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Actualités - OPINIONS

L’hommage à Gebran Tuéni

Notre Liban à nous Mes frères et sœurs, peuple du Liban, la tourmente et le sacrifice sont inscrits sur l’autel de l’amour, cet amour démesuré qui lie un peuple à son pays. Ce Liban qui nous a déjà tellement coûté, il est temps que nous comprenions que la souffrance est marquée dans les pages invisibles de son destin, et que pour cela, pour tout le sang versé, il ne faut jamais le lâcher. La parole libre est couleur de sang. Gloire, respects et honneurs à ceux qui paient de leurs vies leurs croyances, à ceux qui vivent en pensant au jugement de l’histoire sur leurs agissements, à ceux qui préfèrent une mort honorable à une longue vie insipide, à ceux qui choisissent de mourir debout au lieu de vivre – et comme ils sont nombreux – à genoux. Notre peuple est notre plus grande richesse, et c’est en sang et en larmes qu’on nous fait payer le prix de notre souveraineté. La liste est longue et douloureuse, car cela fait des décennies que les élites de notre pays sont décimées, et que nos héros tombent. Mais jamais un mandat n’a coûté au Liban autant de martyrs. Et jamais les Libanais n’ont eu cette obstination de vouloir à tout prix reprendre la flamme jusqu’à l’accomplissement du serment prononcé par le plus indomptable d’entre eux, un être rare dans son intégrité, sa droiture et son engagement. Un homme qui a eu son patrimoine et sa culture en héritage, et qui a su rester fidèle à ses principes jusqu’au dernier souffle. Hier, il est parti, lui, Gebran, notre Liban à nous ; il est parti, mais sa voix vibrera en chaque Libanais, son esprit inspirera des générations de penseurs, et sa voie sera un exemple pour la jeunesse qui a vécu la nouvelle indépendance du Liban, car il est entré dans la légende des grands hommes de l’histoire. À présent, et suite à la série d’assassinats qui se prolonge dramatiquement, on se demande : les hommes libres ont-ils encore leur place dans ce pays ? Applaudissons nos exécuteurs, le sang nouveau risque d’être tari ; ne nous restent que ceux qui ont assez vécu pour avoir pris goût à la vie et ne plus vouloir risquer d’en être privés. Aujourd’hui, je lance un appel au secours au monde libre et je leur dis que bientôt nous serons en manque de penseurs, de vrais dirigeants, de défenseurs d’idéologies contre le totalitarisme et la dictature. Il ne nous reste plus personne pour poser ces questions : pourquoi la Syrie n’a-t-elle pas commencé sa propre enquête dans les derniers assassinats ? Les Libanais prisonniers en Syrie, qu’en adviendra-t-il ? Et les fosses communes de Anjar ? Quand est-ce qu’on mettra à exécution le projet d’une ambassade syrienne au Liban ? Les ouvriers syriens, ne vont-ils pas devoir régulariser leur situation, surtout que la Syrie a fermé ses frontières face au commerce libanais ? Et l’Europe, pourquoi se tait-elle ? Ne sommes-nous rien de plus qu’un pion sur une carte ? Qui viendra libérer les jeunes du poids du fardeau des problèmes politiques de leur pays, pour qu’ils puissent focaliser leurs efforts sur leur avenir ? Qui mettra tous les partis autour d’une même table, qui leur fera comprendre que ni la Syrie et l’Iran d’une part, ni les Nations unies d’autre part ne peuvent nous apporter l’équilibre et la paix ? Mon Liban, toi, le pays où il fait bon vivre, manger, boire, aimer, le pays de l’insouciance, de la liberté et de l’espérance, te voilà témoin de l’immolation de tes défenseurs. Nous te faisons serment de rester et de résister jusqu’à ce que les assassins en soient las, jusqu’à ce que ces lâches, ces monstres qui n’ont d’autre dieu que celui qui commandite leur sauvagerie et leur soif de carnages comprennent que le Liban et les Libanais ne sont pas de ceux