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Actualités - OPINIONS

Les lecteurs ont voix au chapitre

Symbole de la liberté Il y eut une nuit en plein jour ; mais il y aura des matins qui te ressembleront. Beaux, fiers, courageux. À l’image de Ghassan, sages et déterminés, de Nayla… touchants et fidèles, de Marwan, intelligents et téméraires. Des matins où les ambassadeurs de la liberté de l’expression répéteront, sans arrêt et très fort pour qu’on les entende dans le monde entier, qu’ils n’ont peur de rien. Oui, dans un monde arabe où la démocratie n’est qu’une chimère qui récolte des victimes précieuses, des cœurs de lion sauront prendre la relève pour que le fantasme devienne réalité. Comme Marianne, tu es devenu le symbole de la liberté. Lama ALAMEH Non, non et non ! Je voudrais pousser un cri du cœur à l’adresse de tous les citoyens libanais et surtout au président de la République. Nous voilà déjà face à 14 attentats, et cela continue. Pourquoi eux ? Est-ce parce que leur plume libre exprime facilement et en toute honnêteté et courage la réalité que les pauvres citoyens libanais appréhendent ? Est-ce à cause de leur refus de la domination syrienne et de leur volonté de voir le Liban indépendant ? Ne connaîtrons-nous jamais les responsables de tous ces meurtres et de tous ces martyrs symbolisant la liberté d’expression ? Tous les rapports de Mehlis ne clarifieront-ils jamais l’implication syrienne dans toute cette histoire ? Natasha METNI Notre idéal à jamais Toutes les indignations du monde, toutes les condamnations, ne te rendront pas parmi nous. On t’a « volé » au summum de ta gloire, tels les héros. On ne t’a pas laissé continuer ta mission. Tu avais tant à donner encore, tant à nous apprendre, toi qui faisais vibrer la foule par ta fougue et ta foi en un Liban souverain et uni. Ceux qui t’ont assassiné, ces lâches sans conscience, ont bien calculé leur coup cette fois : tu représentais une triple cible. Par ta façon de dénoncer les choses, le journal des libertés que tu présidais, et ton identité mixte ; tu répondais bien aux peurs et phobies de tes assassins. Mais, comme paradoxalement, le miracle est au rendez-vous le troisième jour de résurrection, et la flamme qu’on a voulu éteindre rejaillit de plus belle et rayonne sur le pays du martyr et ceux qui ont cru en lui. Transmets ta force et ta foi à ton peuple libanais en qui tu croyais tellement et oriente ceux qui prendront la relève de ta mission. Repose en paix, très cher Gebran ! Lina CHACCOUR Que nos élites parlent Au-delà de l’assassinat d’un patron de presse qui touche le peuple libanais dans son droit à la liberté d’expression, droit fondamental de tous les peuples, la demande par la France et les États-Unis de prolonger l’enquête de l’ONU sur l’assassinat de notre ancien Premier ministre ne servira pas à grand-chose. Cette demande ne peut être qu’un effet d’annonce politique pour ces deux pays (qui va contrôler la région ?), à moins qu’elle ne soit accompagnée de sanctions à l’égard de la Syrie. Or, de ce côté-là, c’est le néant. La France a multiplié les déclarations d’amitié tout au long de la guerre au Liban, nous en sommes touchés. Hier encore son ministre des Affaires étrangères déclarait « ne pas vouloir déstabiliser le régime syrien ». Les Libanais désirant leur totale indépendance sont ravis d’entendre qu’il ne faut pas déstabiliser un pays qui tue sans vergogne notre élite intellectuelle. Notre seule arme étant les médias internationaux, que nos élites prennent la parole et sensibilisent le monde ! Cynthia ODSI Paris L’absence Comment gérer l’absence ? Comment vivre avec cet être qui n’est plus ? Comment vivre avec cette place inoccupée, ce froid cuisant, cette brûlure au cœur ? Comment dire le nom de quelqu’un qui ne répondra plus ? Comment se réaffirmer l’insoutenable évidence que l’autre n’est plus, la voix n’est plus ce coin de lèvre, ce pli de l’œil, ce grain de peau si vrais…. Écarter le souvenir qui nous joue des tours se fait présent. Se concentrer sur le réel, se le répéter… l’autre n’est