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À l’Espace SD, jusqu’au 19 novembre Parcours à travers les personnages de Beyrouth de Mazen Kerbaj

De gribouillages en crayonnages, de poésies en proses et de bandes dessinées en œuvres picturales, Mazen Kerbaj réussit à colorer le verbe. Un langage particulier qu’il retranscrit par des techniques mixtes sur kraft, en utilisant l’encre sur le carton, ou l’aquarelle sur le papier canson. Plus d’une cinquantaine d’œuvres au total qui sont exposées à l’Espace SD, jusqu’au 19 novembre, et qui traduisent l’expression d’un travail particulier. Il est peut-être né avec un crayon à la main, mais n’est-ce pas les débuts de tout enfant? Sauf qu’avec Mazen Kerbaj, ses premiers coloriages auront une suite. Une suite en mots et en images, tous deux indissociables dans l’esprit de l’artiste. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Il y a quelques années, c’étaient des bandes dessinées. Une quête de personnages qui se cherchent et cherchent, malgré une déconstruction du texte, une certaine identité. Et aujourd’hui, ce sont des œuvres différentes qui se veulent uniques parce qu’elles ont été encadrées et accrochées. Un soupçon de cynisme, voire de la noirceur, et beaucoup de poésie, sous-tendus par une palette réduite composée de noir, de blanc et de rouge (couleur de prédilection de l’artiste); affranchi du monde des illustrés, le dessinateur arrive à reproduire un sixième continent fait d’angoisse et de dérision, une autodéfense qu’il s’est construite. Poésie et humour noir C’est Ferré façon Picasso, Buffet façon Brassens, ou encore Magritte façon Kerbaj qui croit intimement que la réalité ne devient telle qu’avec la touche de l’artiste. Le spectateur plonge dans ces mondes inventés par lui pour y retrouver le désenchantement si souvent décrié par les grands poètes. Nourris de la culture artistique ingurgitée au cours des années, les éléments figuratifs ne sont pour lui que de simples pièces de puzzle qui s’imbriquent irrégulièrement et pas nécessairement d’une manière harmonieuse, pour former par la suite les personnages principaux. Ils sont ce nez tordu en forme d’entonnoir, cet œil glauque et rigide, et cette bouche torturée, seuls liens de communication avec le public: «À croire que j’ai dû vraiment avoir des problèmes avec mon dentiste», dit Kerbaj en rigolant, «car c’était la bouche, poursuit-il, qui a déclenché un jour la création de mes personnages.» Le hasard fait bien les choses Une série de personnages aux globes oculaires qui sortent parfois de leurs cavités orbitaires (à la Tex Avery) et vous fixent longuement. Mis parfois en évidence par des taches rouges et d’autres fois encore par des bulles, parties intégrantes de l’œuvre, ils ont souvent été, aux yeux de Kerbaj, le fruit du hasard. «Mes personnages ne sont jamais conçus d’avance, ils sont le fruit de l’instant, souligne-t-il. Alors que mes poèmes étaient bien découpés et réfléchis avant d’être mis sur papier. Ces tableaux traduisent une tentative directe du cerveau au papier. Et c’est souvent ce dernier qui crée l’idée.» Ainsi, le support peut être trouvé par hasard. Comme ces sacs en papier brut, trouvés dans les épiceries américaines, sur lesquels l’artiste a croqué des visages en les éclaboussant de rouge, trouvé dans la peinture à tampons. «Le carton, souligne Kerbaj, s’est fripé de lui-même et j’étais le premier à être surpris du résultat.» Et de citer Picasso qui passait souvent, au-delà des préjugés conceptuels et artistiques, pour atteindre une création toute vierge. Frondeur au ton incisif, Mazen Kerbaj jette un regard sombre mais amusé sur la société libanaise. Décryptant les relations du couple, la vie intercommunautaire et les bourgeoises, il parvient à livrer un canevas à la verve unique et à l’humour débridé. Une sorte de signature, qui serait, selon lui, l’amorce d’un langage. Colette KHALAF

De gribouillages en crayonnages, de poésies en proses et de bandes dessinées en œuvres picturales, Mazen Kerbaj réussit à colorer le verbe. Un langage particulier qu’il retranscrit par des techniques mixtes sur kraft, en utilisant l’encre sur le carton, ou l’aquarelle sur le papier canson. Plus d’une cinquantaine d’œuvres au total qui sont exposées à l’Espace SD, jusqu’au...