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Actualités - REPORTAGE

L’analyse d’Alain Dieckhoff, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales Israël-Palestine : vers un unilatéralisme renforcé

Élection de Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité palestinienne, retrait israélien de la bande de Gaza, départ d’Ariel Sharon du Likoud… Si l’année écoulée n’a pas été marquée par de réels progrès en ce qui concerne la résolution du conflit israélo-palestinien, elle aura néanmoins été riche en événements. Une tendance générale toutefois se dessine clairement, qui devrait, selon Alain Dieckhoff, spécialiste du dossier, se confirmer en 2006 : un renforcement de l’unilatéralisme dans le traitement des relations israélo-palestiniennes. Onze novembre 2004, Yasser Arafat, monstre sacré de l’histoire palestinienne, s’éteint. Avec lui, c’est un chapitre qui s’achève, alors que s’ouvre une page blanche à l’écriture de laquelle doit s’atteler Mahmoud Abbas, élu à la tête de l’Autorité palestinienne. Au premier anniversaire de son mandat, force est toutefois de constater que la scène politique palestinienne est pour le moins bouillonnante. Alors que se profilent les législatives de janvier 2006, le Fateh, la formation de M. Abbas, a en effet laissé éclater ses divisions entre caciques et « jeune garde ». « Un besoin réel d’expression libre et de débat existait déjà sous Yasser Arafat, mais il était moins apparent. Avec sa mort, le couvercle a été soulevé, et tout a refait surface. En ce sens, ce bouillonnement est positif. Néanmoins, il se fait dans un contexte où Mahmoud Abbas ne dispose pas des relais nécessaires pour imposer son autorité. D’où l’anarchie dont nous sommes témoins », explique Alain Dieckhoff, chercheur au Centre d’études et de recherches internationales à Paris (CERI), spécialiste de la question israélo-palestinienne. Parallèlement, le mouvement islamiste palestinien Hamas monte en puissance. Après avoir enregistré de très bons scores lors des municipales dans la bande de Gaza, mais également dans plusieurs villes de Cisjordanie tenues jusqu’alors par le Fateh, le Hamas devrait, selon les derniers sondages, arracher 30 % des voix lors des législatives de janvier. « Le Hamas récolte le fruit du travail qu’il a effectué durant des dizaines d’années. Malgré l’assassinat de ses dirigeants par Israël, le mouvement reste structuré grâce à son réseau caritatif et à sa discipline interne », explique M. Dieckhoff. Sa participation au scrutin a néanmoins suscité l’opposition d’Israël et des Etats-Unis, ainsi qu’une position mitigée de la part de l’Union européenne. « Il faut savoir ce que l’on veut. Si l’on demande à l’Autorité palestinienne d’être démocratique, il faut accepter que toutes les forces participent au scrutin. Le Hamas n’est pas seulement une organisation terroriste, il dispose également d’une base sociale », souligne le chercheur. Si les sondages se confirment, il faudra donc compter politiquement avec le Hamas, ce qui devrait changer la donne sur le dossier israélo-palestinien. « Ipso facto, les possibilités d’ouverture vers Israël seront plus limitées. Ceci risque de renforcer la logique unilatérale d’Ariel Sharon qui aura dès lors beau jeu de dire qu’on ne négocie pas avec le Hamas », estime M. Dieckhoff. Un unilatéralisme particulièrement flagrant avec le retrait israélien de la bande de Gaza. « Ariel Sharon était convaincu que l’occupation militaire persistante de l’ensemble des territoires palestiniens comme en 1967 n’était pas tenable, car elle ne permettait pas de contrôler la population palestinienne et posait, à terme, un problème de nature démographique. Constituer un espace politique de la Méditerranée au Jourdain, où existerait une quasi-parité entre Juifs et Arabes, menace l’idée même d’un État juif à caractère démocratique. Sharon n’avait pas le choix, il fallait se retirer de la bande de Gaza », explique-t-il. « De la même manière, on peut dès lors s’attendre, en 2006, à des désengagements israéliens de petites colonies de Cisjordanie, mais toujours de manière unilatérale en fonction des intérêts israéliens », ajoute M. Dieckhoff. Certes, Ariel Sharon affirme être disposé à reprendre les négociations avec les Palestiniens, mais les lignes rouges qu’il établit rendent l’option bilatérale inenvisageable. Sur la scène politique israélienne, seul le Parti travailliste, qui a reçu un nouvel élan avec l’élection du sépharade Amir Peretz, prône le bilatéralisme en annonçant être prêt à reprendre, sans conditions, les négociations avec les Palestiniens. Les sondages pour les prochaines législatives israéliennes annoncent néanmoins un sérieux avantage à Kadima, le nouveau parti fondé par Ariel Sharon après son départ du Likoud, avec qui les clivages s’étaient accrus depuis le retrait israélien de Gaza. Un plan auquel de nombreux membres du parti de la droite israélienne étaient fermement opposés. Si la réussite de Kadima et du Hamas se confirme, « 2006 s’annonce comme une année qui sera marquée par le rôle prépondérant des scènes internes palestinienne et israélienne, avec une accentuation de la tendance à l’unilatéralisme », estime M. Dieckhoff. Et ce, au détriment du dossier israélo-palestinien. Propos recueillis par Émilie SUEUR

Élection de Mahmoud Abbas à la tête de l’Autorité palestinienne, retrait israélien de la bande de Gaza, départ d’Ariel Sharon du Likoud… Si l’année écoulée n’a pas été marquée par de réels progrès en ce qui concerne la résolution du conflit israélo-palestinien, elle aura néanmoins été riche en événements. Une tendance générale toutefois se dessine clairement,...