L’œuvre au noir*

L’an 2005 est presque révolu, voici apparaître l’an 2006. Il est de tradition, en cette fin d’année, de passer en revue les événements écoulés. Une fois de plus, nous sacrifions à la coutume. ***** Proche et Moyen-Orient, Europe, Amérique, Asie, Afrique… Notre planète tourbillonne comme « un écheveau de laine pris dans les harpes du vent ». D’élections en référendums, de manifestations en révolutions, de coups d’éclat en scandales, de moments insolites en événements tragiques, de la joie aux larmes, grands et petits de ce monde n’ont eu de cesse de chercher à se faire leur place au soleil. Le jeu de la démocratie fraye de la sorte, insensiblement, son chemin. Il se faufile à pas feutrés dans les coulisses du pouvoir et dans le cœur des hommes. « Œuvre au noir » alchimique, il hisse les peuples sur les nuages de l’espoir. Espérance dont on nous enivre avec force belles paroles et promesses de jours meilleurs à venir. Nous croirions entendre la litanie des lendemains qui chantent tout droit diffusée d’un ancestral disque à microsillons grésillant de l’époque soviétique. Sans vouloir nous immerger dans une nostalgie inopportune et désuète, nous en sommes presque à déplorer la bonne vieille URSS. Du temps de la guerre froide, l’ennemi avait au moins un visage. Aujourd’hui, à l’ère du nouvel ordre mondial et de la globalisation, du tout électronique et de l’Internet, ce temple de l’anonymat, le terrorisme – adversaire sans nom et sans traits – nous déconcerte et nous atterre. Nous ne comprenons plus, nous ne saisissons pas ce qui peut pousser des hommes, des femmes parfois, des adolescents même, si démunis soient-ils, à se faire exploser au nom d’une cause – fut-elle juste – ou d’Allah. Dieu est miséricordieux, dit-on. Il est Amour. Comment peut-on semer la haine et l’horreur au nom de l’Amour ? Quels fruits pourris escompte-t-on ainsi vendanger ? ***** Une année est morte sur le bûcher du destin, une autre naît de ses cendres. Le monde en sera-t-il meilleur ? Il est permis de rêver ! John Lennon chantait bien « Imagine »… Paix sur la Terre et aux âmes de bonne volonté. L’an 2005 n’est plus, bienvenue à l’an 2006 ! Joe MEZHER ——————————————————— * « L’Œuvre au noir », roman (Marguerite Yourcenar).