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Actualités - REPORTAGE

ENDOCRINOLOGIE - Des recherches prometteuses présentées au 41e congrès de l’EASD Le traitement du diabète à la veille d’une révolution?

Lorsque les médecins canadiens Fred Banting et Charles Best ont réussi à définir le rôle de l’insuline, en 1921, ils ignoraient peut-être qu’ils ouvraient la voie à ce qui constituera soixante-quinze ans plus tard la prise en charge du diabète: l’injection d’insuline. Cette découverte était d’autant plus importante qu’elle a permis aux spécialistes de prendre conscience du fait que le diabète n’est pas un arrêt de mort, mais une maladie chronique qu’ils peuvent traiter. Aujourd’hui, la prise en charge du diabète semblerait être à la veille d’une deuxième révolution qui pourrait changer une fois de plus le cours de la maladie. Le dossier préparé pour « L’Orient-Le Jour » par l’agence de presse Destination Santé. Rappelons que le diabète est réparti en deux types. Également appelé insulinodépendant, le diabète de type I est dû à un déficit total de l’insuline sécrétée par le pancréas. Il touche les sujets jeunes, généralement âgés de moins de 30 ans, ayant des prédispositions génétiques. L’insuline, sous ses formes différentes, demeure l’unique traitement de cette forme de diabète. Le diabète de type II, dit non-insulinodépendant, est causé par une résistance à l’insuline. Il apparaît généralement après l’âge de 40 ans, mais est de plus en plus diagnostiqué à un âge jeune (à partir de 25 ans) à cause du taux croissant de l’obésité. Le diabète de type II constitue 90% des cas diagnostiqués. Cette maladie est en expansion continue et touchera en 2025 plus de 300 millions de personnes dans le monde, selon les estimations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les traitements spécifiques au diabète de type II ne sont que très nombreux : les sulfamides hypoglycémiants, qui augmentent la production d’insuline par le pancréas; les biguanides, qui diminuent la production de glucose par le foie; les thiazolidinediones, qui augmentent la réaction à l’insuline présente dans le sang et les inhibiteurs des alphaglucosidases, qui agissent au niveau de l’intestin freinant le passage du sucre des aliments dans le sang. Pourtant aucun de ces traitements n’est parfait. L’insuline reste contraignante et son administration complexe à ajuster. En ce qui concerne les antidiabétiques oraux, aucun ne règle le problème de fond du diabétique de type II. Leurs doses sont difficilement adaptées à la baisse du taux de sucre dans le sang. Et, au fil des ans, les patients «échappent au traitement»: ils prennent du poids et risquent de développer des complications graves dues à la maladie. De nouvelles découvertes présentées lors du 41e congrès de l’Association européenne pour l’étude du diabète (EASD), tenu récemment à Athènes, en Grèce, semblent très prometteuses. Les chercheurs ont, d’une part, promis des insulines qu’il ne serait plus nécessaire d’injecter et, d’autre part, ouvert une voie radicalement nouvelle dans le traitement du diabète de type II. Il s’agit de stimuler les incrétines, des hormones originaires de l’appareil gastro-intestinal. Que valent ces annonces? Promettent-elles de vrais changements et un futur réellement différent pour les diabétiques? L’espoir, en tout cas, est à la mesure des enjeux vitaux liés à une maladie responsable, selon l’OMS, d’un décès sur vingt dans le monde. Libérer l’insuline Les traitements ne manquent pas aujourd’hui. Mais aucun ne permet de résoudre le vrai problème du diabète: suppléer l’absence d’insuline dans le diabète de type I, remédier à sa mauvaise utilisation par l’organisme dans le diabète de type II. Dans ces deux domaines, des ouvertures fascinantes se font jour. On a beaucoup parlé, à titre d’exemple, de la prochaine mise à disposition d’insulines non plus injectables mais inhalées, à l’instar de certains médicaments contre l’asthme. On ose à peine parler de «nouveauté» tant la chose est dans l’air. Les unes en poudre, deux autres sous forme de micro-cristaux et la septième en gouttelettes. Mais toutes seront inhalées. Une de ces insuline pourrait être lancée en 2006. Pour les malades libérés des