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Actualités - OPINION

LE POINT Cartes brouillées

Tout au long des dix jours écoulés, on aura cent fois frôlé la catastrophe. Deux listes du Fateh concurrentes en prévision des élections du 25 janvier, c’était la victoire assurée pour… le Hamas, avec toutes les conséquences que cela aurait comportées : colère d’Israël, bouderie des États-Unis, boycott par la Communauté européenne et de tristes lendemains pour ces Palestiniens, forcés de subir de nouvelles divisions dont ils se seraient volontiers passés. Fort heureusement, le danger a été évité mais, pour l’heure, il n’est pas possible de savoir s’il est définitivement écarté ou bien si les ultras ne possèdent pas dans leur manche une carte qu’ils pourraient abattre à tout moment dans les trois semaines à venir. À la veille des grandes embrassades entre membres de la vieille garde, Mahmoud Abbas en tête, et les jeunes turcs menés par Mohammed Dahlan, on ne donnait pas cher de la peau du mouvement créé en 1959 par Yasser Arafat. Les sondages en prévision du jour J tombaient les uns après les autres comme autant de couperets. L’organisation de cheikh Yassine était donnée gagnante de la consultation populaire avec 31,4 % des voix, suivie par le Tanzim de Marwan Barghouti (26,8 %) et très loin derrière par les partisans du président de l’Autorité, Mahmoud Abbas, crédités de 17,7% des intentions de vote. Deux autres formations paraissaient à la traîne, avec 10 % au Parti indépendant du Dr Moustapha Barghouti et 4,7 % au tandem dirigeant de la Troisième Voie, formé de Hanane Ashraoui et du ministre des Finances Salam Fayad. Depuis la réconciliation du week end passé, les observateurs ont revu leurs pronostics, octroyant généreusement 43 % des suffrages aux poulains d’Abou Mazen, celui-ci faisant aussitôt savoir par l’un de ses lieutenants qu’il allait quand même se battre pour franchir cette barre et peut-être rafler la moitié des 132 sièges à pourvoir au sein du Conseil législatif. Un pari qui s’annonce difficile à tenir, malgré les 66 listes unifiées présentées au niveau national – le sort des 66 listes restantes devra se jouer au niveau des circonscriptions – et même si par le passé, il est arrivé aux urnes de réserver de telles surprises. Les anciens de l’alliance « L’Avenir » sont déjà partis à l’assaut des positions adverses et ont fait savoir que leurs adversaires radicaux, qui se soumettront pour la première fois à la vox populi, représentaient « un long chemin de perdition et d’obscurité », un ton inhabituel, même à la veille d’un scrutin législatif de cette importance. Il devient ainsi évident, à la lumière des prises de position qui ont déjà commencé à se multiplier, que la hache de guerre n’est pas près d’être enterrée et que le mouvement de la Résistance palestinienne, situé dans la ligne de mire de son traditionnel adversaire, n’a pas encore, loin de là, abattu ses dernières cartes. Il lui reste celle de ses alliés malgré eux que sont les Brigades des martyrs d’al-Aqsa, lesquels viennent de se rappeler au bon souvenir des Israéliens en déclenchant, à partir de la bande de Gaza, une salve de roquettes artisanales, suivie le lendemain (simple coïncidence ?…) d’une pluie de katiouchas, tirées cette fois du côté du Liban-Sud. Certes, le processus enclenché avec la campagne électorale en cours paraît trop avancé pour risquer le capotage ; il n’en reste pas moins que la complexité de la situation et l’aventurisme de la caste militaire israélienne rendent la conjoncture extrêmement fragile. L’autre pierre d’achoppement est représentée par le problème de Jérusalem-Est, dont les habitants arabes pourraient se voir privés d’élection, contrairement à ce qui s’était produit lors des législatives de 1996 et de la présidentielle du mois de janvier de cette année. Abbas a cherché hier à calmer les appréhensions de ses concitoyens en estimant que « tout se déroulera comme nous le voulons ». Le ministre de l’Information, Nabil Chaath, a été, lui, catégorique : « Si l’ancienne capitale n’est pas comprise dans les opérations du mois prochain, a-t-il menacé, il n’y aura pas d’élections. Parce que la partie orientale de la ville représente à nos yeux ce qu’il y a de plus important. » Nettement pessimiste, le principal négociateur palestinien, Saëb Erakat, croit savoir ce que veulent les Israéliens : « Ils ne sont pas à la recherche d’un partenaire pour les négociations de paix et préfèrent être seuls à décider de l’avenir de la Palestine. » Raanan Gissin, porte-parole du Premier ministre Ariel Sharon, dit craindre une victoire du Hamas mais ne veut pas reconnaître que Tel-Aviv fait de tout pour l’assurer, ce qui apporterait une nouvelle fois la confirmation de l’existence d’une entente tacite entre les va-t’en-guerre des deux bords. Les extrémismes, dit-on, se nourrissent mutuellement. Mais jamais autant qu’en ce Moyen-Orient de toutes les contradictions, ils n’auraient été aussi loin dans l’autodestruction. Christian MERVILLE

Tout au long des dix jours écoulés, on aura cent fois frôlé la catastrophe. Deux listes du Fateh concurrentes en prévision des élections du 25 janvier, c’était la victoire assurée pour… le Hamas, avec toutes les conséquences que cela aurait comportées : colère d’Israël, bouderie des États-Unis, boycott par la Communauté européenne et de tristes lendemains pour ces...