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Actualités - REPORTAGE

RENTRÉE PICTURALE Bilan et perspectives dans les galeries de Beyrouth

Pas de lamento, on sait très bien que les temps sont durs. Un peu d’humour, pour reprendre la formule d’une dame (dont on taira par discrétion le nom), propriétaire de galerie, qui confiait in petto à une amie, en termes arabes bien gras: «Même la poussière n’a pas effleuré nos cimaises…» Alors c’est tout dire pour la saison passée où ni la tête, ni les yeux, ni le cœur n’étaient à la peinture. On comprend. Mais cela ne veut pas dire que la vie a pour autant cessé de battre dans nos temples de la culture picturale. Public, peintres et marchands d’art ont plus d’une astuce. Leur dynamisme reste de toute évidence à toute épreuve. Regardez donc toutes ces galeries rivalisant de décor à couper le souffle, ou parfois d’une grandeur de terrains de tennis qui «champignonnent» brusquement à Saifi Village ! L’activité des Libanais reste surprenante, voire d’une énergie miraculeuse, d’une ressource inépuisable. Et qu’on ne crie pas au désespoir quand les galeries, innombrables, déposent à Paris ou ailleurs si facilement le bilan… Peut-être un bémol au rythme qui caractérisait la capitale si princièrement dépensière (qu’on se souvienne un peu du temps des intarissables pétrodollars!) ou un franc ralenti pour le manque à gagner, mais galeristes et artistes, aux sons de cloche souvent divergents, parfois même discordants, avec quand même des tremplins communs, n’ont pas baissé les bras pour autant. Ils se sont activés, autant que faire se peut, dans le cadre d’une situation paralysante. Avec parfois de sidérants échos positifs et des propos discordants qui sortent toniquement et totalement du rang. En ce début d’automne 2005, quand partout au monde on parle de rentrée, un tour d’horizon (indicatif et non exhaustif!) aux portes de certaines galeries s’impose. Tendances, état des lieux et perspectives pour un réaffichage en vue! À Jal el-Dib, en périphérie de la capitale, la galerie Noah’s Ark. Une galerie qui a remporté le premier prix à Genève pour les Jeux de minuit, de Vahram Tavtian, qu’elle présentait dans le cadre du Centre international d’art fantastique. Rencontre avec son directeur et propriétaire, Movsès Herguelian, d’un indémontable optimisme, tout en gardant par ailleurs une parfaite lucidité à l’égard d’une économie peu saine. «Sincèrement, dit-il, et sans détour, l’année dernière était très mauvaise pour l’art. Nous avons exposé en tout trois peintres seulement: Vahram Tavtian (qui a les faveurs du public) puis Dikran Dadérian et le doublé Suren-Vahram, qui était programmé la veille de l’assassinat de Samir Kassir… Malgré tout, je suis optimiste et je prends tous les risques pour cette rentrée. Tout d’abord, la galerie est invitée à présenter des œuvres pour la saison prochaine à l’étranger: Miami Beach (art Basel), Shanghai et Palm Spring. Pour Beyrouth, il y aura en premier lieu un hommage à la Phénicie avec Arthur K., ensuite Vahan Roumélian, puis les duos Zaven Khadichian et Daria, Suren Voskonian et Alex Kotchar. Et, à la demande générale, une fois de plus, les œuvres récentes de Vahram Tavtian…» Dans un cadre boisé enchanteur, dans une ruelle latérale de Jal el-Dib, encore une galerie, Surface libre (2 500 m2 d’espace), où Abdallah Dadour confie en toute simplicité: «Un démarrage plutôt bien jusqu’aux événements de février et puis c’est la chute à chaque secousse sécuritaire. Actuellement, on termine l’année avec les œuvres de Wafa’a et Sarah Khoury, puis Missak Terzian et Zorag. Pour l’année 2006, on a toute une liste d’attente, mais rien de précis n’a encore été décidé!» À La Quarantaine, la somptueuse galerie Sfeir-Semler (1000m2) continue sa lancée, jusqu’en décembre prochain, sur la très intéressante et riche expo «Rainbow» groupant dix-neufs artistes de tous crins. En novembre, intermède avec certains travaux de Achkal Wa Alwan qui sera aussi, par ailleurs, dans les nouveaux locaux de Marah al-Madina, au Saroulla. Après? Programme