plus Rassembler ce qui reste et péniblement, péniblement, survivre à l’absence. Et puis des années ou des poussières, enfin un peu plus tard et insidieusement comme une trahison, devoir faire le contraire, rassembler les souvenirs, accommoder le flou, prier la mémoire qui fuit, qui trahit ce pli, ce grain de peau, ce parfum, cette voix. Et puis, l’autre n’est plus… Chantal GF Et toujours aucune action… Et toujours aucune action… Dites que lundi matin était une catastrophe. Devrions-nous être accablés, étonnés, ou choqués ? Pas tellement. Devrions-nous être écœurés, pétrifiés ou révoltés ? Pas tellement. Devrions-nous être en attente, en espérance ou en espoir ? Pas tellement. Dans la rue, on ne trouve que des visages pâles, incolores et sans expression. Dans les foyers, on ne trouve que des têtes qui observent, scrutent et dévisagent la foule qui défile. Enfin, on n’entend que des politiciens se révolter, en répétant les mêmes paroles depuis un an. Des mots éphémères, des visages ternes. Et toujours aucune action. On réagit momentanément, mais cela n’est pas suffisant. Est-ce que la guerre et ses événements nous ont rendus passifs, inactifs et inertes ? Si oui, le but est atteint ; pendant que nous végétons ou réagissons par des cris, la cour est libre pour des événements semblables dans le futur proche. On devrait se poser la question : comment résoudre le problème et non pas qu’un problème existe. On devrait rassembler nos efforts et non pas les disperser. Gebran Tuéni, Rafic Hariri, Bassel Flayhan, Samir Kassir et Georges Haoui ne seront pas morts pour rien. Au contraire… Caline JILWAN Sans peur et sans reproche Cher Gebran Je me permets de vous appeler par votre prénom, bien que je ne vous aie pas très bien connu. Mais j’ai appris à vous apprécier à travers vos écrits et vos prises de position. Vous représentez l’espoir des jeunes, mais surtout vous engendrez le courage de Ghassan et la pureté de Nadia. J’ai essayé de respecter la volonté de votre père, mais je n’ai pas pu retenir quelques larmes en assistant à vos obsèques, les obsèques les plus émouvantes que le Liban ait jamais connues. C’était à la fois d’une simplicité et d’une grandeur absolues. Surtout quand les patriarches du Nahar, Ghassan, vous a évoqué en parallèle avec votre grand-père. Cher Gebran, je vous écris, car j’estime que vous êtes toujours parmi nous. On ne peut pas mourir quand on est un passionné comme vous l’êtes de la sauvegarde de la dignité du Liban. On vous a souvent critiqué, attaqué, calomnié ; qu’à cela ne tienne. Vous venez de prouver que vous êtes ce chevalier sans peur et sans reproche, prédestiné au martyre. Je voudrais, par la même occasion, saluer votre admirable famille : votre épouse Siham, si digne dans sa douleur, vos filles Nayla et Michèle, si courageuses, si pathétiques, vos adorables jumelles Nadia et Gabriella, qui seront bientôt si fières de leur papa, votre oncle Marwan, ce stoïque ressuscité du terrorisme et enfin, votre père, l’inusable Ghassan, qui malgré le poids des ans, a su merveilleusement garder son sang-froid et sa grandeur d’âme. Cher Gebran, vous venez de quitter cette terre si chère à vos idéaux. Vous avez semé, ce que nous allons récolter, tout le Liban vous le promet. En vous voyant partir pour votre ultime demeure, il m’est venu à la mémoire ces jolis vers de Corneille : « Mourir pour le pays n’est pas un triste sort C’est s’immortaliser par une belle mort. » Nahi LAHOUD Rassemblement à Toulouse Suite à l’assassinat odieux du député martyr Gebran Tuéni, les partis libanais à Toulouse ont organisé un rassemblement place du Capitole, le mercredi 14 décembre 2005. Étudiants et anciens, enfants et vieux, Français et Libanais, les drapeaux libanais et les photos du martyr Tuéni en main, exprimaient leur tristesse et leur appui au Liban. Des étudiants portaient des pancartes où on pouvait lire : « 15 attentats… mais nous ne céderons jamais ! » « Vous pouvez prendre nos vies, mais vous ne prendrez jamais notre liberté ! » En mémoire du député martyr, des bougies rouges, vertes