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Actualités - CHRONOLOGIE

SEPTIÈME ART - Joana Hadjithomas et Khalil Joreige présentent leur dernier long-métrage «A Perfect Day», un film à quatre mains

Ils sont complices dans la vie et dans le processus créatif. Leur entente n’est pas du cinéma. Elle est faite de respect, d’efforts mutuels, d’affinités intellectuelles et culturelles. De débats sains et de colères animées. Le résultat est une belle petite fille et un travail commun réussi. Avec, à leur actif, installations, expositions, photos, cartes postales, écriture et réalisation de plusieurs films: «Autour de la maison rose», «Cendres» et le tout dernier, «A Perfect Day». Avec un objectif commun au bout de chaque travail: provoquer une réflexion et ouvrir le débat. «On ne veut pas simplifier les choses, on veut poser des questions», disent-ils. C’est une journée parfaite pour Joana Hadjithomas et Khalil Joreige. Il fait beau, leur film se porte bien, il vient d’obtenir le prix de la critique internationale Fipresci, ou prix de la presse cinématographique, et le prix FICC/IFFS (Fédération internationale de ciné-clubs et salles à but non lucratif des cinq continents). Et ils s’embarquent pour Paris, avant de faire le tour des plus grands festivals du monde avec A Perfect Day (Yaoumoun Akhar), leur dernier long-métrage de fiction, sous le bras. Ils ont le même rythme, une notion essentielle dans leur travail, rythme de sociétés, rythme de vie, rythme d’un film. Un regard lucide sur la problématique de l’après-guerre. Et un parcours qu’ils ont emprunté ensemble, presque par hasard, car aucun des deux n’avait fait des études de cinéma. C’est un peu comme si le cinéma était venu les chercher, Joana des sciences politiques et de la littérature, et Khalil de l’univers de la littérature comparée et du théâtre. «Le cinéma s’est imposé à nous, répondent-ils d’une même voix. Très longtemps, on ne savait pas ce que l’on voulait faire. Et puis on a écrit un scénario, on a fait de bonnes rencontres.» La suite, le public la connaît. Autour de la maison rose, leur premier long-métrage, les propulse sur la scène internationale. «Lorsque nous sommes arrivés, le premier jour, sur le tournage, nous ne connaissions pas le langage cinématographique. Nous avons été directement projetés dans l’industrie du cinéma, avec un plateau de 200 personnes. C’était une expérience formidable.» Depuis, et ça leur réussit, le couple a signé plusieurs films qui se sont distingués par un langage très personnel, tant dans le fond que dans la forme. «Travailler ensemble, poursuit Khalil, n’a jamais été une décision. À chaque projet, la question se repose. Nous ne nous sacrifions pas. Nous ne faisons pas de compromis avant d’arriver à une solution. Nous avons nos codes. Ce qui nous aide, professionnellement et personnellement.» Faire son deuil A Perfect Day – «un film de sensations, d’émotions et d’atmosphère», souligne Joana, qui sera projeté au Liban au printemps – raconte la journée particulière de Ziad, un jeune homme de 25 ans que l’on suit durant une journée. Et qui va, ce jour-là, en compagnie de sa mère (interprétée par Julia Kassar), déclarer la mort de son père disparu depuis 15 ans. «Il s’agit encore une fois du rythme de chacun pour faire son deuil. J’ai toujours été intéressé par les disparus. Ce corps absent, un deuil très long, une incapacité à faire son deuil car il n’y a pas de corps», précise Khalil, qui a lui-même vécu la disparition d’un parent durant la guerre. Ce film, réécrit quatre fois, se voulait «le plus proche de nous au moment du tournage. Nous avons tourné, explique Joana, en novembre et décembre 2004. C’était un des plus petits budgets de films du cinéma libanais. Surtout pour le tournage.» Alors le couple s’adapte, transforme les inconvénients en expériences inédites. «N’ayant pas les moyens de reconstituer le réel, nous avons tourné le film dans une situation réelle. Toutes les scènes d’embouteillage ont été prises dans un vrai embouteillage, nous nous y sommes greffés.» Ce fut pareil rue Monnot, sur la corniche et en boîte de nuit. Et Khalil de poursuivre: «C’était tout le temps surprenant. Et puis cette situation a ajouté quelque chose de plus juste au film ; un vrai rythme. Le spectateur a l’impression que les plans sont reconstitués, mais nous, nous savons que cet aspect documentaire de la vie de Beyrouth apporte, finalement, un plus au film. Les acteurs n’avaient pas le scénario, ils ne connaissaient pas toute l’histoire pour qu’ils n’anticipent pas leurs émotions. Parfois ils étaient filmés sans le savoir. Ils avaient cette générosité d’accepter d’être perturbés.» Aujourd’hui, après le succès de Autour de la maison rose, qui a donné au couple «une certaine confiance dans l’image» et une reconnaissance internationale, Joana et Khalil parcourent les festivals de Toronto, Namur, Athènes, Rio, Montréal, Reykjavik… une chanson dans la tête: A Perfect Day, de Lou Reed… Et des images à défendre. «On termine un film qui n’est pas clair pour nous, disent-ils. On y revient, on écrit des textes après. Cela donne des éclairages différents.» Carla HENOUD Fiche technique Date de production: 2005 Pays: France, Liban Durée approximative : 88’ Langue: arabe Sociétés de production: France: Mille et une productions; Liban: Abbout Productions; Allemagne: Twenty Twenty Vision Scénario: Joana Hadjithomas et Khalil Joreige Réalisation: Joana Hadjithomas et Khalil Joreige Musique originale: Scrambled Eggs, Soap Kills. Interprétation Ziad Saad: Malek Julia Kassar: Claudia Alexandra Kahwagi: Zeina.
Ils sont complices dans la vie et dans le processus créatif. Leur entente n’est pas du cinéma. Elle est faite de respect, d’efforts mutuels, d’affinités intellectuelles et culturelles. De débats sains et de colères animées. Le résultat est une belle petite fille et un travail commun réussi. Avec, à leur actif, installations, expositions, photos, cartes postales, écriture et...