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Actualités - CHRONOLOGIE

Société - Le jouet a probablement été inspiré par un dieu japonais La « matriochka », la poupée en bois la plus russe qui soit

La « matriochka », poupée gigogne en bois à l’effigie d’une paysanne russe, a probablement été inspirée par un dieu japonais, mais elle est devenue, cent ans après son apparition, le souvenir national par excellence, à emporter par tout touriste qui se respecte. Peu de Russes ont des matriochkas chez eux. Mais pour les étrangers, « elle fait partie de l’imagerie kitsch liée à la Russie au même titre que la vodka, la troïka ou le gros ours », estime Tatiana Bourlatchkova, responsable d’une agence de voyages qui accueille les touristes à Serguïev Possad (80 km au nord-est de Moscou). Fabriqué en Russie à partir de la fin du XIXe siècle, ce jouet aurait eu pour prototype le dieu bouddhiste japonais Fukuruma, représenté sous forme d’une figurine remplie d’autres identiques, plus petites, et qui aurait inspiré le mécène russe Savva Mamontov. Une hypothèse rejetée par les artisans de Serguïev Possad, un centre de l’orthodoxie, qui évoquent une tradition millénaire d’œufs de Pâques en bois, contenus dans une boîte arrondie. Présentée en 1900 à l’Exposition universelle de Paris, la matriochka conquiert l’Occident, et une commande de quelque 150 000 poupées arrive à Serguïev Possad dont les artisans fabriquaient des jouets en bois depuis le XVIe siècle. En 1947 s’ouvre une usine dont les effectifs ont diminué depuis, mais qui emploie toujours des artisans passionnés. « Nos ouvriers ont des mains en or », assure une responsable, Nina Neoustroïeva. Le tourneur Alexandre Dorofeïev, 51 ans, qui y travaille depuis l’âge de 15 ans, façonne en un clin d’œil une poupée minuscule, à peine visible mais d’une forme parfaite qui s’emboîtera au fin fond d’une matriochka. Les figurines en tilleul ou en bouleau sont ensuite peintes avec de la gouache en rouge, bleu et vert, couleurs traditionnelles des poupées de Serguïev Possad. « Chacune est unique et ressemble à sa créatrice », assure Mme Neoustroïeva. Dernière étape : on vernit chaque figurine à trois reprises. Une ouvrière plonge les mains dans le vernis et caresse ses poupées. « Aucun pinceau ne convient. Il faut la chaleur des mains pour que la superficie soit lisse », explique Antonina Guerassimova, qui passe cinq heures par jour dans un atelier exigu où l’odeur de peinture fait tourner la tête. L’usine organise des stages pour les touristes. « Les Japonais adorent cela. Leurs matriochkas deviennent souvent des samouraïs aux yeux bridés », raconte la directrice commerciale, Galina Joukova. Les touristes étrangers se voient offrir aussi des poupées « politisées », fabriquées par des particuliers, tel Poutine abritant Eltsine, Gorbatchev, Brejnev et, tout au fond, un petit Staline. Elles se vendent comme des petits pains à l’entrée du monastère de Serguïev Possad aussi bien que dans la principale rue piétonne de Moscou, Arbat. Mais « une matriochka à l’effigie du président Vladimir Poutine, c’est du mauvais goût », lance Mme Neoustroïeva. Pour Alexandre Grekov, directeur du musée du jouet, ce n’est pas nouveau : au début du XXe siècle, les artisans de Serguïev Possad fabriquaient non seulement des poupées censées défendre les valeurs familiales (matriochka mère qui contenait sa nombreuse famille), mais aussi des poupées à l’effigie de Napoléon et du maréchal Koutouzov pour célébrer les 100 ans de la guerre entre la France et la Russie de 1812. Un boom est survenu au début des années 90, après la chute de l’URSS et l’ouverture du pays. « Tout le monde à Serguïev Possad s’était mis à fabriquer des matriochkas, moi aussi. Certains ont fait des fortunes. Aujourd’hui, ce sont des enthousiastes et les plus doués » qui continuent, dit Mme Bourlatchkova.
La « matriochka », poupée gigogne en bois à l’effigie d’une paysanne russe, a probablement été inspirée par un dieu japonais, mais elle est devenue, cent ans après son apparition, le souvenir national par excellence, à emporter par tout touriste qui se respecte.
Peu de Russes ont des matriochkas chez eux. Mais pour les étrangers, « elle fait partie de l’imagerie...