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Actualités - OPINION

LE POINT Poker nucléaire

De la manière dont elle a été engagée, on ne voit qu’une issue, diplomatique bien entendu, à la partie de poker menteur, toute en subtilité, engagée depuis quelque temps au sein de l’Agence internationale de l’énergie atomique autour du programme iranien. L’ennui, c’est que les tractations se sont déroulées simultanément avec la Corée du Nord et la République islamique, ce qui a permis à chacun de ces pays de s’appuyer sur l’argumentation avancée par l’autre pour faire prévaloir son point de vue et qu’en définitive, le premier a fini par se plier aux injonctions des instances internationales avant de poser comme préalable à son renoncement à l’arme atomique de recevoir des réacteurs à eau légère pour son approvisionnement en électricité. Le problème, c’est aussi que Téhéran n’est pas Pyongyang, que les Iraniens ne sont pas obligés, comme au Pays du Matin calme, de quémander à l’étranger leur bol de riz, qu’ils disposent, avec le pétrole, d’une formidable arme de dissuasion, surtout à l’heure où le prix du baril, de barre en barre, s’envole vers les 100 dollars, enfin qu’ils sont – ils l’ont prouvé à maintes reprises par le passé – de redoutables négociateurs. Écoutez Ali Larijani, nouvellement chargé du dossier nucléaire et par ailleurs secrétaire général du Conseil national suprême de la sécurité : « Si l’on veut utiliser le langage de la force, nous n’aurons plus d’autre choix que de sortir du cadre du Traité de non-prolifération (TNP), de ne plus appliquer le protocole additionnel et de reprendre l’enrichissement d’uranium. » Et écoutez, quelques heures plus tard, le vice-président Gholamreza Aghazadeh : « C’est un malentendu. Quitter le TNP ne figure pas à notre ordre du jour. » Là-dessus, car rien dans cette affaire embrouillée n’est uniformément blanc ou noir, une précision qui s’imposait : tout dépendra de la manière dont le dossier sera envoyé au Conseil de sécurité. Ouf ! On respire… Alors, cette saisine de la référence arbitrale suprême ? Là aussi, on a préféré faire dans la dentelle et charger l’ambassadeur des États-Unis à… Vienne, Gregory Schulte, d’agiter une menace : « Sur une telle démarche, nous sommes d’accord avec l’Union européenne et une majorité croissante de pays membres. » Aucune mention à ce jour de l’attitude de la Russie et de la Chine, deux membres permanents, et donc jouissant du droit de veto, réticents tout comme les pays non alignés à l’initiative de la France, de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne, auteurs toutes trois d’un projet de résolution qui demande à l’organisation internationale d’user de son poids pour convaincre l’Iran de se montrer plus coopératif, sans toutefois aller jusqu’à recommander des sanctions. Il restera quand même à faire endosser ce texte par les 35 États membres qui forment l’exécutif de l’AIEA. Lesquels, prudemment, ont choisi hier d’ajourner leurs travaux à aujourd’hui jeudi, en attendant sans doute que le vent tourne ou que la girouette diplomatique change d’orientation. Robert Joseph, principal responsable du dossier au sein du département d’État, avait fait état la semaine dernière devant les représentants de sept nations – dont l’Inde, l’Argentine et le Ghana – de l’existence de preuves que les missiles iraniens disponibles peuvent être dotés d’ogives nucléaires. Petite ombre au tableau : depuis la démonstration historique, en 2003, d’un certain Colin Powell sur les armes de destruction massive et les stocks de produits chimiques prétendument détenus par l’Irak de Saddam Hussein, il est pour le moins hasardeux d’ajouter foi aux assertions américaines. Outre le fait qu’une procédure onusienne prendrait un temps relativement long, la perspective de sanctions demeure aléatoire, au vu du précédent irakien, quand les compagnies pétrolières parvenaient, par des moyens détournés, à assurer leur approvisionnement en pétrole à des conditions idéales. Avec le régime de Kim Jong-il, l’épreuve de force engagée dès décembre 2002 vient de déboucher sur un accord avantageux tant pour les USA que pour l’intéressé, jadis dénoncé par George W. Bush comme faisant partie de « l’axe du mal ». Auparavant, on avait frôlé à plusieurs reprises une dangereuse crise, s’agissant d’un pays fermé au monde extérieur, ayant à sa tête un dictateur au comportement imprévisible et de plus possédant un imposant arsenal conventionnel, atomique, chimique et biologique. L’arrangement n’a été possible que lorsque Washington, renonçant aux tactiques « musclées » chères à John Bolton, alors responsable de la lutte contre la prolifération nucléaire, a choisi de donner sa chance à la diplomatie tranquille initiée par Condoleezza Rice. L’exemple pourrait servir dans le cas de l’Iran, et s’appliquer peut-être même, dans une phase ultérieure, à d’autres pays disposant de l’arme suprême, comme Israël, l’Inde et le Pakistan. Christian MERVILLE

De la manière dont elle a été engagée, on ne voit qu’une issue, diplomatique bien entendu, à la partie de poker menteur, toute en subtilité, engagée depuis quelque temps au sein de l’Agence internationale de l’énergie atomique autour du programme iranien. L’ennui, c’est que les tractations se sont déroulées simultanément avec la Corée du Nord et la République islamique,...