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EXPOSITION - Jusqu’au 1er octobre, au hangar Umam D&R, Haret Hreik Fadi Toufiq décrypte le langage des graffitis

Ce n’est sûrement pas un hasard que le terme graffiti ait été actuellement accolé aux écritures tracées sur les murs à la pointe sèche, au crayon ou au pinceau. Désignant autrefois les inscriptions ou dessins retrouvés sur les murailles, les monuments ou encore les poteries en terre cuite de l’époque antique, ce mot traduit clairement aujourd’hui, par son cafouillage de sonorités dédoublées, le sens archaïque, voire anarchique d’un genre «littéraire» contemporain. Dans le cadre de l’événement «Violence civile et mémoires de guerre – ici et ailleurs », en collaboration avec l’Université américaine et le soutien de la Communauté européenne, Umam D&R a organisé une installation photographique qui replonge le citadin dans une réalité pas encore « effacée » de sa mémoire. Accompagné des photographes Houssam Mchaiemch et Suna Haugbolle, Fadi Toufiq a effectué, durant un mois, un repérage des graffitis à Beyrouth. Calicots, banderoles et images de toutes sortes ont été répertoriés. Au total, huit cent cinquante clichés composés de deux séries, la première remontant à 2002 et la seconde à 2005, ont été triés sur le volet et commentés par Toufiq. Pendant trois mois, il sélectionnera, annotera, commentera les photos pour en faire un montage visuel retraçant ainsi les grandes dominantes politiques et sociologiques de la ville. Expression des rues Les graffitis et les banderoles ont longtemps représenté, pour les Libanais, le décor naturel de leurs villes. Le regard habitué de l’automobiliste ou du piéton ne s’y attarde plus. L’avènement de la guerre a réussi à faire proliférer cet art mural qui sera dorénavant régi par certaines règles. D’expression simple et spontanée, d’idées aussi partisanes que populaires, il devient la traduction sociologique de la ville et de ses habitants. En déambulant devant les images brassées et à la lecture des annotations ajoutées en exergue, le visiteur redevient acteur. Un acteur passif qui revit docilement les outrages et la violence des rues de sa ville. Autrefois d’une grande importance puisqu’ils étaient considérés, dans les villes antiques, comme des annonces électorales ou des messages de supporters à certains athlètes, les graffitis deviennent un mode de revendication qui permet l’expression indirecte car souvent anonyme des opinions politiques, des pensées ou des réflexions socialement réprouvées. Leur utilisation entraîne, par ailleurs, une dégradation visible des murs, ce qui entretient la laideur des lieux. Amplifiées parfois par certains événements (comme le Mur de Berlin, Mai 68 en France, etc.), ces expressions murales exacerbent les sentiments et reflètent par moments les frustrations populaires. Elles sont par essence de nature éphémère, car le support est souvent nettoyé s’il n’est pas auparavant effacé avec le temps. C’est ce qui a rendu le repérage de Fadi Toufiq plus ardu. Montage scénique À partir de ces supports architecturaux généralement urbains, des messages picturaux ou des mots souvent violents et orduriers ont été placardés, tagués et peints. Fadi Toufiq a pu regrouper ces clichés qui, reliés entre eux, deviennent plus clairs pour le citoyen. Ces graffitis, qui précèdent parfois une politique hésitante, révèlent à leur tour les transformations subies par le pays. Par dates, par objets ou par thèmes, ils se réfèrent tous à de grands événements et décryptent la situation des parties en présence (dominantes ou en perte de vitesse…) et leur dynamique. Une pratique exercée souvent la nuit, tout d‘abord à la sauvette et qui, par la suite, s’est institutionnalisée. Fadi Toufiq tente par cette installation une explication sociologique personnelle. Une typographie bien particulière, réaliste et pleine d’humour qui, tout en évoquant les grandes figures politiques, la vie des rues et les clubs sportifs (lieux de confrontation politique), reflète ainsi les frustrations enfouies, la parole étouffée, mais aussi le triste cloisonnement d’une ville qui se referme sur elle-même. Colette KHALAF
Ce n’est sûrement pas un hasard que le terme graffiti ait été actuellement accolé aux écritures tracées sur les murs à la pointe sèche, au crayon ou au pinceau. Désignant autrefois les inscriptions ou dessins retrouvés sur les murailles, les monuments ou encore les poteries en terre cuite de l’époque antique, ce mot traduit clairement aujourd’hui, par son cafouillage de...