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Récupérer les fermes de Chebaa et désarmer le Hezbollah

par Salah É. Honein * Il est du droit et du devoir de chaque citoyen dont la patrie est occupée de résister a l’occupant. Le Hezbollah, né en 1982 suite à l’occupation israélienne de la terre libanaise, s’était voué à la résistance, une résistance qu’il voulait efficace et déterminée. En 1982, le Hezbollah avait d’autant plus de raison d’être que le pays vivait une grande confusion, en l’absence d’un État fort et responsable, capable de prendre en charge les destinées du pays et de combattre l’occupant. La résistance naquit de la désorientation, de l’absence de décision et d’un manque d’autorité d’un État bafoué. Imperméable à la controverse que suscitaient certaines de ses actions, elle se développa parallèlement à la volonté éparpillée de l’État sans se soucier outre mesure des objectifs incohérents de celui-ci. L’on s’était plu à dire que les choses allaient changer, notamment après l’accord de Taëf conclu en 1989. En effet, l’un des buts principaux de la IIe République était de désarmer les milices, toutes les milices, même celles qui avaient un objectif noble comme celui de la libération de la terre. Et pour cause : l’État libanais se devait de réoccuper les devants de la scène politique, de reprendre les rênes du pouvoir et d’assumer pleinement sa responsabilité par rapport à l’avenir de ses citoyens. Cela, il ne pouvait le faire qu’en s’imposant en tant qu’État fort, crédible et omniprésent, avec le devoir de devenir décideur absolu en matière de politique étrangère et de défense. N’ayant pas eu le courage de le faire, l’État libanais s’était laissé manipuler par une faction de citoyens qui avaient leur propre vision de la politique étrangère et de la défense qui, constitutionnellement, ne pouvait être que du ressort de l’État. Toutefois, la volonté nationale s’était manifestée en cours de route, rassemblant les Libanais autour de la résistance. Cette solidarité constitua une protection d’envergure qui, du même coup, contribua à sortir le Hezbollah du rang des milices sectaires tombant sous le joug de Taëf et à le promouvoir à la dignité de thème national. Malgré les différentes attaques israéliennes, les Libanais demeuraient soudés à la résistance. Jusqu’à l’an 2000, l’année de la libération de la zone frontalière. En effet, l’an 2000 a été une année charnière quant à l’évolution de la politique étrangère et de défense de l’État libanais, dont le gouvernement avait, quoique sous réserves, avalisé le document de l’ONU constatant le retrait des armées israéliennes du territoire libanais, surtout que la ligne bleue ne représentait qu’une ligne d’application pratique du retrait et non une ligne de délimitation des frontières, et qu’elle a été tracée en fonction de l’invasion israélienne de 1982 – la région de Chebaa ayant été occupée par Israël en 1967. Il n’est pas question là de mettre en doute la libanité des fermes de Chebaa pour les raisons qui vont suivre. Par contre, ce qui doit être remis en question, c’est la façon de procéder du Hezbollah ainsi que l’inertie totale du gouvernement libanais, encore et toujours en mal d’initiatives. Dans le cas des pays créés par la volonté unilatérale des États mandataires cautionnés par la Société des Nations, la question de souveraineté exercée sur leurs territoires est confirmée non par des traités frontaliers soumis au droit international mais par le droit constitutionnel ou administratif propre à chacun de ces pays. Juridiquement parlant, la France, dont la charte du mandat sur le Liban avait été votée par la SDN, avait décidé unilatéralement la création du Grand Liban, dont les frontières étaient celles qu’elle lui avait attribuées à sa création. Ainsi, le caza de Hasbaya appartenait au Liban depuis le 30 août 1920, suite au décret n°318 du général Gouraud (qui était à la base de la création du Grand Liban), et dont l’article 2 en définissait les frontières. Par contre, la Constitution libanaise de 1926, dans son article premier qui reprenait les mêmes termes du décret 318, demeuré inchangé jusqu’à ce jour, indiquait que les frontières libanaises englobaient le caza de Hasbaya à l’est du Liban. Par ailleurs, les décrets relatifs à l’organisation administrative n° 336 du 1er septembre 1920, 3 066 du 9 avril 1925 et 5 du 3 février 1930 ont tous mentionné les deux villages de Chebaa et Nkhailé, entre lesquels se trouvent les fermes de Chebaa, comme appartenant à Marjeyoun, dans le caza de Hasbaya, ou directement au caza même de Hasbaya. De surcroît, l’article 2 de la Constitution ne permet pas l’abandon ou la cession de n’importe quelle portion du territoire libanais. En outre, l’occupation syrienne des fermes de Chebaa entre 1965 et 1967, date de l’invasion israélienne, ne pouvait constituer un droit car elle était non seulement de courte durée mais aussi belliqueuse, controversée et contestée. Et toujours concernant les fermes de Chebaa, aucune déclaration officielle syrienne n’est jamais venue contredire leur libanité depuis la libération de la zone frontalière. Bien au contraire, le président de la République, le président du Conseil, le ministre des Affaires étrangères et l’ambassadeur syrien auprès de l’ONU ont toujours martelé que les fermes de Chebaa étaient libanaises, ce qui rejoint les déclarations officielles libanaises faites bien avant l’affaire des fermes, qui avait occupé le devant de la scène libanaise en l’an 2000. La libanité des fermes de Chebaa étant donc confirmée, éliminons les actions négatives et dégageons une procédure adéquate pour les récupérer. En premier lieu, établissons les paramètres de toute action de résistance libanaise. La résistance pratiquée par le Hezbollah, contrairement aux dires des responsables