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Actualités - CHRONOLOGIE

SPECTACLE - « La vie secrète de la femme », de Charif Abdelnour, au théâtre Monnot Entre dérision et humour, la sexualité féminine à cœur ouvert…

Public restreint entre deuil et temps maussade au théâtre Monnot (USJ). Et pourtant l’appel à la vie est le plus fort et c’est bien de cela qu’il s’agit dans cette comédie amère (« douloureuse », souligne l’auteur) et percutante. Une comédie traitant de la sexualité féminine, entre dérision, caricature ravageuse et humour corrosif. Audacieux déballage de gestes, de mots et de situations qui font carrément fi, et dans une délicieuse irrévérence, aux conventions petites bourgeoises convenables et étriquées. La libération a touché toutes les sphères de la planète et les femmes, ici, sous la flaque de lumière, prennent le pouvoir. Elles avouent l’inavouable, c’est-à-dire ce que les hommes savent parfaitement mais bâillonnent, matent, camouflent, répriment, refusent, maîtrisent. Le plaisir, le désir des femmes, comme un devoir sacré et un droit légitime, y avez-vous jamais songé ? Alors préparez-vous au décollage, le choc peut paraître dur quand toutes les vérités sont bonnes à balancer. C’est dans cet ordre d’idées, légèrement subversives à force d’être revendiquées, que cinq comédiennes (Taghrid Choueiri Bseisso, Rosanna Bouabsi, Nadine Boukheir, Hala Hanna, Carole Haïdar), inégalement convaincantes, font vivre au théâtre Monnot La vie secrète des femmes, un texte délirant et sulfureux, émaillé de verdeurs et de crudités langagières à peine retenues, de Charif Abdelnour, qui en assume en même temps la mise en scène alerte, provocante et cocasse. Décor tout en tentures roses qui se joignent sur une scène nue, en un nœud fendu, fleur symbolisant sans vergogne la partie la plus intime des filles d’Ève... On ne peut pas être plus concrètement explicite pour parler de la plus profonde et troublante des essences féminines. Pour cette antichambre de l’érotisme, comme cette impudique toile désignée par L’origine du monde de Courbet, bien sûr des femmes surgissent des coulisses. Une brochette d’amazones qui revendiquent d’abord dignement la respectabilité des épouses et des mères, flanquées de carrières tout aussi édifiantes, qui se tournent, l’œil lubrique et le corsage défait, vers des sujets moins conventionnels, plus exigeants, plus tabous, plus épineux, plus ouvertement érotiques. Un constat désolant En un défilé de Dim ou de Victoria’s Secret, ces demoiselles jettent aux orties leurs sages oripeaux et, gentiment dévêtues, avec soutien-gorge pigeonnant, slip moulant, gambettes et nombril à l’air, cheveux dénoués, osent tout dire… Oui absolument tout dire, dans un paquet de mots cliniquement salaces, en regardant le public droit dans le blanc des yeux. Très drôles ces fausses collégiennes dans leur provocation ingénue, mais fermes et incendiaires dans leur volonté de défrustration. Pas totalement garces et encore moins saintes. Tout simplement des femmes prises dans les rets de la complexité humaine. Voir, écouter, comprendre pour mieux vivre la parité du couple femme-homme, tel semble le propos, en dépit de sa mordante acidité. Ces championnes du désir, lasses de se faire belles, dressent le constat des femmes objet sexuel et de leur aliénation aux canons de la séduction tracés par le sexe dit fort. Elles récusent la tyrannie de la beauté, refusent l’esclavage des produits cosmétiques et contestent les aléas et la dictature de la chirurgie plastique. Sur un ton allègrement olé olé, mené tambour battant (c’est le cas de le dire), le discours corsé et explosif de ces dames au franc-parler fait tout sauter dans un grand éclat de rire. Elles ont le toupet d’évoquer aussi l’onanisme, sans voile, ni pudeur, ni état d’âme et elles en font une hilarante apologie. Propos polissons ? Pas du tout, mais une variante et une variation du Monologue du vagin (succès de scène et de librairie) à la sauce libanaise. Mais le morceau le plus savoureux demeure, sans nul doute, le miroir déformant et sans concessions que les femmes tendent avec aplomb et lucidité à leur partenaire masculin… Travesties en hommes, ces cinq comédiennes se transforment d’une manière ahurissante en mecs bedonnants avec cigare, étalon prétentieux à qui rien ne résiste, vulgaires mâles suffisants, crachant grossièrement par terre et se curant le nez et les dents avec les ongles… Le tout arrosé de copieux adjectifs sur la pseudo-virilité et les tours mielleux ou fadasses de séduction de vrais cow-boys vantards et mal dégrossis. Sans rancune aucune, messieurs, ces dames ne demandent qu’une amélioration de l’image de marque de la séduction masculine libanaise et une meilleure compréhension et acceptation de la nature féminine. Pour un partenariat plus harmonieux et plus heureux. Est-ce beaucoup demander ? Une gageure, même si elle est parfois tirée par les cheveux et un peu longuette, sur la part cachée de chacun que cette pièce prestement enlevée, sauf le sinistre mélodrame de l’avortement. Laissez vos réticences au vestiaire et dégustez un bon moment de théâtre qui bouscule avec force le spectateur. Edgar DAVIDIAN
Public restreint entre deuil et temps maussade au théâtre Monnot (USJ). Et pourtant l’appel à la vie est le plus fort et c’est bien de cela qu’il s’agit dans cette comédie amère (« douloureuse », souligne l’auteur) et percutante. Une comédie traitant de la sexualité féminine, entre dérision, caricature ravageuse et humour corrosif. Audacieux déballage de gestes, de mots et...