injections quotidiennes, l’amélioration sera réelle. S’agira-t-il pour autant d’un progrès? À en croire notamment le Pr Stéphanie Amiel, du King’s College Hospital, à Londres, cette voie d’administration présente des inconvénients majeurs par rapport à l’insuline sous-cutanée traditionnelle. Elle provoque la production d’anticorps anti-insuline, l’organisme du patient se défendant contre le traitement. «C’est une régression dans l’évolution de l’insulinothérapie (qui pourrait) empêcher l’utilisation de ces insulines durant la grossesse pour le cas où elles traversent la barrière placentaire», souligne-t-elle. L’autre inconvénient demeure la biodisponibilité très diminuée de ces insulines inhalées. Jusqu’à dix fois inférieure à la forme sous-cutanée, ce qui signifie que des doses dix fois plus importantes devraient être administrées pour un même résultat. La révolution dans le diabète de type I pourrait venir d’ailleurs. Plus précisément des travaux franco-belgo-germaniques, coordonnés par le Dr Lucienne Chatenoud, unité 580 de l’Inserm, publiés en juin dernier. Ils ont montré l’intérêt d’un traitement par anticorps spécifique des lymphocytes T. Chez le diabétique, ils s’attaquent aux îlots de Langerhans responsables de la production d’insuline. Il reste du chemin pour valider cette hypothèse à long terme. Mais la libération du processus de production de l’insuline pourrait ainsi s’ouvrir. Une nouvelle histoire naturelle En ce qui concerne le diabète de type II, la mutation serait déjà en marche. Plusieurs équipes dans le monde, notamment en Allemagne et en Amérique du Nord, écrivent une nouvelle histoire naturelle de la maladie. Depuis bientôt cent ans, le diabète était considéré comme dû à un blocage de la sécrétion d’insuline (diabète de type I) ou de son effet (diabète de type II). Or depuis quelques années, une voie nouvelle est en train de s’ouvrir : celle des incrétines. Respectivement baptisées GIP et GLP-1, ce sont des hormones qui, contrairement à l’insuline, ne sont pas produites par le pancréas mais par l’appareil gastro-intestinal. Alors que l’insuline est sécrétée lorsque le taux de glucose dans le sang augmente, les incrétines sont libérées «de façon quasi instantanée lorsque nous absorbons de la nourriture, provoquant ainsi la sécrétion d’insuline», explique le Pr Daniel Drucker, directeur du Banting and Best Institute, à l’Université de Toronto. Cette découverte explique ainsi la raison pour laquelle la production d’insuline est plus importante après l’absorption de glucose par la bouche, qu’après administration intraveineuse. Plus encore. L’expérience a montré «que l’incrétine GLP-1 préserve l’intégrité des îlots de Langerhans». «Elle réduit la mort de ces derniers par apoptose («suicide» naturel des cellules) et traite donc la maladie elle-même, et non ses seuls symptômes», note le Pr Drucker. Pour le Pr Michaël Nauck (Allemagne), «les traitements actuels se caractérisent par l’échappement inéluctable des malades au bout de quelques années». «Nous courons le risque permanent d’une hypoglycémie réactionnelle (baisse anormale du taux de sucre sanguin provoquée par le traitement) ou de voir les patients grossir et exposés à des complications cardio-vasculaires, poursuit-il. Grâce aux incrétines, nous pouvons espérer un traitement efficace en monothérapie, sans association, et utilisable même au stade du prédiabète.» Présenté aux congressistes à Athènes, ce traitement est actuellement en essais cliniques. Testé sur un peu plus de 1000 diabétiques de type II, le sitagliptin bloque le processus qui, chez le diabétique de type II, inhibe la libération des incrétines. Il présenterait un profil de tolérance comparable à celui du placebo, avec «des résultats très prometteurs en termes de régulation de la glycémie», selon le Dr Peter Stein (Merck Research, Rahway, USA).
Lorsque les médecins canadiens Fred Banting et Charles Best ont réussi à définir le rôle de l’insuline, en 1921, ils ignoraient peut-être qu’ils ouvraient la voie à ce qui constituera soixante-quinze ans plus tard la prise en charge du diabète: l’injection d’insuline. Cette découverte était d’autant plus importante qu’elle a permis aux spécialistes de prendre conscience du...