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Actualités - CHRONOLOGIE

CONCERT - Solidarité humaine et musique classique arabe à l’Assembly Hall (AUB) «Zarani», de Zad Moultaka, ou les «mouachahats» revisitées

Une salle comble. Grande agitation à l’Assembly Hall (AUB) avant l’entrée en scène, avec un bon quart d’heure de retard sur le programme annoncé, de Zad Moultaka et de ses trois compères. Organisée par le Mouvement de jeunesse orthodoxe, cette soirée – alliant solidarité humaine et activité caritative ainsi que la bonne musique classique arabe, heureux mélange qui, depuis toujours, fait bon ménage – a fait revivre le faste sonore des « mouachahats » mais dans une troublante version osée et moderne. Accents originaux et rythmes peu familiers au « tarab » et « keif » d’autrefois. Mais sortilèges garantis pour tous ceux qui aiment la musique défiant les ronrons sclérosés, dans ses incursions et ses audaces contemporaines. Vêtus de noir comme un austère ordre monastique, les musiciens ont pris place sous les feux des spots. Bustier argenté, boléro moulant et jupe longue pour Fadia Tomb el-Hage aux cheveux dénoués jusqu’aux épaules devant le micro. Pull à ras-du-cou et jeans noir pour Zad Moultaka, qui s’installe silencieusement derrière l’ivoire des touches du clavier. Pour gratter oud, mandoline et mandole, il y avait Florentino Calvo et, pour garder le tonus alerte et battre le rythme aux percussions, Pierre Rigopoulos. Que les puristes du genre ne s’en offusquent pas. Que les compassés de la musique ne crient pas à la trahison. Il y a là un souffle de liberté, tonique et vengeur, avec un sacré sens du respect pour l’incommensurable richesse d’un patrimoine. Ici, les chants de l’Andalousie, les célèbres « mouachahats », tout en faisant surgir la gloire d’antan et les intermittences du cœur au mode du passé, ont des sonorités insoupçonnées, incroyablement nouvelles. Musique exploratoire par excellence. Notamment avec le clavier où, grâce à la virtuosité et le talent de Zad Moultaka, la musique atteint des sommets d’émotion et fait une périlleuse plongée dans le plus noir ou le plus clair des notes. Quand Zad Moultaka lâche ses doigts sur les touches d’ivoire, il pleut des étoiles, les cascades deviennent plus volubiles ou des villes blanches se pulvérisent comme neige au soleil… Onze pièces qui, tout en taquinant la poésie, éveillent en toute subtilité et avec une magie particulière le charme vénéneux des mélodies échappées au patrimoine de la culture arabe. Zarani est un concert qui se situe entre spiritualité et battements de cœur, entre les dédales de l’amour le plus prosaïque, le plus sensuel sans jamais se départir de son caractère noble et un sens marqué de l’élévation. Ainsi sont faites ces notes pétries des souvenirs les plus reculés et qu’un musicien inspiré coule brusquement dans un moule neuf et pourtant si familier… On se rappelle que l’aventure de Zarani a commencé au Festival de Beiteddine en 2002 et puis c’est à travers une tournée en France (l’Institut du monde arabe de Paris, ainsi qu’à Poitiers, à l’Abbaye de Royaumont, à Grenoble, à Bordeaux, à Cahors), en Jordanie, au Canada et en Italie que le triomphe et le succès de l’entreprise s’affermissent. Aujourd’hui, heureux retour à ce concert donné dans la petite cour du Palais des eaux au Chouf et qui, à l’époque, avait fait pas mal de vagues et de remous tout en marquant les auditeurs qui avaient pu l’applaudir. Rien n’a changé. Au contraire, avec le temps, cette musique aux modulations surprenantes et souvent graves a plus de saveur, plus de chair. C’est avec plaisir qu’on écoute les bravoures des uns et des autres. Double chant (avec enregistrement) de Fadia Tomb el-Hage (dont le chant a pris de l’ampleur et de l’émotion après la moitié du récital tout en gardant une distance avec le texte et le public), coulées plaintives et nostalgiques du oud, percussions aux rythmes précis et inquiétants. Mais l’on s’arrête surtout aux grands moments avec le piano, où Zad Moultaka a opéré un usage peu conventionnel avec les touches d’ivoire. Il cravache, tambourine, pince, flagelle, caresse, triture ou asticote les cordes du clavier tout en soulevant, en un geste étonnamment ludique et sérieux, le couvercle, au grand plaisir des auditeurs médusés devant la profusion et l’originalité de la qualité sonore de cette myriade de notes venues d’ailleurs. Edgar DAVIDIAN
Une salle comble. Grande agitation à l’Assembly Hall (AUB) avant l’entrée en scène, avec un bon quart d’heure de retard sur le programme annoncé, de Zad Moultaka et de ses trois compères. Organisée par le Mouvement de jeunesse orthodoxe, cette soirée – alliant solidarité humaine et activité caritative ainsi que la bonne musique classique arabe, heureux mélange qui, depuis...