et blanches ont été allumées.Les Libanais à Toulouse ont une fois encore affirmé qu’ils resteront unis pour un Liban éternel… Gebran Tuéni était présent ce soir-là à Toulouse. Toni GHOSN Trop tard… Trop tard. Trop tard pour lui dire que nous étions tous avec lui. Trop tard pour lui dire que nous étions fiers de lui. Trop tard pour lui dire de ne pas laisser les monstres faire taire sa voix et sa plume. Mais comme un ultime salut à son courage, on va se remettre debout. On n’a pas le choix. On a mal, on est fatigués, dégoûtés, apeurés et horrifiés, mais notre tête restera haute. Nous sommes dans notre droit, ils sont dans leur tort. Nous aimons notre pays, ils détestent l’idée même du Liban. Nous voulons être libres, ils ne nous conçoivent qu’à genoux. Nous sommes des gens extraordinaires, ils sont de purs produits du mal. Nous sommes dans la lumière, ils sont des ombres rampantes. Nous avons nos mots, nos idéaux, nos valeurs, ils ont leurs menaces, leurs explosifs et leur terrorisme. Nous sommes animés par notre désir de vivre, ils sont assoiffés de tuer. Et aujourd’hui, du plus profond de notre douleur, nous devons tous relever la tête et sourire, car nous avons la chance, la très grande chance d’appartenir à ce camp et pas à l’autre. Au camp de Gebran Tueni, de Samir Kassir, de Georges Haoui…..le camp des hommes libres. Tania Hadjithomas MEHANNA Un message bouleversant Ses cousins d’Auvergne Bourbonnais adressent à sa famille, mais aussi à sa famille du journalisme toutes ses plus sincères condoléances. Nous vous souhaitons du fond du cœur tout le courage du monde pour affronter cette monstrueuse épreuve qu’est le départ de notre cousin Gabriel Gebran vers un monde que l’on dit meilleur. Que l’ange Gabriel lui ouvre les portes du Paradis, mais soit aussi là pour réconforter tous ceux que ce crime a plongés dans le désespoir ; Nous voulions dire à Nayla, si belle malgré son désespoir et qui ressemble tant à Nadia, que le message qu’elle a délivré au travers des médias nous a bouleversés ; c’est par la plume de son père, qui est maintenant la sienne, que ces monstres seront mis hors du pouvoir qu’ils se sont donné de tuer des êtres bons, car le souvenir que nous gardons tous de Gaby, c’est sa gentillesse, et nous, c’est surtout sa gentillesse envers sa grand-mère que nous avons connue. Soyez tous assurés que nos pensées les plus chaleureuses vous accompagnent, et nous prions pour que, de là-haut, Gabriel Gebran vous soutienne dans ce combat si dur que vous devez continuer et gagner. Isabelle et Jean-Paul BAYLE Je pleure pour mon pays, pour un homme Cela fait trois jours que le pays pleure la mort d’un homme de calibre, un homme de tête ; pour ma part, je n’ai jamais été aussi affectée, pourquoi je ne saurais le dire, je pleure pour mon pays, pour un homme qui croyait à la liberté et qui la défendait coûte que coûte, et ça lui a coûté la vie. Je pleure pour les phrases qu’il répétait, le serment qu’il nous a fait prêter. Aujourd’hui j’ai plus que jamais envie de comprendre la politique, de m’y intéresser et de pouvoir fièrement prendre parti tout en gardant mon pays et sa liberté comme but premier. Aujourd’hui plus que jamais, j’ai envie de faire partie de ce pays, de me donner à lui corps et âme et d’essayer de faire la différence, celle en laquelle ont cru tous ces martyrs. Je veux pouvoir comprendre le passé pour affronter l’avenir, et espérer, espérer l’inespéré, l’impensable, ce pour quoi se sont battus nos ancêtres, ainsi que nos contemporains morts ou vivants. La liberté, ce concept si abstrait et pourtant si prenant, ce concept qui est tellement relatif et qui pourtant fait bouger les foules, nous donnera-t-il raison, nous laissera-t-il un jour satisfaits au moins de l’avoir effleuré? Qui vivra,si quelqu’un pourrait survivre, verra. Tara TYAN Le prix fort de la vérité On a enterré Gebran Tuéni, un homme attachant, brillant, épris de liberté et si courageux qu’il était prêt à payer le prix fort de sa vérité, celle de tous ceux qui aiment farouchement le Liban. Et la liste s’allonge