Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

COMMENTAIRE L’ouverture en trompe-l’œil de la Chine

par Li Xiaorong* L’agence officielle chinoise Xinhua a récemment évoqué une enquête sur toute une série de stérilisations et d’avortements forcés dans le village de Linyi dans la province du Shandong. La célérité de l’enquête (elle aurait débuté quelques jours après l’enlèvement de Chen Guangcheng, un aveugle, défenseur de la cause des paysans), et la publication au grand jour de ces informations donne l’impression que le gouvernement est devenu plus réactif et que les médias officiels sont moins timorés. Mais est-ce bien la réalité ? En fait, la propagande officielle utilise des affaires comme celle de Linyi pour enterrer des dossiers bien plus compromettants pour le parti. Pour respecter les quotas de naissance fixés par la politique de l’enfant unique, les autorités locales de Linyi auraient contraint plusieurs femmes à avorter et imposé la stérilisation à de nombreux couples qui avaient déjà plus d’un enfant. Des proches des villageois qui s’étaient cachés pour échapper à ce traitement auraient été emprisonnés. Certains habitants de Linyi font état de traitements dégradants, de torture et d’aveux extorqués par la violence. Pourquoi ouvrir une enquête et faire état de ce scandale ? Je pense que les dépêches de Xinhua visent en fait à limiter les dommages. La Chine essaye d’obtenir un financement de l’ONU pour améliorer le planning familial. Mais ce financement a été remis en question par des informations faisant état d’avortements forcés. Les autorités centrales n’ont ouvert une enquête sur l’affaire de Linyi que lorsque les médias internationaux ont parlé du harcèlement de Chen Guangcheng et de son enlèvement avec l’aide de la police de Pékin. Chen avait informé les autorités de ces exactions et avait demandé à une organisation non gouvernementale, le Groupe de défense des droits des citoyens, d’enquêter sur ces faits. Cette association s’est rendue à Linyi en mai. Un mois plus tard, le réseau des défenseurs des droits de l’homme en Chine diffusait les conclusions de l’association en demandant à la commission du planning familial du gouvernement central d’intervenir. En tant que bénévole de ce réseau, j’étais en contact avec Chen et j’ai suivi de près le déroulement de cette affaire. En juillet, n’obtenant pas de réponse du gouvernement, Chen s’est adressé à des avocats connus pour entamer des poursuites au nom des victimes, ce qui a soulevé l’inquiétude des autorités locales. Poursuivi par la police, Chen s’est caché. « Ma sécurité est menacée », me disait-il le 30 août, dans le dernier e-mail que j’ai reçu de lui. En réaction aux protestations internationales provoquées par l’enlèvement de Chen, l’agence Xinhua a annoncé que les responsables locaux des violences risquaient d’être poursuivis. Les autorités centrales ont, semble-t-il, compris qu’il valait mieux pour elles qu’elles réagissent face aux critiques soulevées par certaines des méthodes utilisées pour contrôler les naissances. Et Xinhua n’a pas perdu de temps pour déclarer que cela se limitait à quelques localités. Mais le gouvernement central n’a pas fait grand-chose pour mettre fin aux intimidations à l’encontre des habitants de Linyi. Chen a été relâché, mais assigné à résidence, et le 2 septembre, il a été conduit sous la contrainte dans un poste de police, ceci pour une raison inconnue. La police refuse de lui restituer son ordinateur et son téléphone portable. Et mystérieusement, le téléphone ne fonctionne plus à Linyi. Au moyen d’arrestations, de menaces et de pots-de-vin, les autorités obligent les habitants à revenir sur leurs allégations de violence et à retirer leurs plaintes. Elles les mettent en garde quant aux conséquences graves de tout contact avec Chen ou avec les avocats. La commission du planning familial se refuse à intervenir, mettant en avant son absence de pouvoir de police. Le 10 octobre, les avocats des habitants de Linyi qui étaient venus de Pékin ont été informés que l’audience prévue ce jour-là était annulée. Ils auraient été attaqués par des hommes de main alors qu’ils retournaient à Pékin. Au vu de ce contexte, il est naïf de croire que la réaction du gouvernement aux événements de Linyi traduit une nouvelle approche des atteintes aux droits de l’homme. Si c’était le cas, pourquoi ne réagirait-il pas de la même manière dans les affaires d’expulsion illégales de paysans, d’atteintes aux droits des investisseurs ou de corruption aux niveaux les plus élevés du pouvoir ? Dans toutes ces affaires, les autorités répondent par la répression, notamment en engageant des milices en civil pour kidnapper ou tabasser les gens qui essayent de diffuser des informations sur ces problèmes. Les quelques informations sur l’épidémie de sida ou de SRAS dans les campagnes qu’a laissé filtré tardivement le gouvernement montrent clairement que la transparence est une mesure purement opportuniste. On dit parfois que le gouvernement central ne parvient pas à contrôler les autorités locales. Cet argument n’est guère encourageant. Si les atteintes aux droits des citoyens et la répression se perpétuent dans les provinces en dépit des efforts du gouvernement central et malgré les dénonciations de la presse, il n’y a rien à espérer. Plus probablement, le gouvernement poursuit une politique bien connue des Chinois, « neijin waisong », ce qui signifie « faire preuve de souplesse vis-à-vis de l’extérieur, mais ne rien tolérer à l’intérieur ». Ce qui se traduit par un renforcement du contrôle de la population tout en désamorçant les critiques qui viennent de l’étranger. Je pense que la perte de contrôle du gouvernement sur les provinces est une mise en scène. Le chaos est un bon prétexte pour réprimer. Lorsque des hommes de main non identifiés tabassent ou harcèlent des militants qui contestent l’emprise du parti et que la presse internationale commence à poser des questions, il n’est que trop facile pour se défausser de pointer du doigt une « société criminogène ». Des agressions curieusement bien ciblées arrivent aussi ailleurs. Début octobre, des malfrats ont frappé Lu Banglie, un militant en faveur des libertés civiles, à Taishi, dans la province de Guangdong. En juillet, six villageois de Dingzhou, un village de la province de l’Hebei, manifestaient contre la confiscation de leur terre par le gouvernement. Ils ont été mortellement agressés par une bande. Et la liste est encore longue. Les médias officiels ont récemment publié des statistiques sur les manifestations qui ont eu lieu. Selon le gouvernement, il y en a eu 74 000 l’année dernière. Les observateurs s’ébaudissent de voir le gouvernement reconnaître une telle situation. Mais ici encore, le gouvernement tente de masquer la réalité. Les médias officiels ont dû admettre que ces manifestations sont un test de la volonté du pouvoir à se maintenir. Mais ils omettent de parler des méthodes qu’il utilise pour cela, pensant que nous nous satisferons de ce simple aveu. Attention à ne pas nous laisser manipuler ! * Li Xiaorong fait des recherches dans le domaine des droits de l’homme. Elle est spécialisée dans les questions juridiques liées au contrôle des naissances et aux problèmes de genre sexuel dans les pays en voie de développement. Elle a enseigné la philosophie à l’Université du Peuple à Pékin. © Project Syndicate. Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz.

par Li Xiaorong*

L’agence officielle chinoise Xinhua a récemment évoqué une enquête sur toute une série de stérilisations et d’avortements forcés dans le village de Linyi dans la province du Shandong. La célérité de l’enquête (elle aurait débuté quelques jours après l’enlèvement de Chen Guangcheng, un aveugle, défenseur de la cause des paysans), et la publication au...