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Un programme parrainé par l’Union européenne et le ministère pour le Développement administratif Combattre la marginalisation des lépreux, le défi de Cell au Liban

« Ce jour-là, j’ai compris qu’il existait un crime impardonnable, promis à n’importe quel châtiment, un crime sans recours et sans amnistie : la lèpre. » (Raoul Follereau). C’est en 1936, que Raoul Follereau rencontre pour la première fois des lépreux, alors qu’il traversait le Sahara vers le Niger. Révolté par l’insouciance de la société et son opiniâtreté à marginaliser ces malades, il mena dès 1942 la bataille de la lèpre. Une bataille qui lui a valu son surnom d’apôtre des lépreux. Au Liban, le combat est mené par Cell (Comité pour l’élimination de la lèpre au Liban), une ONG qui perpétue la mission de Follereau, en luttant pour réhabiliter ces malades et les réintégrer dans leur milieu social. À cet effet, un projet sur les droits des lépreux a vu le jour. Il s’inscrit dans le cadre de « Afkar » pour le renforcement de la société civile, un programme réalisé conjointement par la Commission européenne au Liban et le ministère pour le Développement administratif. Le Liban compte quelque quatre-vingts lépreux. Vingt-neuf d’entre eux sont traités à la léproserie Ibn el-Walid, en Syrie, et les autres en ambulatoire. « Le nombre des lépreux ne cesse d’augmenter au Liban, explique le Dr Antoine Farjallah, président de Cell. Malheureusement, l’ostracisme bat son plein et ces malades continuent à être marginalisés et maltraités. Certains d’entre eux fuient leur village et circulent incognito, parce qu’ils sont mal vus et rejetés par leur entourage. Ils sont la honte de leur famille. » « Le rôle de notre ONG est justement de réintégrer ces personnes dans leur communauté et de sensibiliser la population à cette maladie qui est guérissable dans 99 % des cas, si le malade est bien suivi sur le plan médical, ajoute le Dr Farjallah. Néanmoins, rares sont les hôpitaux qui acceptent d’accueillir des lépreux. De même, les laboratoires ont peur du contact avec ces personnes. » Pour lever le tabou et sensibiliser les Libanais à cette maladie, Cell s’est engagé à lutter pour les droits des lépreux et de leur intégration sociale. D’une valeur totale de 44 000 euros, l’apport de Cell étant de 15 000 euros, ce projet financé par l’Union européenne prévoit des visites des malades et de leur communauté, une éducation sanitaire auprès du corps médical et paramédical dans dix-huit centres médico-sociaux, des conférences dans des écoles, des universités et des ONG, ainsi que des rencontres avec la commission parlementaire de la Santé. Le but ultime du projet demeure l’intégration communautaire du lépreux. La tâche de Cell n’est pas des plus faciles, affirme son président, qui raconte : « Au terme d’une conférence sur la lèpre que nous avons donnée à l’intention de deux cents élèves dans un important établissement scolaire du pays, certains élèves ont voulu visiter la léproserie Ibn el-Walid. Seuls les parents de quarante élèves ont autorisé leurs enfants à y aller. Arrivés à la léproserie, seuls cinq élèves y sont immédiatement rentrés. En fin de compte, les autres élèves ont suivi leurs camarades et ont passé la journée avec les malades. » « Il faudrait changer les mœurs et pousser les gens à aller vers le malade, insiste le Dr Farjallah. C’est l’un des buts que nous nous sommes fixés. D’ailleurs, au terme d’un long travail de sensibilisation, nous avons réussi à ramener une famille de lépreux dans son village natal du Akkar. On lui a construit une maison avec une petite ferme. Nous avons même convaincu les voisins d’aider cette famille à vendre sa marchandise. » Une maladie insidieuse Pour accomplir sa tâche, Cell travaille en collaboration avec la Fondation Raoul Follereau. « La Fondation nous a donné ses directives qui sont axées sur quatre grands titres, signale le Dr Farjallah. Ceux-ci englobent le suivi médical des personnes souffrant d’une lèpre, la rééducation des patients d’autant que la maladie atteint les nerfs, l’intégration sociale et la formation des familles des lépreux. » « Contrairement à ce que l’on pense, la lèpre n’est pas une maladie dermatologique, avance-t-il. En effet, elle attaque les nerfs en premier. Ceux-ci durcissent et deviennent comme un fil de fer. Le patient perd ainsi la sensibilité et l’infection peut atteindre les os sans que le patient ne le sente pour autant. » Notant que 90 % des gens ont une immunité contre la lèpre, le Dr Farjallah remarque que le manque d’hygiène, la dénutrition et la promiscuité demeurent des facteurs favorisant la lèpre. Au Liban, le Akkar et le Hermel constituent deux foyers principaux de cette maladie. « Nous voulons sensibiliser les gens à reconnaître la lèpre, notamment les médecins qui ont oublié son existence et traitent parfois leurs patients pour d’autres maladies, comme le rhumatisme, souligne le président de Cell. Un grand nombre d’entre eux ne savent pas la reconnaître, surtout les médecins installés dans les zones rurales. Parce qu’il est important de déceler la maladie le plus tôt possible pour éviter les séquelles : atrophies des mains ou des pieds, ulcère à l’œil, cécité, diabète ou hypertension. » Le ministère de la Santé fournit les médicaments. « Malheureusement, la moitié des malades interrompt ou suspend son traitement, constituant ainsi un réservoir potentiel assez important, d’autant plus dangereux que la maladie est insidieuse et a une longue période d’incubation qui peut durer vingt ans, déplore le Dr Farjallah. Par ailleurs, les examens laborantins ne peuvent pas la déceler. » Et de conclure : « Cette maladie est guérissable et son taux de rechute est de 0,5 % dans le monde entier, selon les chiffres de l’OMS. Au Liban, le taux de rechute est de 50 %, parce que les malades interrompent le traitement. Le problème est facile à régler, d’autant qu’on n’a pas besoin d’une équipe médicale spécialisée. Il faut simplement être vigilant et observer la maladie et les malades. » Nada MERHI
« Ce jour-là, j’ai compris qu’il existait un crime impardonnable, promis à n’importe quel châtiment, un crime sans recours et sans amnistie : la lèpre. »
(Raoul Follereau).

C’est en 1936, que Raoul Follereau rencontre pour la première fois des lépreux, alors qu’il traversait le Sahara vers le Niger. Révolté par l’insouciance de la société et son opiniâtreté à...