de ceux qui en sont morts ou qui, rescapés, souffrent encore dans leur chair aujourd’hui. Je suis bouleversée, indignée par l’ignominie des auteurs de cet assassinat, de ceux qui l’ont précédé et des tentatives échouées. Je partage la peine de tous mes compatriotes. Issa Goraieb, dans son éditorial d’hier, a trouvé des mots bouleversants pour traduire notre désarroi, notre colère, notre exigence d’une véritable enquête et notre profonde admiration envers « les hommes libres qui tombent pour s’être battus à mains nues ». Gwen ( Paris) Œil pour œil, dent pour dent Quelle leçon de sagesse, d’humilité, de grandeur ! Œil pour œil, dent pour dent, dans le langage oh combien grandiose des Tuéni, c’est d’une part le serment de Nayla de rester pour toujours l’œil du Nahar, c’est-à-dire le protecteur des Libanais patriotes et libres, leur conscience et leur guide ; et d’autre part, l’abnégation de Ghassan, qui invite les Libanais à s’accrocher, dussent-ils utiliser leurs dents, à l’unité nationale et à leur appartenance au monde arabe. Mais que voulaient les bourreaux de Gebran à travers son assassinat ? Faire taire un patriote libanais, arabe, défenseur des libertés publiques et fervent adepte de la démocratie, qui a eu le grand tort de réclamer le départ des troupes étrangères du Liban ? Faire taire une voix qui appelait à l’unification des Libanais, chrétiens et musulmans, au service d’un Liban multiconfessionnel qui est l’antithèse de l’État hébreu ? Attiser les sensibilités en vue de provoquer une cassure dans le tissu démographique et politique libanais ? Casser et dessécher la plume d’un quotidien jouissant d’une immense audience arabe et même internationale ? Quoi qu’il en soit, ils ont échoué. Ils ont réussi à voler le corps de Gebran, mais ils ont contribué à agrandir à l’infini ses idées, son journal, son audience. La loi du Talion sera appliquée là aussi, mais avec une tout autre signification ; celle qu’ont voulu lui donner le sage Ghassan et la grande Nayla. Quant à nous, les admirateurs anonymes de Gebran, la majorité autrefois silencieuse, nous serons désormais bavards, incommodants, vindicatifs et très exigeants. Nous ne pourrons jamais avoir autant de sagesse que Ghassan et autant de courage que Nayla. Nous serons leur porte-« foi ». Najib AMIOUNI Combien de morts encore ? Gebran, nous sommes bouleversés. Ta finesse, ton intelligence, ton humanité, ta compréhension du sens profond de la vie nous ont marqués – même ceux qui ne t’ont connu que brièvement. Combien de morts encore nous faut-il avant de comprendre ce que tu as compris si vite : la technologie de la paix, comme enseignée par Maharashi Mahesh Yogi et vérifié par plus de six cents études scientifiques dans les plus grandes universités du monde, est la seule solution pour réduire la violence, la criminalité, voire les guerres. Cette technologie mentale si simple et pratiquée par seulement 1 % de la population crée une transformation au niveau de la conscience, réduit le stress individuel et social, et élimine toute négativité. Cela tu l’avais compris. Tu y as vu le potentiel de transformation pour l’individu et la société. Tu avais promis ton aide et ton support pour réaliser le projet qui créerait un groupe d’experts utilisant cette technologie (technique de méditation transcendantale) pour créer la paix au Liban, au Moyen-Orient. Tu avais compris que peut-être seulement avec cette approche radicalement nouvelle on pourrait créer cohérence là où il y avait désordre ; paix là où il y a guerre ; joie là où il y a peine, souffrances, malheurs. Gebran, nous sommes coupables de n’avoir pas poursuivi le projet avec toi – sauvant peut-être ainsi ta vie. Nous ne voulons pas être coupables d’autres crimes à venir. Cela est un appel urgent à tous, intelligents et ouverts, capables d’apporter votre support à la création d’un groupe de 500 experts de la technologie védique de la paix. Installés dans la montagne libanaise, où ils n’interféraient nullement ni dans notre vie quotidienne, ni dans nos mœurs, ni dans nos croyances, ils