Rechercher
Rechercher

Actualités

Une confrontation s’ébauche entre les partisans du maintien et ceux de la démission du chef de l’État Controverse élargie sur l’opportunité d’une présidentielle rapprochée

Le président Lahoud prend les devants. Il pressent que, tôt ou tard, le bruitage autour de sa démission va tourner à la campagne massive. Alors il déclare qu’il restera à la barre jusqu’au bout, jusqu’à la dernière minute de son mandat prorogé de trois bonnes années, il y a maintenant un an jour pour jour. Mais la présidentielle se profile à l’horizon. Et la bataille pourrait éclater dès la publication du rapport Mehlis. Surtout si ses conclusions devaient dévoiler des noms compromettants pour le régime. Des fidèles qui auraient planifié ou exécuté l’assassinat du président Rafic Hariri. Cependant, pour l’heure, les avis sont partagés, tant au sein de la classe politique qu’au niveau de l’opinion publique locale. Certains puristes pensent qu’on ne doit soulever la question d’une élection présidentielle qu’après la promulgation d’un jugement définitif dans l’affaire de l’assassinat du président Hariri. À leur avis, aussi accablant que pourrait être le rapport Mehlis, il ne constituerait qu’un acte d’accusation qu’un tribunal serait libre de rejeter, en tout ou en partie. Jusqu’à leur éventuelle condamnation, les suspects ou les prévenus doivent, selon les défenseurs de cette thèse, bénéficier de la présomption d’innocence. Et tant qu’il en va ainsi, il ne devrait pas y avoir de conséquences politiques. Mais d’autres estiment que le coup de balai devrait être donné dès la publication du rapport Mehlis. D’abord, parce que le jugement final risquerait de prendre beaucoup trop de temps, qui serait perdu pour le pays et pour la démocratie. Un changement rapide s’impose d’autant plus que la situation est périlleuse à plus d’un égard. Sans compter que le flottement coûte beaucoup aux Libanais sur le plan socio-économique. Ensuite, selon ces parties, parce que l’enquête criminelle ne fait que doubler un procès politique dans lequel le peuple libanais a déjà rendu son jugement le 14 mars. Pour dire qu’il réclame la refondation de la République. La mise en place d’un véritable État de droit, d’indépendance et de libertés. Sans compromis ni compromission avec les résidus ou les symboles du système oppressif précédent. Bref, une confrontation s’ébauche entre les partisans du maintien et ceux de la démission. Le facteur temps est capital pour les deux camps. Les premiers cherchent évidemment à en gagner au maximum. Leurs adversaires, à précipiter les choses. En fait, le bras de fer s’était engagé, sur le mode feutré, dès le lendemain de l’assassinat du président Hariri. La plupart des ex-loyalistes, des tenants de l’ancienne tutelle et du système dit militaro-sécuritaire soutenaient qu’il fallait réserver à la seule justice locale le soin de traiter le dossier. Les opposants de l’époque rétorquaient que seule une commission d’enquête internationale pourrait dégager la vérité. Appuyés par une communauté internationale révoltée par le crime, ils avaient obtenu gain de cause. Aujourd’hui, ils sont en mesure de faire valoir qu’ils avaient eu bien raison. Car, à leur avis, l’appareil judiciaire local n’aurait jamais été en mesure d’intercepter les généraux des services sécuritaires et de les interroger. Le procès On passe maintenant à la deuxième phase de la confrontation. Et elle fait fidèlement écho à la première. Dans ce sens qu’on retrouve d’un côté les mêmes qui veulent un procès local, en face, les mêmes qui militent pour un procès international. Les uns se rangent sous l’étiquette du statu quo institutionnel et les autres sous la bannière du changement, notamment à la tête de l’État. Les fidèles du régime s’arment du protocole conclu avec la commission de l’ONU. Cet arrangement indique en effet que, moyennant une pleine coopération libanaise, l’instance d’enquête respectera la loi et les procédures judiciaires libanaises. Ils en déduisent que l’ONU reconnaît au Liban le droit de juger les inculpés. Mais la majorité parlementaire répond que ce protocole n’a pas d’autre signification que de faciliter l’enquête. Ajoutant que, comme Mehlis l’a d’ailleurs précisé, ce n’est pas à la commission, ni même au secrétariat général des Nations unies, de déterminer le cadre du procès, mais au Conseil de sécurité. Qui, pour être conséquent avec lui-même, et vu surtout que la 1595, qui a qualifié l’assassinat de crime terroriste international, rebondit sur le fameux chapitre sept, doit ordonner un procès international. Ainsi le ministre du Développement administratif, Jean Oghassapian, souligne que, si l’on veut être réaliste, on doit comprendre qu’il serait difficile pour des magistrats du cru de prendre le risque physique, pour eux ou pour leurs familles, de juger des cadres dangereux, libanais ou autres. Personne n’a encore oublié le massacre de quatre juges à Saïda ou d’autres crimes similaires, commis dans les prétoires. Seul un procès international, estime le ministre, permettrait à la justice de se prononcer en toute sérénité, comme elle doit le faire. Le député Boutros Harb, qui est également juriste, se demande où va se situer la saisine, après l’acte d’accusation de Mehlis, et quel serait le rôle de la justice libanaise. Le Conseil de sécurité créerait-il un tribunal spécial, renverrait-il l’affaire devant la Cour pénale internationale de La Haye ? Harb pose enfin cette question : la justice libanaise pourrait-elle, comme la justice internationale en est parfaitement capable, faire comparaître et juger des non-Libanais ? Pour Doureid Bechraoui, spécialiste en droit pénal international, « les investigations ne sont plus du ressort de la justice libanaise depuis la 1595. Si la justice libanaise était capable de mener cette enquête et d’organiser un procès juste, cette résolution n’aurait tout simplement pas été promulguée ». Autrement dit, qui ne peut pas le moins ne peut pas le plus : incapable d’enquêter, la justice libanaise est encore moins capable de juger. Surtout dans le climat de psychose sécuritaire et d’intimidation terroriste qui règne dans le pays. Émile KHOURY

Le président Lahoud prend les devants. Il pressent que, tôt ou tard, le bruitage autour de sa démission va tourner à la campagne massive. Alors il déclare qu’il restera à la barre jusqu’au bout, jusqu’à la dernière minute de son mandat prorogé de trois bonnes années, il y a maintenant un an jour pour jour. Mais la présidentielle se profile à l’horizon. Et la bataille...