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Malgré le harcèlement des forces de l’ordre, la jeune Égyptienne reste déterminée à poursuivre son combat contre le régime Moubarak Subir ou agir ? Nora, 28 ans, militante de « Kefaya » a choisi

Elle est égyptienne, n’a que 28 ans, et peut pourtant déjà se targuer d’une expérience de militante des plus denses. Un engagement contre le « régime policier » de Hosni Moubarak pour lequel Nora Younis a payé un prix élevé, puisqu’à deux reprises, les matraques des forces de sécurité égyptiennes se sont abattues sur elle. Pas assez toutefois pour lui faire changer de route. Au contraire. Une fois la peur surmontée, ne reste que la certitude de s’être engagée dans un combat juste. Vingt-cinq mai 2005. Les Égyptiens sont appelés aux urnes pour se prononcer par référendum sur une modification de l’article 76 de la Constitution égyptienne visant à instituer un mode de scrutin présidentiel à candidatures multiples. Des partis d’opposition, dont Kefaya, jugent toutefois la proposition insuffisante en raison des nombreuses conditions posées à l’acceptation des candidatures et appellent au boycott. Le jour du vote, Nora Younis, membre de Kefaya, manifeste au Caire contre le référendum. « Dans un premier temps, les forces de sécurité ont formé des lignes, raconte-t-elle, puis ces lignes se sont ouvertes pour que des voyous aux ordres du PND, le parti au pouvoir, puissent se jeter sur nous. Devant le bureau du syndicat des journalistes égyptiens, un général de la police nous a offert son aide. Il nous a dit de nous regrouper dans un coin. Nous n’avions pas le choix. Quelques minutes plus tard, les policiers qui étaient censés nous protéger ont ouvert la voie aux voyous. J’ai réussi à m’échapper non sans avoir reçu plusieurs coups de matraque au passage. Plus tard, les autres manifestants ont réussi à se dégager de ce piège. Hommes et femmes avaient leurs vêtements déchirés, des marques rouges sur les bras et le visage... Je me souviendrai toujours des paroles d’une amie : “ J’ai senti des mains partout sur mon corps !” ». Le pouvoir, en s’attaquant de cette manière aux manifestantes, avait un double objectif, selon Nora : faire comprendre aux femmes que leur place était à la maison, et culpabiliser les hommes, incapables de protéger leurs amies, sœurs ou femmes. En ce qui concerne Nora, le message n’est pas vraiment passé. « J’ai été matraquée à deux reprises. Lors d’une seconde manifestation, des hommes m’ont tiré les cheveux, m’ont frappé dans le dos et ont tenté d’arracher mon tee-shirt. Mais, paradoxalement, en subissant ce genre d’expérience, j’ai surmonté ma peur, j’ai tué ma peur ! » assure-t-elle. Non seulement Nora est redescendue dans la rue, mais elle s’est engagée dans d’autres mouvements, liés à Kefaya : « The street is ours », et « Youth for change ». Électoralement parlant, Kefaya, notamment lors des législatives qui se déroulent actuellement, ne marque toutefois pas beaucoup de points. Contrairement aux Frères musulmans qui ont confirmé leur percée à l’issue du second round des législatives, ce week-end. « Kefaya n’a même pas un an. Nous en sommes encore à apprendre à travailler ensemble. Étant donné notre manque d’expérience, je considère que nos résultats sont très positifs. Les Frères musulmans ont une histoire beaucoup plus longue marquée notamment par l’octroi à la population de services sociaux. En outre, ils ont accès à la population à travers les mosquées. L’état d’urgence étant toujours en vigueur en Égypte, il est très difficile, voire impossible, pour les mouvements non religieux d’établir une plate-forme politique pour nous adresser aux électeurs », explique la jeune femme. Il n’en demeure pas moins que l’opposition égyptienne en général est plus bruyante qu’elle ne l’a jamais été. Le discours américain sur la démocratisation au Moyen-Orient y serait-il pour quelque chose ? Nora Younis reconnaît que Washington a effectivement exercé des pressions pour la libération de certains militants, comme Ayman Nour, leader de Kefaya, ou encore l’intellectuel Saad Eddin Ibrahim. « Mais, il faut insister sur le fait que les changements actuels sont le fait de pressions à la fois externes et internes », tient à souligner Nora qui, âpre militante de la cause palestinienne, ne porte pas l’Administration Bush dans son cœur. « Le tournant crucial a eu lieu en mars 2003, au moment de l’invasion américaine en Irak. De manière spontanée, une première en Égypte, des milliers de manifestants sont descendus dans les rues. Non seulement pour condamner cette offensive, mais également pour crier des slogans anti-Moubarak. Ce jour-là, un tabou a été brisé », relève-t-elle. Malgré ce parfum de printemps du Caire, Hosni Moubarak a été reconduit le 7 septembre dernier et le Parlement restera à majorité pro-pouvoir. Et chaque fois que Nora descendra dans la rue, elle risquera de nouveaux coups, ou l’emprisonnement, comme son frère, militant au sein d’une organisation universitaire. « Malgré tout, je crois qu’un changement va intervenir. L’espoir est mon moteur. Ce qui s’est passé dans les rues du Caire ne peut nous être enlevé », assure-t-elle, droite dans ses bottes de militante convaincue. « Nous sommes sur écoute, nous sommes menacés, mais nous continuerons. À chaque fois que le pouvoir s’en prend à nous, c’est une preuve supplémentaire de la justesse de notre combat. Finalement, c’est une question de choix. On peut attendre et subir ou décider d’agir. » Nora a fait un choix sur lequel, assurément, elle ne reviendra pas. Émilie SUEUR
Elle est égyptienne, n’a que 28 ans, et peut pourtant déjà se targuer d’une expérience de militante des plus denses. Un engagement contre le « régime policier » de Hosni Moubarak pour lequel Nora Younis a payé un prix élevé, puisqu’à deux reprises, les matraques des forces de sécurité égyptiennes se sont abattues sur elle. Pas assez toutefois pour lui faire changer de route....