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Un aumônier raconte sa détention arbitraire à Guantanamo Officier américain et musulman… donc suspect

À Guantanamo, il suffit d’être musulman pour être jugé suspect. Le capitaine James Yee, détenu pour espionnage avant d’être totalement blanchi, a fait les frais de cette paranoïa post-11septembre qu’il expose dans son livre Pour Dieu et mon pays. Arrivé sur la base militaire en 2002 comme aumônier pour les détenus comme pour le personnel, notamment les interprètes, ce diplômé de West Point, la plus prestigieuse académie militaire américaine, espérait dissiper les malentendus culturels comme les préjugés des militaires au sujet de l’islam. Dix mois plus tard, il repartait menotté, avant de passer 76 jours au secret. Cet Américain d’origine chinoise, 37 ans, dont les deux frères et le père ont également servi dans l’armée, a, depuis, quitté l’uniforme. Il exige, dans son ouvrage de 240 pages, des excuses du Pentagone pour le « flagrant déni de justice » dont il dit avoir été victime. « Je crains parfois que mon épreuve provienne simplement du fait que j’étais l’un d’entre eux, un musulman. J’étais un soldat, un citoyen et un patriote. Mais dans le regard d’une minorité suspicieuse et mal avisée, qui a perdu de vue la vocation d’intégration de l’Amérique, j’étais avant tout un musulman », écrit-il. Les soupçons ont émergé rapidement. Un officier, écoutant un topo sur les grandes lignes de l’islam que le capitaine Yee avait préparé pour les nouveaux arrivants, glisse immédiatement aux autres : « Il est avec nous ou avec l’ennemi ? » Ensuite, le fait qu’il maîtrise l’arabe, qu’il fasse ses prières comme les prisonniers, qu’il les salue d’un « salam aleikum », qu’il dénonce le maniement irrespectueux du Coran par certains gardes : tout cela a renforcé ce sentiment. « Certains soldats nous trouvaient trop sensibles aux conditions des détenus ou trop critiques de leur traitement », écrit le capitaine Yee, au sujet du personnel musulman, « ce qui a mené à cette idée que nous prenions leur parti ». Une fois lancées, « les accusations ont été répétées et exagérées lors des chaudes soirées cubaines, alimentées par l’ennui de jeunes soldats et la vodka à bas prix », ajoute-t-il. Certains surnommaient son groupe « la clique musulmane » ou encore « le Hamas ». M. Yee cite aussi la dénonciation d’un traducteur, ayant assisté à un bout de conversation entre M. Yee et un détenu hospitalisé. « Il a rapporté que je m’étais moqué d’une affiche d’opérations psychologiques (...). L’affiche disait : “Le temps est venu de coopérer”, ce qui est difficile à traduire en arabe. Nous discutions de cela lorsque le linguiste nous a entendus et pensé que la conversation était subversive. » Lors de chacune de ses visites en cellules, les gardes criaient « aumônier dans le bâtiment » à plusieurs reprises avant de le laisser entrer. « J’ai eu le sentiment que cela servait d’avertissement pour toute personne engagée dans un comportement dont on ne voudrait pas que je sois témoin », écrit-il. M. Yee décrit également des scènes d’une violence inouïe, notamment la neutralisation d’un prisonnier par huit gardes surexcités et armés d’équipements antiémeutes. Après l’opération, ils se sont félicités « en se frappant les mains ou torse contre torse, comme les joueurs professionnels de basket. C’était une étrange célébration de victoire pour huit hommes contre un », commente sobrement l’officier Yee. Inculpé d’espionnage et risquant la peine de mort, M. Yee a été libéré en novembre 2003 sans explications, puis entièrement blanchi en avril 2004. Il avait écrit au président Bush pour se plaindre d’avoir été « traité comme un combattant ennemi et non comme un officier » de l’armée américaine.
À Guantanamo, il suffit d’être musulman pour être jugé suspect. Le capitaine James Yee, détenu pour espionnage avant d’être totalement blanchi, a fait les frais de cette paranoïa post-11septembre qu’il expose dans son livre Pour Dieu et mon pays.
Arrivé sur la base militaire en 2002 comme aumônier pour les détenus comme pour le personnel, notamment les interprètes, ce diplômé...