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Actualités - CHRONOLOGIE

RENCONTRE - « Peindre, c’est remercier la musique qui m’a sauvé », affirme l’artiste Le joyeux et bruyant paradoxe de Théo Mansour

Des toiles immenses. Un impressionnisme aux confins du réalisme. Des couleurs vives, électriques, mais qui ne manquent ni de chaleur ni d’une certaine transparence. La tristesse camouflée par un grand éclat de rire « falstaffien ». C’est le joyeux et bruyant paradoxe de Théo Mansour dont la peinture a défié l’été dernier les colonnes de Bacchus. Sa mégatoile (6 panneaux de 9 mètres x 2) a illustré le poème « Cinq sens pour une mort » d’Etel Adnan, rebaptisé « Nepsis » par Zad Moultaka qui l’a mis en musique sous le firmament de la Békaa, au Festival de Baalbeck, en première mondiale. Retour plus éclairant sur cette peinture oscillant entre drame de vivre et espoir de tordre le cou à l’adversité. Dans l’appartement-atelier du peintre, au septième étage d’un immeuble au bas d’Achrafieh, trônent pots de peinture, pinceaux soigneusement nettoyés, cartons-esquisses, cartons-ébauches pliés. Et des toiles accrochées un peu partout, dans un espace légèrement poussiéreux, dégagé, comme pour mieux accueillir tout ce qui quitte un chevalet après s’être opulemment servi de la palette et de ses sortilèges… L’on remarque également des rangées interminables de CD, car la musique est au cœur des préoccupations de ce peintre handicapé par un accident de voiture en 2002 et dont le parcours marqué par une chaîne de drames personnels (une paralysie faciale en 1989 « je ressemblais à une œuvre de Picasso », dit-il pince-sans-rire) ne l’a guère détourné de sa passion initiale et déclarée la peinture. Jogging-suit gris, yeux vert clair, cheveux longs ébouriffés, corpulence massive (« l’obésité est ma grande ennemie », souligne t-il) et une chaise roulante que Théo Mansour, à quarante-neuf ans, déplace en toute aisance et sans complexe. De son parcours initiatique, on retiendra quatorze ans de séjour en France, un diplôme des Beaux-Arts de Paris et des cours de dessins dans une école privée à la rue de Seine. Plusieurs expositions collectives et individuelles a Paris, Abou Dhabi et Beyrouth. Le décor planté, discutons à bâtons rompus avec un peintre au courage remarquable et qui avoue en toute simplicité : « C’est la musique et les amis qui m’ont sauvé.. ». L’art thérapeutique « J’ai toujours vécu dans l’humour », dit-il d’emblée, le regard perdu dans un groupe d’oiseaux exotiques peints sur carton. Au Liban ça ne pardonne pas d’être infirme, se hâte-t-il d’ajouter avec le sourire. J’aime partager avec les autres le peu que j’ai. D’ailleurs, ce sont les amis qui me sauvent. » L’artiste ajoute : « Je ne peux pas ignorer non plus les effets bénéfiques de la peinture. Elle a donné un sens à ma vie et a prouvé au monde que je ne suis ni mort ni complètement paralysé ! Mais je dois également“ remercier” la musique qui m’a sauvé d’un échec. Je m’inspire d’elle. J’idéalise les jardins, la nature, la femme. C’est pour cela que je reconnais en Debussy l’amoureux de la nature et des femmes. » Mansour se souvient dans sa lancée qu’à quatorze ans, il écoutait Stravinsky, Bartok, Debussy, Ravel et Hindemith. Mais aussi la musique cubaine, Pink Floyd, Santana… « Je persiste à croire que la musique est plus bouleversante que la peinture… J’étais un peintre impressionniste. J’ai fait énormément de paysages, de nus et des natures mortes (ah la quantité de citrouilles que j’ai croqués !). Et puis j’ai fait du figuratif. Il y a une telle ferveur quand je travaille mes toiles que tout un pan de sensualité est perçu à travers les lignes, les motifs et les couleurs. Je peins aussi l’injustice et l’horreur. D’où les scènes de massacre mises sur toiles. Des images qui m’ont longtemps hanté. » Féru d’aviation et ambitionnant d’être pilote de ligne (« je n’étais pas concentré en mathématiques », confie-t-il ingénument pour justifier sa vocation détournée), cet impénitent rêveur converti aux pinceaux et aux tubes de couleurs sur fond de musique classique contemporaine s’en console aujourd’hui en confectionnant des maquettes de chasseurs-bombardiers, «qui crèvent le mur du son», sillonnant des cieux imaginaires. «Oui, j’aime pousser les choses à l’extrême, dit-il. Par exemple, un rouge pour moi, c’est déjà au moins sept tons de rouge!» explique-t-il. Théo Mansour lit volontiers Schopenhauer et se prépare actuellement à présenter quatre grands panneaux, le 28 décembre, au Musée Sursock sur le thème de «Sept chants de guerre», d’après un poème d’Yan Silenski, mis en musique par Zad Moultaka. Toujours cette alliance de la musique et de la peinture; pointe déjà à l’horizon l’idée des 24 préludes de Debussy avec un pianiste devant son clavier de touches d’ivoire et une vision picturale recouvrant les murs ambiants. Vision dont Théo Mansour peaufine les angles et les détails pour bien connaître « ces préludes que j’écoute constamment et amoureusement », dit-il en regardant sa discothèque bourrée de CD. Edgar DAVIDIAN
Des toiles immenses. Un impressionnisme aux confins du réalisme. Des couleurs vives, électriques, mais qui ne manquent ni de chaleur ni d’une certaine transparence. La tristesse camouflée par un grand éclat de rire « falstaffien ». C’est le joyeux et bruyant paradoxe de Théo Mansour dont la peinture a défié l’été dernier les colonnes de Bacchus. Sa mégatoile (6 panneaux de 9...