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CORRESPONDANCE - À la National Gallery de Washington Les somptueuses tables picturales de Pieter Claesz

WASHINGTON- Irène MOSALLI La viande en croûte entamée, le plat d’huîtres à moitié vide, le panier de raisin renversé, la coque de noix vidée, le citron partiellement pelé en spirale, plus qu’un doigt de vin dans le gobelet et des miettes de pain courant sur la nappe… C’est comme si on venait de quitter la table. Une table somptueusement dressée par le peintre hollandais Pieter Claesz (1597-1660) et à laquelle convie la National Gallery Art à Washington, qui donne actuellement à voir une trentaine de ses toiles. Avec cet artiste célèbre qui a révolutionné et dynamisé l’approche des natures mortes, il faut plutôt parler de visions vivantes et animées. Et, de surcroît, ses pinceaux donnent à boire, à manger et à penser, car ses repas, ses festins et ses banquets ont un relent sociologique et moral. D’abord, côté esthétique, il a innové avec sa palette intense et lumineuse et avec ses compositions faisant appel aux sens. Et il propose trois genres de menus : « Petits déjeuners et vanité », « Table monochrome » et « Banquets somptueux ». Et aussi, vanité des vanités… La première catégorie n’a rien de « petit » ou de frugal. Il s’agit de toiles (ainsi nommées par les Hollandais) qui donnent à voir des nourritures alléchantes, des couteaux, des assiettes raffinées, comportant néanmoins des éléments rappelant que « Vanité des vanités, tout est vanité ». Un crâne pour dire « l’inévitabilité » de la mort et donc la fugacité des choses matérielles, ou une bougie et une montre pour évoquer le temps qui passe. Autant de réminiscences du calvinisme dont le fondateur avait écrit : « Que ceux qui vivent dans l’abondance se souviennent qu’ils sont entourés d’épines et qu’ils fassent attention à ce qu’ils ne soient pas piqués. » C’est pourquoi les pinceaux du peintre balancent entre baroque excessif et austérité chrétienne. Puis, dans la deuxième phase de sa carrière, Claesz met en sourdine cet aspect métaphysique et convie à des « Tables monochromes » mais non moins abondantes avec des masses de fleurs, de fruits, de viandes, de crustacés et de vaisselles rutilantes. Ici, ses tonalités sobres, qui jouent sur les multiples subtilités d’une même couleur, sont chargées de naturalisme, comme ces miettes de pain tombées çà et là, ces coquilles de noix vides et cette nappe allant dans tous les sens : pour suggérer que le repas a été interrompu. Ailleurs, il place une cuillère sur une viande entamée comme une invite au public à se servir. « Les petits maîtres » In fine, le peintre va encore plus loin dans le grandiose et le baroque, et produit sa série de « Banquets somptueux » dont la pièce maîtresse est « Chapons et huîtres ». Il donne à la grande variété des aliments qu’il peint sa même texture originale et c’est avec une égale précision qu’il capte la luminosité et la transparence du verre, le brillant de l’argenterie et le mat de l’étain. Pour accentuer la minutie et l’esprit du détail cultivé par Claesz, la National Gallery of Art a rassemblé des objets identiques à ceux figurant dans ses tableaux : brocs, verres à vin, livres, montres, etc. L’un des responsables de l’exposition fait remarquer : « La Hollande des grands maîtres – Rembrandt, Vermeer, Hals et Van Dyck – avait également produit des centaines d’excellents peintres qui ont cultivé les natures mortes et que l’on appelait “ Les petits maîtres”. Beaucoup sont restés longtemps dans l’ombre. Parmi eux, Pieter Claesz qui a été redécouvert en 1883. Cette exposition révèle l’intensité de son large éventail artistique et montre qu’il a pavé le chemin pour les générations à venir, de Chardin à Cézanne. »
WASHINGTON- Irène MOSALLI

La viande en croûte entamée, le plat d’huîtres à moitié vide, le panier de raisin renversé, la coque de noix vidée, le citron partiellement pelé en spirale, plus qu’un doigt de vin dans le gobelet et des miettes de pain courant sur la nappe…
C’est comme si on venait de quitter la table. Une table somptueusement dressée par le peintre hollandais...