanesque, de l’essai à la fiction, du monde de l’enfance aux préoccupations sociopolitiques, des amours terrestres au sens de l’élévation en rimes libres, de l’amour des mots à la passion de lire, autant de sujets divers et de modes d’expression différents pour s’entretenir de la littérature...