à communiquer ultérieurement! Rue Sadate (Hamra), à la galerie Zamaan (400 m2), où Moussa Kobeissi a des propos pleins d’humour, les commentaires vont bon train: «J’ai des lunettes roses et je les prête volontiers aux artistes, lance-t-il avec un éclat de rire. Cette année était normale et on a eu beaucoup de chance même aux jours les plus sombres du mois de février. En ce moment, on donne à voir les œuvres de Hajj Smail. Pour la saison prochaine, on se prépare à présenter les créations de l’Irakien Mahdi el- Assadi. Ensuite il y aura une palette irakienne d’œuvres contemporaines, puis Mona Ezzedine, et l’on clôture avec Fouad Jawhar. Même en période de récession, il faut investir et s’investir, en idées, en œuvres d’art. Cela ne sert à rien de pleurnicher et vider des boîtes de kleenex…» Épreuve d’artiste, une galerie qui a battu pavillon haut lors des jours les plus sombres des deux dernières décennies et demie. De Clemenceau à Kaslik, en passant par la rue Sursock (après deux changements d’adresse), on retrouve Amal Traboulsi à Saifi Village, au Quartier des Arts, dans une galerie de 125 m2, avec cinq vitrines, flambant neuf et toujours simple mais d’un goût exquis. «La moitié de l’année dernière n’a pas été bonne, dit-elle avec son franc-parler habituel. Toutes les expos étaient remises. Les artistes étrangers s’excusaient et ceux d’ici remettaient. Pourtant il y a eu quelques émergences: Ziad Abillamah, les photos de Riad Traboulsi, les sculptures de Nicole Bouldoukian et les céramiques de Fawziyé Khunji. On redémarre pour cette rentrée en octobre avec Élie Kanaan, puis Mattéo. À nouveau la photo, véritable œuvre d’art aujourd’hui, avec Antoine Poupel, Chris Pool; on aborde ensuite la période des artistes s’amusent (nombre réduit d’artistes cette année pour contrecarrer la vulgarisation de cette idée!); une rétrospective hors galerie est consacrée à Chawki Chamoun. Et suivront, par la suite, Nicole Botet, Gisèle Rouhayem, Mona Dabaji, Katia Traboulsi, Nada Akl (date à déterminer) et le come-back de Martin Giesen. Tout dépend bien entendu de la situation… Le public libanais est très fatigué: il se désintéresse de la culture et de l’art pour chercher des loisirs plus faciles, plus rapides et moins chers. La galerie devient pour lui un cadre dans lequel est inscrit 30%! Les peintres, une fois arrivés, vendent à partir de chez eux, dans leurs ateliers. Mais on ne doit pas pour autant ignorer le rôle d’une galerie…» Avoir des nerfs pour tenir À quelques pas de là, la galerie Alwane, sans pour autant quitter Kaslik, ouvre un second espace du même nom. Trois cents mètres carrés (quatre cents pour le premier local!) avec de grandes baies vitrées donnant sur la rue passante. Seule parmi les innombrables peintures accrochées aux murs et les antiquités occupant l’autre moitié de la galerie Odile Mazloum, maîtresse des lieux, dit en souriant et toujours très affairée: «Oui, trois cents mètres c’est bien, mais j’en aurai voulu davantage! La situation? Il faut avoir des nerfs pour tenir! Regardez combien le répertoire des personnes (elle en tient un pour statistique! souligne-t-elle) qui rentrent ici est actuellement vide. Depuis février, c’est très mauvais comme marché. J’ai en permanence ici des Awad, Assadour, Abboud (j’en reçois bientôt de très importants!), Jouni, Issa Halloum, Fatmé el-Hage, Barho, Hoda Baalbacki et Couarraze… Si je ne pratique pas le système des vernissages, mon stock (plus de 60 peintres!) se renouvelle toutefois constamment. Pour l’année qui vient, je pense à une rétrospective de Aref Rayess, à Mohammed Kaddoura, à Hassan Jouni et Issa Halloum. Mais tout cela est tributaire de la situation, on ne peut rien savoir avant un mois… Mon souhait? Que tout aille mieux… et un petit café à Saifi Village (pas de grande cuisine!) pour un snack sur le pouce, un moment pour souffler, ou tout simplement un peu d’animation…» Toujours dans le même cadre de Solidere, la galerie Pièce unique où la responsable, accueillante, confie, en fin de journée: «Vous êtes la