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Actualités - CHRONOLOGIE

UNE ŒUVRE, UNE HISTOIRE Avec « La mort de Sardanapale», Delacroix règle ses comptes avec les femmes

Le romantisme, véritable phénomène qui a déferlé sur l’Europe au XIXe siècle, n’avait certainement pas épargné la France. Au sein de ce mouvement, qui regroupait des poètes comme Lamartine et Hugo, des compositeurs comme Chopin ou des sculpteurs et des peintres, figurait Delacroix qui a affirmé, à partir de ses expositions aux Salons de 1821 à 1830, le désir d’une esthétique nouvelle affranchie des dogmes néoclassiques et fondée sur l’expression de la subjectivité. Eugène Delacroix correspond parfaitement au profil romantique, non seulement par son caractère mais par le halo de mystère qui a entouré ses origines, toute sa vie. On le dit fils naturel du « diable boiteux », le prince de Talleyrand, mais l’histoire n’a jamais pu confirmer ces présomptions. Exalté durant son adolescence par les conquêtes de l’Empire, le jeune Delacroix s’enthousiasme très vite pour « la vie de Napoléon, fourmillant de motifs » qu’il voudrait reproduire, selon lui, « en véritable peinture de siècle». Il se limitera à certains croquis et aquarelles mais réservera, par contre, ses rêves de grandes compositions à des événements contemporains comme la guerre d’indépendance grecque (1821-1829) et la révolution de 1830. Puisés dans la littérature et les événements contemporains, amplifiés et dramatisés par une palette de couleurs contrastées, ses sujets constituent son apport individuel au romantisme. Un romantisme différent, que le peintre saura revendiquer autrement :« Si l’on entend par romantisme la libre manifestation de mes impressions personnelles, mon éloignement pour les types calqués dans les écoles et ma répugnance pour les recettes académiques, alors je dois avouer, dira-t-il, que non seulement je suis romantique mais que je l’étais déjà à quinze ans.» Mouvement, couleur, atmosphère Une affirmation qui l’écarte dès le départ du paysage romantique existant, alors même qu’il en devenait le brillant représentant en peinture. En effet, si Delacroix s’associe aux autres artistes dans l’épopée du romantisme avec la même volonté d’exprimer des émotions puissantes, les moyens qu’il emploiera pour y parvenir seront totalement propres à lui, d’une « singularité toute particulière », dira Baudelaire qui voit en lui un « cratère de volcan caché sous des fleurs». Devenu célèbre en 1822 avec sa toile La barque de Dante, il succède au peintre Géricault, mort en 1824, à la tête de l’école romantique. Les massacres de Scio et la Grèce expirant à Missolonghi sont deux œuvres maîtresses inspirées des insurrections qui éclatent en Grèce contre la domination turque et qui seront exposées en 1827. Elles s’inscrivent dans la lignée romantique, mais confirment chez le peintre un engagement plus esthétique que politique, contrairement aux grands romantiques comme Hugo qui prônait la simultanéité des engagements. « Tout est sujet, affirme Delacroix, le sujet c’est toi-même, ce sont tes impressions et tes émotions devant la nature. » Plongeant le milieu artistique dans l’émoi, ces peintures seront critiquées par un grand nombre d’artistes. Alors que Gros et Ingres s’acharnent sur l’artiste en traitant respectivement ses œuvres « de massacre de la peinture» perpétré par « un apôtre de la laideur», Stendhall, lui, ne déplorera qu’une «exagération de tristesse et de sombre dans le romantisme de Delacroix ». Scandale Un romantisme fougueux et très personnel, qui sera traduit en couleurs et en mouvement en 1827 par une autre grande fresque à couleur orientale. Le peintre y dépeint la mort du roi Sardanapale, légende empruntée au personnage réel du roi de Babylone, Shamash-Shouma-Oukin, frère d’Assourbanipal. Entouré de femmes et de chevaux trucidés, il se donnera la mort pour échapper à son ennemi. L’œuvre va choquer ses contemporains, aussi bien sur le plan esthétique que par son mélange d’érotisme et de mort, qu’on appellera plus tard « le romantisme noir ». Dans cette toile, seul le sexe féminin subit des sévices, souffre et agonise. Par ailleurs, le roi assyrien couché semble le sujet, alors que les femmes ne sont qu’objets. Ce tableau exprime-t-il donc les problèmes personnels du peintre et les relations difficiles qu’il entretenait avec les femmes ? Tout porte à le croire, car même si celui-ci aimait la gent féminine, on ne lui connut jamais de relation durable. La mort de Sardanapale va causer un tel scandale que Delacroix ne pourra plus vendre aucune toile pendant cinq ans, si l’on en croit ses affirmations. Les romantiques modérés ainsi que les élèves d’Ingres se chargeront de le boycotter. Par la suite, la toile sera vendue en 1846 à un Anglais. Passant d’une collection à l’autre, elle demeurera cachée jusqu’en 1921 pour se retrouver au Louvre près d’une autre grande œuvre du peintre, La liberté guidant le peuple, une fresque allégorique qui avait marqué l’entrée du peintre romantique dans les temps modernes. Critiqué, envié et souvent mal compris, Delacroix laisse cependant des images très fortes de son époque. Une œuvre riche et colorée que le peintre lui-même avait définie par quelques termes brefs : « Une fête pour l’œil. » Colette KHALAF

Le romantisme, véritable phénomène qui a déferlé sur l’Europe au XIXe siècle, n’avait certainement pas épargné la France. Au sein de ce mouvement, qui regroupait des poètes comme Lamartine et Hugo, des compositeurs comme Chopin ou des sculpteurs et des peintres, figurait Delacroix qui a affirmé, à partir de ses expositions aux Salons de 1821 à 1830, le désir d’une esthétique...