de la formation, ne peut être qu’exclusivement nationale. Elle ne peut être islamique vu qu’elle s’étendrait alors jusqu’aux frontières lointaines de l’islam. Elle ne peut être régionale vu qu’elle dépasserait les frontières libanaises et ne pourrait plus être qualifiée de résistance. Aussi, seule la résistance nationale se limitant aux frontières libanaises peut être considérée comme légitime par la communauté internationale. D’autre part, pour que la résistance soit légitime aux yeux de la communauté libanaise, il faut qu’elle soit soutenue par l’ensemble des Libanais, comme elle l’a été jusqu’en l’an 2000. Sayyed Hassan Nasrallah n’avait-il pas proclamé haut et fort, lors de la fameuse manifestation du 8 mars, que « le Liban ne se bâtit qu’avec l’ensemble des Libanais. Personne ne doit prétendre imposer sa vérité à l’autre ? » Si le Hezbollah venait à perdre le soutien de l’ensemble des Libanais et ne plus représenter que la volonté d’une seule faction, son action se verrait privée de cette légitimité nationale et il serait par le fait même considéré comme une simple milice soumise aux dispositions du document de Taëf, qui sont on ne peut plus claires. Il s’agit en effet de « la dissolution de toutes les milices libanaises et non libanaises et la remise de leurs armes à l’État libanais dans un délai de 6 mois à partir de l’approbation du document d’entente nationale ». C’est là que devrait intervenir l’État libanais et prendre une initiative salvatrice. Pourquoi ne demanderait-il pas officiellement à Israël de se retirer des fermes libanaises de Chebaa ? Si Israël obtempère, les fermes seraient restituées et la ligne bleue de la résolution 425 du Conseil de sécurité s’étendrait alors jusqu’aux fermes en question. Dans le cas contraire, les Libanais, tous les Libanais, auraient le droit et le devoir de continuer de résister jusqu’à la libération totale des fermes. Tous les Libanais volontaires, car la résistance n’est pas supposée demeurer le privilège d’une faction sans les autres. Par ailleurs, multiple, la résistance serait plus difficile à identifier et à repérer géographiquement, donc plus difficile à atteindre. À partir du moment où Chebaa est restitué ou libéré, le Hezbollah ne peut plus prétendre garder les armes pour des raisons de défense, comme il se plaît à le répéter. La résistance est une action menée contre un occupant dans le but de le repousser hors du territoire. Elle est légitime tant que l’ennemi occupe le territoire. Une fois l’occupant repoussé, la résistance en tant que telle n’a plus de raison d’être. En outre, le Hezbollah ne peut prétendre se transformer et se promouvoir en instrument de défense, vu que le seul instrument de défense légal et légitime est l’armée libanaise sujette au pouvoir politique. Celui-ci ne peut avoir une armée à ses ordres et une autre sur laquelle il n’exerce aucun contrôle. L’armée une et unique est l’essence même de la composition et de la souveraineté de l’État, qui est une entité constituée d’un pouvoir institutionnalisé, qui est titulaire de la souveraineté et qui personnifie juridiquement la nation. De plus, le Hezbollah ne peut prétendre se transformer et se promouvoir en instrument de défense parce que le document de Taëf avait bien précisé qu’après l’application de la résolution 425, il faudra revenir à la convention d’armistice conclue en 1949. Cependant, il est incontestable que les tactiques militaires déployées par le Hezbollah ont hâté le retrait israélien inconditionnel du Liban-Sud. La victoire militaire du Hezbollah aurait été impossible à réaliser par une armée conventionnelle. Le cauchemar des armées conventionnelles est sans aucun doute la confrontation avec une force non conventionnelle dont l’asymétrie des tactiques militaires rend la supériorité de l’armement futile. Dès lors, constituer une force de dissuasion équivalente à celle du Hezbollah ne serait pas une idée vaine. Pourrait-on préserver l’avantage stratégique concluant prouvé par le Hezbollah tout en restituant la décision de guerre et de paix aux institutions constitutionnelles ? Peut-être, en adoptant une nouvelle stratégie reposant sur une faction de l’armée entraînée et capable d’entraîner elle-même à l’art de la résistance. Les cadres de la branche militaire du Hezbollah formeraient le noyau de cette faction, dont le commandement resterait rattaché à celui de l’armée. Des civils libanais, toutes régions confondues, seraient appelés à s’entraîner à ces techniques, selon un programme déterminé, en prévision de tout acte d’occupation. Il serait très grave de prétendre, comme le font certains responsables, que le simple fait d’évoquer la question des armes du Hezbollah ainsi que l’application de la résolution 1559 du Conseil de sécurité, risquerait de provoquer une implosion ou une scission au sein de la société libanaise. C’est là une forme de chantage très pernicieuse qui revient à dire que celui qui respecte les lois et les résolutions internationales est considéré comme un rénégat, alors que c’est le contraire qui est vrai. Par ailleurs, on ne peut pas accéder à une nouvelle étape démocratique l’arme au poing, sans aucun désir de s’en débarrasser. Pour entamer cette nouvelle phase démocratique, il faudra laisser les armes individuelles à la porte. Sinon, ce sera la démocratie du plus fort, du mieux armé et du plus irrespectueux des normes nationales et internationales. * Ancien député de Baabda.
par Salah É. Honein *

Il est du droit et du devoir de chaque citoyen dont la patrie est occupée de résister a l’occupant. Le Hezbollah, né en 1982 suite à l’occupation israélienne de la terre libanaise, s’était voué à la résistance, une résistance qu’il voulait efficace et déterminée.
En 1982, le Hezbollah avait d’autant plus de raison d’être que le pays vivait une...