qui abandonnent leurs rêves face aux épreuves. Nous te faisons serment de rester unis malgré nos différences. Nous te faisons serment de nous relever à chaque fois, encore plus forts, plus déterminés. Nous te faisons serment de te défendre jusqu’à la fin des temps… Au nom de celui qui t’a fait ce serment et qui en est mort. Faten KIKANO COUSSA La voix d’une nation Si l’écrit est libre, la parole est serve. Quoi de mieux que cet adage juridique pour illustrer la pensée de Gebran Tuéni ? Ses écrits étaient libres et dotés d’une certaine véhémence propre aux hommes à poigne, à l’intelligence indéniable. Libre, oui, comme sa pensée. Libre de vivre ses convictions et d’exprimer ses opinions. Il possédait cette réelle éloquence de tribun qui galvanise les foules. Car tribun, il l’était. Il savait trouver le mot juste au bon moment et transmettait sa passion pour le Liban à tous ceux et celles qui se permettaient de douter de leur patrie. Il ranimait les consciences par ses dires et mettait la population face à ses principales priorités. Au-delà des simples soucis quotidiens, il regardait un Liban futuriste, indépendant et souverain, un Liban qui pourrait être gouverné sans mainmise étrangère, un Liban où le mot liberté serait essentiel. D’ailleurs, ne s’était-il pas plu à citer les grands promoteurs de l’indépendance, le 14 mars passé ? Gebran Tuéni n’était pas seulement un patriote, il était fier de l’être et le clamait à haute voix. Le Liban, c’est la priorité de tout Libanais. Il possédait cet idéal nationaliste dont nul autre pouvait s’enorgueillir. De nationaliste, la mort l’a transformé en un symbole pour la nation, un Camille Desmoulins du XXIe siècle. La voix d’une nation s’est éteinte avec un grand homme. Gebran était loin de tous les artifices hypocrites des politiques. Il avait ce don de parler ouvertement et franchement de ses convictions car il croyait au Liban. Il affirmait tout haut ce que toute la population demandait tout bas depuis des lustres, ce que même certains de ses confrères n’osaient pas dire de peur des répercussions. Il se savait visé. Il en faisait fi, avec un courage et une ténacité qui ont fait de lui non seulement un symbole mais un martyr. Avec lui se sont endormies beaucoup de voix qui s’étaient soudainement réveillées face à leurs responsabilités. Gebran avait cette pensée claire et directe et parvenait en quelques mots à dire ce qu’un autre n’arrivait pas à exprimer en de longs discours. Il agissait en grand du journalisme, loin de toute peur, mais il avait une cause qu’il a respectée tout au long de sa vie. Son engouement pour la politique en a fait un député brillant qui a su mettre, le peu de temps où il était en fonction, nos dirigeants devant des responsabilités que vraisemblablement ils avaient oubliées. Que dire de plus sur cet éminent personnage et sur cet homme hors du commun ? Incontestablement, il n’y en aura pas d’autre comme lui. Tout le monde l’avoue. Tout le monde le pense et continuera à en être convaincu. Jean-Paul MOUBARAK Celui qui aimait écrire J’écris Pour celui qui aimait écrire Qui voulait écrire Qui semait des rêves Pour faire pousser Un pays Pour celui Qui n’avait jamais eu peur Car il savait aimer la peur Celui qui avait la figure Tracée par des mots Celui qui avait l’âge d’un pays Pour l’homme Qui criait toujours la liberté Qui est mort fièrement en étouffant un cri J’écris ! Fatima YASSINE
Notre Liban à nous

Mes frères et sœurs, peuple du Liban, la tourmente et le sacrifice sont inscrits sur l’autel de l’amour, cet amour démesuré qui lie un peuple à son pays. Ce Liban qui nous a déjà tellement coûté, il est temps que nous comprenions que la souffrance est marquée dans les pages invisibles de son destin, et que pour cela, pour tout le sang versé, il ne...