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Le directeur général parle de la réorganisation, de la future police verte et des bureaux dans les régions Hatjian plaide pour une « révolution verte »

Berge Hatjian, directeur général du ministère de l’Environnement depuis plusieurs années, a suivi de près la longue épopée de l’adoption de la loi sur la restructuration du ministère, au Parlement. « Cette loi, nous l’attendions depuis longtemps, souligne M. Hatjian. Nous avons commencé à la rédiger depuis 1999, conformément à une décision du Conseil des ministres, qui avait lui-même conçu un projet de réorganisation de l’État, adopté par le Parlement début 2000. Notre projet de loi a été transmis au gouvernement en 2001, et a été discuté en commission avant de trouver son chemin vers le Parlement en 2002. C’est en 2005, donc, qu’il a été adopté définitivement. » Pourquoi ce retard et cette lenteur de procédure ? « Je n’en ai pas la moindre idée, répond-il. En tant qu’administration, nous avons fait ce qui nous était demandé. Quand le texte parvient au Conseil des ministres ou au Parlement, le suivi n’est plus de notre ressort. » L’importance de cette nouvelle loi, selon lui, c’est qu’elle définit clairement la nature des missions du ministère de l’Environnement et sa structure interne, ce qui n’était apparemment pas le cas précédemment. Surtout que ce ministère a eu maille à partir dans le domaine de la coordination avec d’autres départements. « Avec cette loi, nous avons mis au point le système que nous pensons être adéquat pour ce qui a trait à la réalité de l’environnement au Liban, les moyens actuels du ministère et les perspectives d’avenir, souligne-t-il. Nous avons opté pour une division basée sur les types de pollution, parce que nous en sommes encore à la lutte contre la pollution plus qu’à un stade de prévention. » Le ministère sera donc divisé en sept départements : le « diwan », l’orientation écologique (sensibilisation et orientation, médias et relations avec la société civile), l’environnement urbain (pollution sonore, eaux usées, déchets solides, industries), les ressources naturelles (protection des beaux sites et des réserves naturelles, biodiversité, extraction de minéraux, etc.), la technologie (toute la pollution qui en résulte comme les voitures, les générateurs…), la planification et la programmation (pour mieux se préparer pour l’avenir), et, enfin, la gestion des bureaux régionaux (permettant de couvrir tout le territoire). C’est cette dernière unité qui aura pour mission de diriger ce qui serait l’une des principales réalisations futures, la police verte. Par ailleurs, la nouvelle loi permettra une répartition plus logique du travail, mettant, à titre d’exemple, les services de gestion des réserves naturelles et de protection de la biodiversité dans le cadre du même département, puisqu’ils sont intimement liés. « C’est ainsi que cette loi améliorera l’efficacité du ministère », ajoute M. Hatjian. La définition d’un concept Pour en revenir à la police verte, c’est l’une des principales revendications des écologistes depuis un long moment. Sa création est-elle prévue pour bientôt ? « Elle l’est dans la loi », assure M. Hatjian. Mais si la création de cet organisme prendra autant de temps que celle du Haut conseil de l’environnement, qui n’a pas encore été concrétisé, on peut toujours attendre… « Si vous voulez mon avis, répond le directeur général, il était préférable de ne pas créer ce haut conseil avant d’avoir une force spécialisée, puisqu’il n’aurait pas eu d’outil exécutif, ce qui aurait érodé sa crédibilité avec le temps. La mise en place d’une police verte, à ce stade, est plus importante. » Il précise que cette future police aura pour ministères de tutelle l’Environnement et l’Intérieur. Le nombre de membres qu’elle comportera ainsi que les autres détails administratifs seront inclus dans un décret préparé par les deux ministères et soumis au Conseil des ministres. « L’un des principaux apports de cette loi, c’est qu’elle a défini une fois pour toutes le concept de l’environnement, poursuit M. Hatjian. Il est très important que nous parlions le même langage avec le citoyen. » Il cite un point crucial dans la loi, l’article où il est précisé que le ministère de l’Environnement doit désormais faire partie de tous les comités et les conseils intégrés à l’administration publique et dont l’action se rapporte de près ou de loin à l’environnement. « Par le biais de cet article, nous aspirons aujourd’hui à un rôle au sein du Conseil du développement et de la reconstruction par exemple », dit-il. Une autre avancée réalisée grâce à cette loi sera la généralisation des études d’impact environnemental pour tous les projets d’envergure, dans les secteurs public et privé. L’article en question stipule même que le ministère de l’Environnement a la capacité d’empêcher la réalisation d’un projet s’il n’est pas conforme aux normes environnementales. Ce qui soulève une autre question souvent posée dès qu’on parle de ce ministère : ses décisions sont-elles devenues contraignantes ? « L’idée que notre avis n’est pas contraignant est une aberration, puisqu’il l’a toujours été, dès le premier jour, insiste le directeur général. Quand un mohafez ou un autre ministre ne se sont pas conformés à nos directives dans le passé, ils enfreignaient la loi. S’il y a litige, c’est le Conseil des ministres qui tranche. » Et qu’en est-il du décret sur les études d’impact qui existe depuis longtemps au ministère sans avoir jamais été adopté ? « C’est lui qui servira de cadre exécutif à cet article de la loi, sachant que, sans attendre son adoption, nous avions pratiquement imposé la nécessité des études d’impact pour les projets qui nous parviennent », poursuit M. Hatjian. Pour ce qui est du personnel, l’application du texte permettra d’augmenter le nombre d’experts dont disposera ce ministère. « L’ancien décret qui régissait les affaires du ministère nous permettait d’embaucher cinq experts