Leçon de civisme

La scène se passe rue Trabaud, secteur d’Achrafieh. Elle pourrait avoir eu pour théâtre, hier, le quartier de Hamra tout comme cela pourrait se passer ailleurs, demain. Depuis quelques jours, les ouvriers de la municipalité travaillent à refaire les trottoirs, défigurés et rendus hors d’usage par les mastodontes garés là par leurs propriétaires. On commence donc par ôter l’ancien dallage, étendre de nouvelles couches de terre, les tasser, les niveler, laisser reposer quelque temps avant de… Mais avant même la fin des travaux, les 4 x 4 et véhicules de moindre acabit sont de retour. Sur la chaussée ? Que nenni ! Sur le trottoir – enfin le semblant, la carcasse de trottoir qui est là, prête déjà, estiment-ils, à recevoir leurs monstres, et qu’ils étrenneront une fois achevés les travaux. Rendons grâce cependant à quelques-uns, admirable prévenance, qui, en attendant que lesdits trottoirs soient utilisables par et pour eux, ont opté pour la chaussée, n’y laissant que l’espace nécessaire à de mini-autos. Repassez par là dans quelques semaines : vous verrez dans quel état se trouveront alors les trottoirs de cette pauvre rue Trabaud, remarque également valable pour les autres rues de cette pauvre capitale. Il existe, du moins dans la langue française, une expression pour désigner le principe qui guide la vie dans une cité : le sens civique. On le possède, ce sens, lorsqu’on évite de gêner les autres, quelle que soit la forme que pourrait revêtir cette gêne, de contribuer à détruire, à dénaturer ce qui constitue notre bien commun. Et surtout, lorsqu’on réalise – difficile pour des gens qui ne paient pas d’impôts – que c’est avec votre argent, vous contribuables, que des travaux sont effectués. On comprend que certains malheureux automobilistes, tout préoccupés qu’ils sont (comme nous tous d’ailleurs) par le rapport Mehlis à venir, le sort du Proche-Orient, l’utilisation que les humains feront de la planète Mars une fois que sa conquête aura été achevée, ne trouvent pas le temps de chercher une place dans un parking. Pourraient-ils, à tout le moins, faire montre d’un peu de sens civique ? C. M.