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Ali Ferzat, une plume acérée au service des peuples arabes, contre les régimes dictatoriaux Profession : caricaturiste Signe particulier : syrien

Caricaturiste, syrien et rebelle. Des termes que l’on imagine difficilement pouvoir accoler les uns aux autres. Et pourtant, Ali Ferzat a réussi ce défi. Depuis plus de 35 ans, il égratigne, à coups de crayon, les régimes totalitaires de la région. Des régimes assoiffés de pouvoir, qui s’enrichissent sur la misère des peuples. Ses yeux sont aussi pétillants que son crayon est mordant. À 54 ans, Ali Ferzat est fondamentalement provocateur et rebelle. Un état d’esprit qu’il assume pleinement et dont le dessin est, selon lui, le vecteur le plus approprié. « Le dessin permet de jeter des ponts vers les gens. Son accès est aisé, son sens facile à saisir. Et les images restent longtemps gravées dans les esprits », explique-t-il devant une série de caricatures exposées dans un salon du Sheraton Four Points à Beyrouth, où il participe à un symposium organisé par le British Council autour du traitement, par les médias, des problèmes sociaux du Moyen-Orient. « Dans cette région, les gens sont enfermés entre de gigantesques murs et ne peuvent pas crier leurs problèmes, leurs attentes. Avec mes dessins, je peux exprimer cette réalité », souligne-t-il. Malgré la nature du régime syrien, peu séduit par les notions de liberté d’expression et de liberté de la presse, Ali affirme ne s’être jamais autocensuré. « En fait, je me concentre sur les symboles. Il n’y a pas de texte dans mes dessins, pas de signes clairs. À partir de là, les interprétations sont ouvertes », explique-t-il. Tellement ouvertes que plusieurs régimes se sont reconnus dans un même dessin. « En 1981, j’exposais mes caricatures à l’Institut du monde arabe, à Paris. L’ambassadeur irakien de l’époque a fait un scandale devant une caricature représentant un général moustachu distribuant des médailles au lieu de donner de la nourriture à un malheureux. Il a considéré que ce dessin était une insulte à Saddam Hussein. » L’affaire prend de l’ampleur, mais Ali bénéficie du soutien des journalistes français. « L’histoire ne s’est toutefois pas arrêtée là. En rentrant à Damas, le ministre de la Défense, Moustapha Tlass, a lancé des poursuites contre moi, pour ce même dessin, car il estimait que celui-ci s’attaquait à l’armée ! » Pas de quoi, néanmoins, calmer les ardeurs de notre dessinateur, puisqu’en 2000, Ali crée son propre journal, ad-Domari. Forcément satirique. Une première car aucun journal privé de cette nature n’avait été ouvert en 40 ans de régime baassiste. « L’aventure s’est toutefois arrêtée en 2003, quand le gouvernement et les services de renseignements ont ordonné la fermeture du journal », explique-t-il. Malgré son trait de crayon pour le moins acerbe, Ali a évité la prison. « J’ai été menacé et interrogé, mais grâce au soutien du peuple syrien, je n’ai jamais été arrêté », explique-t-il, avant d’ajouter : « Ma popularité me protège. » Il n’en demeure pas moins que Ali ne publie plus ses dessins dans la presse syrienne. « Aujourd’hui, mes caricatures sont diffusées par Watan al-Koweïti, et dans le quotidien français Le Monde. » Ali participe également à de nombreuses expositions et distribue ses dessins en Syrie, en quasi porte-à-porte. Malgré les revers, Ali non seulement reste en Syrie, mais continue de dessiner. Une production colossale, plus de 15 000 dessins, que Scott C. Davis, auteur d’ouvrages sur la Syrie, n’avait pas hésité à qualifier de « shakespearienne ». « Je dessine depuis l’âge de 5 ans. À l’école, je réalisais déjà des caricatures de mes professeurs. Ce qui m’a d’ailleurs valu plusieurs jours d’expulsion… C’est mon destin de dessiner, c’est un acte de résistance. Et je vais continuer », affirme-il, un large sourire fendant sa barbe. Mais derrière le sourire de Ali se cache un certain pessimisme sur l’avenir de la région. À ceux qui évoquent un printemps arabe, il répond : « C’est l’hiver ! » Sur l’avenir de la Syrie, soumise à une pression internationale sans pareille dans son histoire, il ne cache pas ses inquiétudes. « La situation va certainement se détériorer, car le pouvoir est coupé de la réalité, il est complètement isolé. Aujourd’hui, le peuple syrien a vraiment peur de l’avenir », reconnaît-il. Un avenir qui, quelle que soit sa nature, passera assurément par la plume sans concession de Ali Ferzat. Émilie Sueur
Caricaturiste, syrien et rebelle. Des termes que l’on imagine difficilement pouvoir accoler les uns aux autres. Et pourtant, Ali Ferzat a réussi ce défi. Depuis plus de 35 ans, il égratigne, à coups de crayon, les régimes totalitaires de la région. Des régimes assoiffés de pouvoir, qui s’enrichissent sur la misère des peuples.
Ses yeux sont aussi pétillants que son crayon est...