créeraient pour nous harmonie, paix et bonheur, évitant ainsi d’autres tragédies à venir. Gebran, tu nous manqueras, mais si nous réalisons ce projet, ce sera en ton nom, inspirés par ton intelligence et ta foi. Et nous t’en remercions d’avance… avec beaucoup d’amour et de compassion. Suzan HAMZA Afin que serve le sacrifice Tu as toujours été un homme qui « dérange », Gebran…Ton charisme, ta témérité, ta passion et ta fougue suscitaient autant de fiertés que de jalousies. Esprit rebelle et libre, tu avais la capacité de subjuguer par ton discours simple, direct et sans détour. Journaliste passionné, tu jonglais avec ta plume incisive pour transmettre, inlassablement, le message d’une lutte chère à ton cœur : la promesse d’un Liban enfin indépendant et totalement libéré de toute tutelle. Fauché dans la foulée d’un interminable « massacre à la tronçonneuse », sournoisement programmé et enclenché par des esprits maléfiques, hargneux et noirs comme la nuit, contre ceux, brillants et lumineux comme le jour, de l’élite de nos hommes, toi l’homme courage, tu auras délibérément accepté le rendez-vous avec une mort annoncée. Presque sereinement. Parce que tu puisais ta force au plus profond de ta foi et croyais en ton destin. Dans un fatalisme défiant la logique des hommes, tu t’en étais remis à Celui qui avait décidé, pour toi, du jour et de l’heure qu’Il avait programmé pour te faire quitter ce bas-monde et retrouver tes bien-aimés trop tôt perdus… Tu auras été finalement jusqu’au bout de ton rêve, Gebran : mourir pour que vive le Liban libre. Afin que ton martyre ne soit pas vain, afin que ce Liban que tu aimes tant ne sombre plus sous aucune dépendance, chacun d’entre nous se doit de te porter en lui et de poursuivre ta lutte. C’est là un devoir sacré afin que plus jamais le sang des purs ne soit gratuitement versé sur l’autel du sacrifice. Désormais, une étoile nommée Gebran brille pour nous dans le ciel. Tâchons de nous en montrer dignes. Bélinda IBRAHIM Le secret du courage À M. Ghassan Tuéni Nous avons eu la joie de le rencontrer sur le vol Air France Beyrouth-Paris le mercredi 7 décembre. Il nous a raconté qu’il se rendait à Paris, avec sa famille et notre vieil ami Marwan, pour assister à la remise de la Légion d’honneur à son père. Durant le trajet, nous avons discuté, en bons Libanais, de sujets divers dont le triste sort de notre pays. Mon épouse lui a dit : « Nous avons suivi votre intervention au Parlement hier. Vous n’avez donc peur de rien ? Mais nous avons peur pour vous. Pour l’amour du ciel, allez-y lentement. » Il répondit par un sourire. Il était sympathique, affable, attachant. Les qualités qu’il avait développées et les atouts que vous lui aviez donnés ont représenté un éloge à la nature. Mais la nature a fait de lui un héros. Les héros emportent dans leur tombe le secret de leur courage. La fierté qui remplit votre cœur doit être aussi grande que la douleur qui le consume. L’ambassadeur et Mme Antoine el-Dahdah Hommage modeste Quand je t’écoutais parler et exprimer tes pensées Je me disais c’est exactement cela mes idées Maintenant qu’ils t’ont éliminé Et qu’ils ont réussi à te supprimer Je me demande pourquoi ce ne fut pas moi Puisque je pense exactement comme toi. Tu disais nettement et clairement Ce que je ressentais obscurément Tu disais tout haut courageusement Ce que je ressentais timidement. Tu étais le fleuron de la libre pensée Tu étais la conscience personnifiée Ils ont réussi à te tuer et à t’éliminer Mais c’est comme si tu mourais Pour des millions de Libanais Qui ont les mêmes pensées. Généreuse nature qui brûlait de donner sa vie Pour sauver les compatriotes de son pays. Tu étais comme une fragile épée En face de gros canons meurtriers Tu étais comme une conscience pure En face de meurtriers inconscients et impurs. Comme le Christ, tu fis croire à tes assassins Qu’ils avaient décidé de ton destin Alors que c’est toi, par ton libre accord, Qui leur tendais ton cou et sacrifiais ton corps. Et quand je repense à ce qu’il y a dans ta mort de fierté Tu ne fais