environnementaux seulement, souligne-t-il. La nouvelle loi ouvrira des possibilités pour l’introduction de tous genres de spécialistes : écologie, économie et environnement, statistiques, ingénieurs industriels… » Le personnel du ministère devrait être de 150 ou 159 employés, mais l’embauche aura lieu progressivement. Question de prérogatives Si cette loi met les choses au clair, cela signifie-t-il que les conflits d’intérêts qui ont souvent éclaté entre ce ministère et d’autres départements (comme pour la fermeture de carrières illégales par exemple) seront réglés ? Selon M. Hatjian, ces conflits d’intérêts n’auraient pas dû exister du tout si chaque département s’en était tenu à ses prérogatives, et si les prérogatives de chacun étaient connues. « Mais ce genre de mauvaises pratiques étaient communes dans tous les domaines, pas seulement dans celui de l’environnement, fait-il remarquer. À titre d’exemple, personne n’a demandé au CDR de présenter un plan de gestion des déchets ménagers, il devait juste s’acquitter des cahiers des charges. Le ministre peut protester, mais devant la multiplication d’incidents de ce genre, il est impossible de rectifier le tir à chaque fois. » D’autre part, il s’indigne du fait que « le citoyen met souvent la faute sur le ministère de l’Environnement dans des affaires qui ne le concernent pas du tout », parce que « le mot environnement, pour lui, signifie absolument tout ». L’éducation civique à l’école résoudrait ce problème, selon lui, ainsi que l’apprentissage, par tous les responsables, notamment municipaux, des limites de leurs prérogatives. Si les décrets d’application du code de l’environnement, loi-cadre adoptée en 2000, sont promulgués, quelle incidence cela aura-t-il sur les prérogatives du ministère ? « Les décrets organisent la mise en application des lois plutôt que d’accorder des prérogatives déterminées », répond M. Hatjian. Toutefois, des concepts comme le pollueur-payeur par exemple, énoncés dans le code, sont toujours quasi absents du dictionnaire libanais. « Pas vraiment, dit-il. Il y a déjà eu des cas où des industries ont payé, en espèces ou par des pénalités pouvant même se solder par la fermeture de l’établissement, pour la pollution qu’elles ont provoquée. » Cela est cependant loin d’être généralisé… « La pollution est si répandue et les responsabilités tellement partagées qu’il est difficile de tout englober », souligne-t-il. Il a recommandé que toutes les administrations, telles que le CDR par exemple, qui s’occupent de questions ayant trait à l’environnement, soient dotées d’experts dans le domaine. Difficile de rattraper le rythme de la dégradation Ne trouve-t-il pas que le processus d’adoption des lois et de mise en place des systèmes de travail et de coordination est trop lent par rapport à la dégradation rapide, et bien réelle, de l’environnement au Liban ? Ne réagissons-nous pas de manière trop froide à ce qui pourrait être qualifié d’état d’urgence ? « Il est vrai que la dégradation est plus rapide que la recherche de solutions, admet-il. Mais il ne faut pas oublier que, pour la première fois, ce gouvernement a fait de la lutte pour l’environnement une de ses priorités, lui consacrant un chapitre entier dans sa déclaration ministérielle. » Mais malgré toutes les bonnes intentions, poursuit-il, il reste difficile de rattraper le rythme auquel sont causés les dégâts. « Voilà pourquoi il nous faudrait une révolution écologique », dit-il. Ce concept, auquel il accorde une importance particulière, il le décrit comme vaste et requérant la participation de tout le monde, absolument. « À commencer par les municipalités, leurs préoccupations et leurs priorités en matière de projets devraient changer, explique-t-il. Les ONG, écologiques ou sociales, devraient élargir leurs horizons et contribuer à cette prise de conscience. Les universités devraient encourager les étudiants à se lancer dans des spécialisations écologiques, qui donnent lieu à des métiers d’avenir loin d’être saturés. Le secteur privé devrait réinvestir dans les initiatives de la société civile. Le Parlement devrait discuter de l’incidence des lois sur l’environnement, même si elles n’ont apparemment rien à voir. Les médias et la presse pourraient accorder plus d’espace et de temps d’écoute à l’environnement, etc. » Mais qu’en est-il de l’effort à faire à un niveau politique pour que l’environnement devienne une priorité nationale et fasse l’objet d’une stratégie indépendante tout en étant une partie intégrante des politiques nationales qui peuvent avoir une incidence sur l’écologie ? « Le gouvernement devrait s’assurer que les projets et les politiques des autres départements n’influent pas négativement sur l’environnement, estime M. Hatjian. Il devrait également débloquer plus de fonds pour le traitement des problèmes écologiques. » Ce sont de belles paroles, mais peut-on dire que la période prochaine augure une meilleure perspective pour cette lutte de longue haleine ? « Je trouve qu’il y a une amélioration dans notre perception de ce domaine et dans sa présence sur l’échelle des priorités, dit-il. Mais notre action reste trop lente pour rattraper la dégradation. » Et de conclure : « Il faut que tout un chacun sache qu’il ne s’agit pas seulement de protéger l’environnement de l’activité humaine, mais aussi de protéger l’homme de l’environnement. Les études d’impact environnemental sont surtout effectuées dans la perspective de prévenir l’investisseur contre de potentiels dangers. Ce n’est donc pas une seule loi qui peut résoudre tous ces problèmes. L’essentiel demeure la révolution verte. »
Berge Hatjian, directeur général du ministère de l’Environnement depuis plusieurs années, a suivi de près la longue épopée de l’adoption de la loi sur la restructuration du ministère, au Parlement. « Cette loi, nous l’attendions depuis longtemps, souligne M. Hatjian. Nous avons commencé à la rédiger depuis 1999, conformément à une décision du Conseil des ministres, qui avait...