première personne qui franchit notre seuil aujourd’hui!» Encadré par la verdure soignée du quartier, un espace tout en blanc avec de grands miroirs qui prolongent la vision. Quatre expos déjà : Chevènement, Nagdi, Le Yaouanc et Muraywid, dont certaines œuvres sont encore en place. Quid de l’avenir? Un céramiste, Joseph Abi Yaghi, est en vue pour occuper prochainement le petit espace, et on verra pour plus tard… Toujours dans le même périmètre, un nouveau venu, prévu pour le mois de novembre, avec l’inauguration de la galerie Maqam, second volet de Agial (rue Abdel Aziz – Hamra) où Saleh Barakat est encore installé. «Il est vrai que la conjoncture n’aide pas, mais on tend tous vers l’avenir. Un avenir certainement meilleur. Personnellement, je rêve surtout d’un Saifi Village unifié dans le travail. Ici doit être l’unique adresse pour l’art. Comme la rue du Bac ou de Seine à Paris ne sont pas exclusivement pour les Français, Saifi Village doit être une référence artistique régionale. Pour moi, 2004 était une bonne année mais, à partir de février 2005, les choses se sont grippées. Il est vrai que je ne compte pas seulement sur le marché local, mais cela ne veut pas dire que la crise ne m’a pas touché… Pour Agial, j’ai une saison intéressante. Pas seulement des peintres libanais mais aussi arabes. Après les peintres égyptiens (5 générations), j’expose les œuvres de Mounira al-Kadi (Koweït) qui avait déjà exposé à Beyrouth, à la galerie One, en 1965, puis Mohammed Omar Khalil (Soudanais qui vit à New York) et un jeune Libanais, plein de talent et à découvrir : Ayman Baalbacki. Quant à la galerie Maqam, d’un concept sans doute nouveau, elle fera l’objet d’œuvres choisies et par thème. Je réfléchis la gestion de cet espace avec une priorité qui est la qualité. Mon souhait? Que tous travaillent pour que Beyrouth soit la capitale de l’art pictural. Notre ville en a le potentiel et il faut y croire…» Au haut de Saifi Village, la galerie Rochane, qui a fermé boutique à Verdun Plaza. Dala Bahadrian reçoit dans 80 m2, tout en longueur, avec baies vitrées donnant sur arbres et bacs à végétation bien taillée. «Bien sûr, dit la jeune femme, on a eu des creux et ce n’est pas ce que l’on attend d’un marché. Tout a été décalé pour cette année, d’où une programmation un peu mélangée peut-être… Il y aura d’abord les abstractions de Nada Machnouk, ensuite les œuvres de Rafic Majzoub, puis l’expo de Noël. On entame l’année nouvelle avec Leila Beydoun Chalabi et on enchaîne avec Nada Hobeiche, Shart (qui a déjà exposé deux fois chez nous!) et, pour conclure, les photos de Michèle Saleh avec pour thème le voyage…» «Je ne sais pas si c’est malsain, s’interroge en riant, presque confuse, Dala Bahadrian, mais j’ai la motivation pour travailler… Je souhaite surtout, malgré toutes les intempéries, que l’on puisse concrétiser nos projets, en espérant un climat plus propice à l’art…» La vie malgré tout À quelques pas de là, en angle de rue de la place Saïd Akl, une coquette nouvelle galerie portant le nom de V&A (initiales de Valerie Chevolleau et Ashley Townsend). Blonde aux yeux bleus, Ashley Townsend, commissaire-priseur chez Sostheby’s à New York, parle de la galerie V&A. «Moins d’un an que la galerie est ouverte, dit-elle en anglais, exactement depuis le 2 décembre 2004, et nous avons déjà exposé trois artistes étrangers: Xavier Deshoulières, Astruc et Muriel Ronbar. Notre formule de travail inclut ici des expos, bien entendu, d’artistes du monde entier, avec performance “live” de leur création sur cette place en face (signe de la tête pour indiquer l’espace trottoir-banquette-sculpture vide), mais, souligne-t-elle, un peu ennuyée, les procédures administratives sont fastidieuses car le quartier de Solidere est sévèrement réglementé à cause d’une certaine incompatibilité entre résidents et galeries marchandes… Par ailleurs, nous prêtons le local pour des signatures de livres et des cocktails privés. Pour la programmation de l’année en cours, on n’annonce rien, car on vient d’annuler un événement en raison