Rechercher
Rechercher

Actualités

commentaire Le syndrome interventionniste

par Marek Antoni Nowicki * Le Kosovo joue souvent le rôle de conflit test pour le concept d’intervention « humanitaire ». Mais alors que l’Irak entre dans la spirale du chaos, les diplomates et les dirigeants de toutes nationalités se demandent à nouveau s’il est approprié pour des alliances de nations ou pour la communauté internationale d’intervenir lorsqu’un pays souverain paraît incapable ou peu disposé à défendre ses citoyens contre des génocides, des crimes de guerre ou une épuration ethnique. Au centre de ce débat se trouve la prétendue doctrine de la « responsabilité de protection ». En tant que médiateur au Kosovo nommé par les Nations unies ces cinq dernières années, j’ai eu l’occasion unique d’observer les effets de cette doctrine après l’intervention de l’OTAN dans l’ancienne Yougoslavie en 1999. Le Kosovo est ainsi devenu une expérience internationale de construction de société, menée par la Mission administrative par intérim de l’ONU au Kosovo (UNMIK). Expérience est le mot juste ici. En effet, le Kosovo s’est transformé en tube à essai de l’intervention internationale. J’ai vécu et travaillé assez longtemps au Kosovo pour constater le résultat, et je prétends que de telles expériences nécessitent des recherches plus approfondies. Il apparaît clairement que la nécessité d’une intervention internationale en cas de crise dépend de chaque période spécifique, et une réaction rapide est souvent nécessaire. Cependant, facteurs militaires mis à part, là où de telles interventions sont envisagées, il est d’une importance vitale de concentrer les discussions de politique internationale sur le déploiement rapide d’une présence civile et de sécurité liées l’une à l’autre. C’est encore plus vrai lorsque la souffrance humaine est provoquée par des conflits communautaires, comme c’était le cas au Kosovo. Le déploiement immédiat d’une présence civile et de sécurité adéquate directement après la fin des bombardements de l’OTAN de 1999 aurait pu fournir des mécanismes appropriés de protection contre le retour de bâton qui a permis aux victimes de devenir bourreaux. Les forces de maintien de la paix de l’OTAN n’avaient pas pour mission d’empêcher les enlèvements, les disparitions, les vengeances meurtrières et les destructions massives de propriétés par des groupes ethniques albanais, ce qui a débouché sur une vaste épuration ethnique inversée de la population non albanaise (majoritairement serbe). Conséquence de cette négligence, un résidu social et politique délétère imprègne le Kosovo actuel. Au lieu d’apaiser les conflits communautaires, la haine interethnique est plus virulente que jamais. Outre le manque d’une présence civile et de sécurité visant à rassurer chaque communauté, le manque, en général, de mécanisme judiciaire permettant de rendre justice rapidement pour les crimes commis pendant et après l’intervention a créé une tension supplémentaire. Cette tension est si envahissante, en fait, que toute perspective d’entamer le si nécessaire processus de réconciliation doit à présent être repoussée à un avenir lointain. De même, au Kosovo, la communauté internationale n’a consacré que peu de temps à aider les anciens combattants à considérer leur responsabilité collective pour les atrocités commises, que leur implication personnelle ait été directe ou indirecte. Faute d’un tel effort, tenter d’améliorer la situation équivaut à bâtir une maison sur un tas de sable. Ce manque de prévoyance et de projets concernant les séquelles d’une intervention armée n’est pas seulement dangereux pour le peuple officiellement « sauvé », c’est aussi contre-productif. Lorsqu’une intervention humanitaire n’est pas structurée pour garantir une sécurité de base, les antagonismes sous-jacents qui ont inspiré l’intervention à la base n’en sont que renforcés et non amoindris. Six ans après l’intervention de l’OTAN, le Kosovo semble plus loin que jamais de la stabilité et de la paix sociale. Malgré les assurances renouvelées des autorités de l’ONU que le Kosovo est sur le chemin de la réconciliation et de la véritable autonomie, les représentants de l’OTAN indiquent qu’il existe des projets de maintien d’une présence militaire à long terme dans la province afin de « garantir que le processus politique sera mis en place avec succès ». Cela m’amène à un autre point clé : une stratégie de sortie possible est aussi importante au succès de toute intervention humanitaire future que la stratégie d’entrée. Pour qu’une intervention internationale ait une réelle chance de réussir, il convient dès le départ de définir les critères du « succès ». Seule une telle clarté peut permettre de mettre correctement un terme à l’engagement des acteurs internationaux. Au Kosovo, une telle clarté fait et a fait défaut ; en conséquence, l’OTAN et l’ONU n’ont pas d’idée claire sur le moment ni sur la façon dont ils doivent tous deux se retirer. Un jour, quelqu’un a dit avec justesse qu’il est facile de bombarder, mais bien plus difficile de reconstruire ; il est relativement aisé de défaire un régime militairement, mais il est bien plus difficile de bâtir une société civile solide et durable à sa place. L’Assemblée générale des Nations unies devrait garder cette idée en mémoire lorsqu’elle commencera à codifier la doctrine de la « responsabilité de protection ». * Marek Antoni Nowicki, ancien membre de la Commission européenne des droits de l’homme, cofondateur et président de la Helsinki Foundation for Human Rights à Varsovie, est médiateur de l’ONU au Kosovo depuis 2000. Jackson Allers a contribué à la rédaction de cet article. © Project Syndicate. Traduit de l’anglais par Bérengère Viennot

par Marek Antoni Nowicki *

Le Kosovo joue souvent le rôle de conflit test pour le concept d’intervention « humanitaire ». Mais alors que l’Irak entre dans la spirale du chaos, les diplomates et les dirigeants de toutes nationalités se demandent à nouveau s’il est approprié pour des alliances de nations ou pour la communauté internationale d’intervenir lorsqu’un pays...