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Actualités - OPINION

IMPRESSION C’est quand, l’avenir ?

Beyrouth, ses nuits calmes, ses rues vides, ses écoles protégées par des chars d’assaut (sans blague), ses commerces qui se morfondent. Il a plu la semaine dernière. Vous verriez cette lumière, et le bleu de la mer. Une carte postale. Image arrêtée. Où est la vie ? La vie, on l’économise, sait-on jamais. Ce serait trop bête de la gaspiller maintenant, alors qu’on nous promet un avenir radieux. Mais c’est quand, l’avenir ? L’avenir, c’était hier, ce fatidique 21 octobre, attendu comme la dernière page d’un roman noir qu’on vous aura déchirée. Voyez-vous, ce matin, ça devait être notre premier matin. Un de ces matins blancs, lavés de frais et radieux de vérité absolue. Un matin de résurrection. Nous l’avions tant clamée, tant réclamée, cette vérité. Il ne nous sera pas encore possible de l’acclamer. Tout à coup, elle nous fait peur. Tout à coup, nous longeons les murs, nous nous calfeutrons, et c’est de bien mauvaise grâce que nous rejoignons encore nos lieux de travail et consentons à nous déplacer. Souvenez-vous pourtant, sur la place, le 14 mars dernier. Exposés à tous les vents, désarmés, désarmants, vulnérables comme des enfants, grelottant de froid mais fébriles de cette euphorie des foules, forts de notre seul désir d’indépendance, de justice et de paix, comme nous la chantions, cette vérité. Souvenez-vous, nous n’avions peur de rien. Qui aurait osé, en ce temps-là, creuser la moindre brèche dans le rempart puissant de notre belle unité ? Que s’est-il passé depuis lors ? La récupération, l’attente, l’usure, la lassitude, la menace, la terreur, la force de l’exemple, les assassinats ont achevé de nous défaire. Alors nous longeons les murs, et nos cauchemars reviennent. Nous avons, des dangers qui nous entourent, une carte mentale d’état-major. Ses petits voyants rouges clignotent quand surviennent nos peurs archaïques. Celle des guerres communautaires inscrites dans nos gènes, celle des camps palestiniens, ces furoncles endémiques jamais soignés, celle de l’occupation syrienne, celle du départ des Syriens, celle de l’indépendance et comment faire sans tuteur, quand on ne l’a jamais fait ? Celle des services secrets, qui punissent pour l’exemple, celle de la révolte que punissent les services secrets, celle de la réforme des institutions, celle de la difficulté de s’entendre sur la réforme des institutions, celle de l’endettement qui nous ronge, et celle de la grippe aviaire qui nous survole. Alors, oui, nous avons peur. Pas du fameux rapport Mehlis. Pas de la vengeance des accusés. Mais de cette peur du serpent que la mue, dit-on, rend aveugle. Peur de la mue. Peur aussi que la mue n’ait pas lieu. Peur de l’ordre qui surgit du chaos et du chaos qui peut surgir d’un nouvel ordre. Aujourd’hui, nous sommes en pleine adolescence, tiraillés entre le désir de grandir et la nostalgie d’un temps infantile où nous n’avions rien à décider. La vérité, depuis Œdipe, a une fâcheuse tendance à crever les yeux. Mais nous pouvons encore nous tenir la main. Voilà qui de tout temps intimide le destin. Fifi ABOU DIB
Beyrouth, ses nuits calmes, ses rues vides, ses écoles protégées par des chars d’assaut (sans blague), ses commerces qui se morfondent. Il a plu la semaine dernière. Vous verriez cette lumière, et le bleu de la mer. Une carte postale. Image arrêtée. Où est la vie ? La vie, on l’économise, sait-on jamais. Ce serait trop bête de la gaspiller maintenant, alors qu’on nous promet un...