de la situation… Ce que l’on souhaite surtout, c’est l’aide et la promotion de Solidere pour un quartier plus animé, plus décontracté, car personne ne le connaît bien encore…» Un peu plus loin, rue Hussein al-Ahdab, place de l’Étoile, la galerie Aïda Cherfane Fine Art (60 m2), qui a gardé aussi pignon sur rue à Antélias, son ancien local. Fraîchement rentrée de Rome où elle faisait de la prospection pour les cimaises de son espace, Aïda Cherfane, d’une énergie décapante, confie tout de go: «L’année dernière était meilleure que cette année. Je ne pense pas personnellement faire l’état des lieux de la situation chaque mois , mais je cède plutôt le mot au bilan en fin d’année, c’est-à-dire en décembre… La vie continue, moi je ne vais pas m’arrêter, mais j’avoue que je prends de moins en moins de risque. Ici, on fait d’habitude cinq à six expos par année et le reste du temps c’est du collectif. Ainsi, ont défilé sur nos cimaises: Nadia Saikali, Hussein Madi, Mohammed Rawass, Krikor Agopian, Ali Chams et des Italiens tels que Angelo Palazini, Hian Paolo Talami, Giovanni Scessia, Norberto Martini. Pourquoi tant d’Italiens? Leur approche est plus facile: c’est avec joie qu’ils donnent à voir leur peinture! Pour la saison prochaine, on verra bien, dit-elle avec bonne humeur. D’habitude, je commence en mars, mais cette année c’est en février et ce sera avec Renée Fawaz. Ensuite il y aura Marcello… (elle a oublié le nom!), Hussein Madi, Scamanga, Flavia Codsi, Martini (encore lui mais j’attends une confirmation!). Voilà, je suis convaincue que si les gens jouissent d’une meilleure stabilité, tout irait mieux. Parler art n’est pas forcément parler investissement. Acheter de l’art peut être un plaisir, comme celui d’acquérir des bijoux. » «Regardez, dit-elle en tendant ses deux mains nues, je ne porte pas de bijoux! C’est un vrai plaisir quand on rentre chez soi et qu’on retrouve une belle toile. Une bonne peinture se vend toujours bien. Je suis de nature optimiste, mais je trouve que l’État devrait nous faciliter la vie et réduire les taxes pour rendre les choses plus accessibles, car déjà l’euro est si cher… Pour avoir aussi un plus grand éventail de choix, car l’art n’est pas seulement un panier de fruits, une nature morte…» Atmosphère absolument différente à Gemmayzé, qui est «boosté» par une floraison de pubs et de restaurants fréquentés par la jeunesse et les noctambules beyrouthins. À proximité du peu lumineux et reluisant édifice de l’Office de l’électricité, dans un bel immeuble tout en gris de béton, l’immense Espace SD. Mille mètres carrés répartis sur trois étages, gérés par la dynamique Sandra Dagher (encore les initiales!). «Plus de 50 expos à notre actif, dit la maîtresse des lieux, ici créateurs libanais, collection permanente et peintres ponctuels (ce jour-là, accrochées aux cimaises étaient les œuvres, d’un tempérament original, de Abdallah K.) sont toujours au rendez-vous du public. SD est un espace artistique. C’est par accident que j’utiliserai le mot galerie, car je considère cet espace comme une sorte de vitrine. Une période difficile, mais on a eu en avril dernier une belle surprise avec Zeina Baraki: les amateurs ont apprécié! Pourtant, c’était tellement chaotique comme saison que je peux vous dire qu’on a compté les jours où on a ouvert… Pour cette année, on expose de jeunes artistes avec de premières expos personnelles. Tout d’abord, les dessins de Mazen Kerbage, les œuvres digitales, à partir de l’ordinateur, de Tarek Kamel, les collages de Haibat Bawab, l’Irakien Nedim Koufi, Magali Katra, Joe Kesrouani, les installations de Zeina el-Khalil et Carine Wehbé. Mes souhaits? Dans le contexte actuel, il est vrai qu’on souhaite beaucoup de choses… Que le public, surtout les jeunes, s’intéresse davantage à l’art, car après tout c’est un espace jeune. Comme on n’a pas de musée, il faut venir aux expos pour voir et apprécier l’art, on n’est pas là juste pour vendre!» Au 253 rue Gouraud, dans une ancienne demeure libanaise au style florentino-vénitien, la galerie Alice