que nous inciter tous à t’imiter. Dr Paul RISCALLA Il était nôtre Ils nous l’ont pris. Et bien qu’il ait été le fils de son père, le mari de sa femme et le père de ses enfants, il nous appartenait aussi. Il était nôtre. Et je suis dégoûtée, horrifiée, violée dans mes pensées, privée de mon identité. Non. Je ne sais plus. Rien ne peut exprimer ce que je ressens au plus profond de moi, à part cette colère qui m’habite, sourde, et qui gronde, rugit dans mes veines comme un lion sauvage enfermé dans une cage, et qui ne demande qu’à jaillir à travers chaque pore de mon corps. Et vous tous, qui que vous soyez, sachez que si vous aviez aimé votre pays autant que vous aimez le confort de vos postes soi-disant « respectables », si vous n’aviez pas allègrement sacrifié votre amour-propre sur l’autel de la lâcheté et de la cupidité, si le respect du Liban, petit pays ô combien chargé d’histoire, avait été plus fort que votre égoïsme et votre avidité, nous n’en serions certainement pas arrivés là où nous sommes. Vous êtes tous fautifs de tout ce qui se passe actuellement. Alors, pour l’amour du ciel, ne versez plus des larmes de crocodile. Et toi, Gebran, ne nous oublie pas. Continue ton combat de Là-Haut, comme tu l’as si bien fait d’ici-bas. Au revoir… Et comme le dit si bien la chanson : « On se retrouvera tous un jour au paradis… » Jessie MACARON Montréal Choquant et irrespectueux Cela nous fait énormément plaisir de vivre les événements à l’étranger tels que vécus dans notre pays, et transmis par les télévisions, seulement, je trouve qu’il y a des moments d’intimité, et des moments importants dans la vie d’une personne, que l’on devrait respecter par politesse et par décence. Ce que la chaîne al-Moustakbal a retransmis à la fin des funérailles de Gebran Tuéni, après la mise du cercueil dans le caveau, appartient à la famille de Gebran; la réaction de la fille de Gebran, sa souffrance sont personnelles et n’ont pas à être filmées et retransmises à la terre entière. C’était choquant et irrespectueux. Nicole ABDUL MASSIH Montréal, Canada Les limites de la dignité Je crois que nous avons tous (d’une façon ou d’une autre) porté le deuil de Gebran Tuéni… Nous avons tous été subjugués par la miséricorde et la sagesse inouïes dont a fait montre son père lors des funérailles. Nous avons tous été émus aux larmes quand sa fille Nayla a repris le flambeau familial avec ce courage tellement « tuenesque «. Il n’empêche que la couverture de cette journée noire en a choqué plus d’un. Entre la surenchère médiatique a laquelle se livrent certaines chaînes, le « marketing du martyre », pins et vidéo-clips à l’appui, l’indécence des caméras qui profanent l’intimité et la douleur d’une famille lors des derniers adieux, nous avons atteint quelque part les limites de la dignité. Et Dieu seul sait si cette famille en avait ! Antoine KALDANY Je ne veux pas…* Je ne veux pas allumer une bougie Je ne veux pas porter une rose rouge Je ne veux pas planter un olivier Je ne veux pas attacher des rubans blancs Je ne veux pas mettre un tailleur noir Je ne veux pas accrocher un badge Je ne veux pas boire un café amer Je ne veux pas sourire quand même Je ne veux pas baptiser une place en son nom Je ne veux pas entendre le mot « martyr » Je ne veux pas « payer le prix de la liberté » Je ne veux pas que cela en vaille la peine Je ne veux pas écrire un hommage posthume Je ne veux pas connaître les derniers moments Je ne veux pas passer devant un papa effondré Je ne veux pas me souvenir d’un sourire éclatant Je ne veux pas voir des photos des jours heureux Je ne veux pas regarder des enfants si jeunes Je ne veux pas… oublier. Nada NASSAR-CHAOUL * Après Gebran Tuéni…
Symbole de la liberté

Il y eut une nuit en plein jour ; mais il y aura des matins qui te ressembleront. Beaux, fiers, courageux. À l’image de

Ghassan, sages et déterminés, de Nayla… touchants et fidèles, de Marwan, intelligents et téméraires.
Des matins où les ambassadeurs de la liberté de l’expression répéteront, sans arrêt et très fort pour qu’on les entende dans...