Mogabgab, art contemporain où, pour les 300 m2 avec plafond haut à l’ancienne, le ton est au clair pour des fenêtres garnies de rideaux blancs. De Horch Tabet à Sofil, pour aboutir à Gemmayzé, Alice Mogabgab semble avoir trouvé son bonheur dans ce quartier pittoresque qui a gardé un certain cachet, malgré ses airs surrannés. «Oui, dit la galeriste, historienne en art, diplômée de la Sorbonne et formée aux Guides du Louvre, j’aime le bruit des compresseurs et des citernes d’eau… car il n’y a pas d’eau ici, le saviez-vous? Je suis absolument ravie de ce quartier qui respire la vie et une belle énergie». «Aussi bizarre que cela puisse paraître, enchaîne-t-elle en faisant allusion au travail, ça s’est passé très bien jusqu’à un certain temps. Et, depuis un mois, tout est figé! Pour moi, c’est seulement du 14 au 28 février qu’il y a eu un coup de frein. Même le fameux 14 mars, jour de cette gigantesque manifestation, un client a tenu à acquérir une toile! C’est bouleversant de réaliser que le Libanais s’accroche à la vie aux moments les plus durs. Je le reconnais, c’était une belle année. Tout en précisant aussi qu’il y a une activité parallèle à l’étranger, notamment Londres, Cork Street, derrière la Royal Academy, où je présente aussi des artistes. Pour la saison passée, les œuvres de Bonacorsi, Paszko, Sakabé ont été présentées sur nos cimaises… Pour la saison prochaine, je donne à voir les œuvres d’Hervé Bourdin, Fadia Haddad (à Londres), les chaises de Sana Tawil, Michel Harmouche, Émilio Trad, Pascal Courcel, des sculptures choisies d’artistes libanais et étrangers sur le thème de l’eau. Je grouperais différents artistes. Pour l’étranger, outre Londres, il y a des expos à Miami et au Grand Palais à Paris. Je trouve la situation générale très bien. On n’a jamais eu autant d’espoir. De toute façon, cela dépend de nous, de notre manière de construire, de faire… Je crois que le plus dangereux est passé, derrière nous. Et puis on verra… Quand on travaille dans le beau, on est toujours bien, c’est une consolation…» Éduquer les enfants Face à la mer, du côté de Raouché, des baies vitrées abritent la galerie Janine Rubeiz à l’immeuble Majdalani. Nadine Begdache, propriétaire des lieux, a les propos pertinents: «Le secteur de l’art est le plus touché par cette crise, bien qu’il y ait beaucoup d’argent en ville! Les quelques mois passés étaient très mauvais. Mais cela ne veut pas dire pour autant que Beyrouth doit perdre sa place, par ailleurs très importante sur le marché de l’art! Pour reprendre la saison, il faut la reprendre avec un haut niveau. J’ai donc invité Antonio Segui qui expose à Pompidou. Vision particulière de la ville et des gens de la ville avec ce peintre de renom (déjà venu dans notre capitale il y a plus de dix ans!) et dont une des lithos s’intitule justement Beyrouth… Mes expos durent de 4 à 5 semaines. Ensuite, pour donner un air de fête, il y aura Virginie Corm, créatrice de bijoux, avec pour thème: «Mer, ciel et terre du Liban». Puis place aux icônes de l’Orient avec Chant Avédissian, marqué par l’Égypte, avec de grandes figures politiques et artistiques. Tout cela est pour commencer, afin de voir venir les choses… Et gardons aussi quelques surprises au public pour d’autres artistes qui feront l’objet de l’attention de notre galerie! Qu’est-ce que je souhaite? Qu’on éduque les enfants pour une meilleure connaissance de l’art, notamment libanais. Que l’instruction fasse la part du beau et du laid. Que l’œil apprenne à comparer, choisir, trouver ce qu’il aime… C’est comme cela qu’on forme le goût. Et surtout, il faut habituer le Libanais à acheter libanais…» Dossier réalisé par Edgar DAVIDIAN

Pas de lamento, on sait très bien que les temps sont durs. Un peu d’humour, pour reprendre la formule d’une dame (dont on taira par discrétion le nom), propriétaire de galerie, qui confiait in petto à une amie, en termes arabes bien gras: «Même la poussière n’a pas effleuré nos cimaises…» Alors c’est tout dire pour la saison passée où ni la tête, ni les yeux, ni le cœur...