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Actualités - CHRONOLOGIE

Séminaire de l’école libanaise sur la « dynamique de transformation de l’administration publique au Liban » Les experts de l’ENA esquissent les grandes lignes de la réforme administrative (photo)

Ce ne sont pas les colloques, seuls, qui vont faire sortir l’administration libanaise de son état de pourrissement chronique, mais il est quand même bon d’entendre et de voir de temps en temps comment les choses devraient être à ce niveau, et comment elles sont un peu partout à travers le monde. Le séminaire organisé hier par l’association libanaise des anciens élèves de l’École nationale d’administration en France, au campus de l’ENA libanaise à Yarzé, en présence des députés Nabil de Freige et Gilberte Zouein, et du président du conseil économique et social, Roger Nasnas, s’inscrit bien dans ce cadre-là. Le colloque, qui avait pour thème « Le management public : une dynamique de transformation de l’administration publique au Liban », cherchait effectivement à familiariser le public libanais avec la notion relativement nouvelle de « management public » supposée révolutionner le rendement de l’administration. Comme l’a défini le président de l’association, Robert Fadel, dans son allocution du début, ce type de management « consiste à introduire de nouvelles méthodes d’organisation et de contrôle des administrations publiques dont certaines sont inspirées du secteur privé, pour en améliorer le fonctionnement », des méthodes censées « percer l’opacité de la bureaucratie ». Objectif ambitieux, insensé peut-être lorsqu’on réalise l’état actuel de notre administration, lorsqu’on voit l’interminable farce des nominations administratives se répéter encore une fois, malgré le démantèlement de Anjar, malgré le 14 mars qui ne semble, hélas, efficace que contre les Syriens. Mais un objectif quand même beau à envisager. Voilà sans doute pourquoi l’ambassadeur de France, Bernard Émié, a voulu profiter du thème du séminaire pour rappeler, lors de la séance d’ouverture, au gouvernement Siniora, qu’il a jugé un peu plus « dynamique » que ses précédents, « les espoirs » qu’il porte pour les Libanais et le « chantier considérable de réformes économiques, budgétaires, fiscales et administratives » qui l’attend. Puis, dans une sorte de message qui ressemble fortement à une exhortation à l’adresse des ministres qui allaient se réunir quelques heures plus tard pour discuter de la question des nominations, il a déclaré : « Cela nécessite un grand courage que de décider que les plus hauts fonctionnaires d’un État sont nommés en raison de leurs compétences, de leur indépendance et non de leur soutien quel qu’il soit. » Et de poursuivre, en soulignant comme toujours les innombrables avantages d’une telle prise de conscience de la part du pouvoir libanais : « Si le Liban confirme bien cette volonté de réforme, la France et l’Union européenne seront toujours davantage à ses côtés. » M. Émié a enfin espéré que ce séminaire aboutira à « des conclusions opérationnelles et innovantes ». Peut-être a-il été en fin de compte déçu à ce propos. Le gouvernement électronique Après les allocutions d’Élie Assaf, président du conseil d’administration de l’ENA-Liban, d’Arnaud Teyssier, président de l’Association des anciens élèves de l’ENA-France, et du ministre de la Réforme administrative, Jean Oghassapian, qui a reconnu que le Liban « n’a pas vraiment développé et modernisé l’action du gouvernement et des administrations publiques pendant la dernière décennie », le modérateur, Abbas Halabi, a lancé la première séance portant sur le thème du « gouvernement électronique ». L’assistance a alors eu droit à un exposé des expériences américaines et notamment anglaises à ce niveau. L’ambassadeur du Royaume-Uni au Liban, James Watt, a souligné l’importance d’une telle forme de gouvernement pour un rendement meilleur des services publics. Il a également montré la nécessité de prouver que les sommes investies dans l’introduction de l’informatique au sein de certains services étatiques ne sont en fin de compte pas perdues, citant comme exemple d’une opération réussie dans ce domaine, au Liban, l’informatisation des registres du cadastre. M. Watt a en outre relevé l’existence d’un certain problème de communication entre les promoteurs – souvent privés – des nouvelles technologies informatiques, et les décideurs politiques qui se montrent parfois assez réservés à ce sujet. Quant à Richard Murray, le premier conseiller de l’ambassade des États Unis au Liban, il s’est arrêté sur les nombreuses contributions américaines dans l’informatisation de l’administration libanaise, notamment en ce qui concerne les municipalités. Dans une perspective plus libanaise, Raymond Khoury, directeur de l’unité de coopération technique au ministère d’État pour la Réforme administrative, a exposé d’une manière assez convaincante les travaux d’infrastructure informatique effectués dans ce département depuis quelques années, précisant justement que les citoyens « ne pouvaient malheureusement pas palper des résultats concrets ». M. Khoury a cependant indiqué ne pas disposer de la force exécutive nécessaire pour « imposer un bon fonctionnement de l’infrastructure une fois celle-ci implantée », dénonçant ainsi indirectement un certain laxisme, et peut-être un manque de coopération, de la part de l’administration. « Le concept de gouvernement électronique restera inapplicable tant qu’une décision politique n’existe pas », a-t-il conclu. La « décadence administrative », selon Barakat Qui dit administration dit corruption au Liban. Toute étude sérieuse d’une réforme administrative ne peut donc se passer d’une analyse approfondie de ce phénomène auquel le séminaire a justement consacré toute une séance. Le débat a malheureusement pris rapidement une tournure polémique, opposant avec plus ou moins de tension Leila Barakat, experte auprès de l’UE au Liban, et un certain nombre de fonctionnaires parmi le public. Mme Barakat s’était en effet lancée dans un diagnostic cataclysmique de la situation de l’administration libanaise, dénonçant « la décadence derrière le mythe de la reconstruction ». « L’histoire de l’administration libanaise est celle des anecdotes à propos des enrichissements des fonctionnaires dans un ministère ou dans l’autre », a-t-elle même dit. Parlant de « saccage », de « chaos institutionnalisé », de « népotisme », elle a qualifié l’administration libanaise de « paradis des malfaiteurs », ce qui n’a pas manqué de susciter des protestations au sein de l’assistance. S’en est suivi un débat sur les intentions de Mme Barakat, ce qui ne lui a pas permis d’aborder la partie la plus intéressante de son intervention concernant les ébauches de solutions. De son côté, Khalil Gébara, représentant de Transparency Lebanon, a avancé une série de chiffres à propos de la situation – peu honorable – du Liban en matière de corruption. La planification devant occuper une place centrale dans le travail de l’administration, M. Teyssier a exposé tous les enjeux liés à la question de la stratégie administrative, alors que Rahif Hajj Ali, directeur exécutif du projet Aral auprès du ministère d’État pour la Réforme administrative, était le seul à proposer une série de mesures à prendre, dans une intervention hélas trop morcelée. Après une intervention gorgée d’anecdotes de l’ancien ministre des Finances, Damien Kattar, le débat a enfin porté sur la décentralisation et la déconcentration administratives en général, et leur adaptation au contexte libanais. Mais le public n’a cependant encore une fois pas pu profiter pleinement des deux interventions pourtant extrêmement intéressantes de Jacques Reillier, préfet des Vosges, et de Ousman Dalloul, directeur général des Affaires juridiques auprès de la présidence du Conseil des ministres. Les deux allocutions ont en effet dû être interrompues dans leur première partie pour des raisons de temps. Le principal mérite de ce séminaire aura été en fin de compte de permettre une approche scientifique, souvent de grande qualité, de la question épineuse de l’administration au Liban, dans une perspective comparée avec d’autres pays occidentaux. Il est dommage que la plupart des interventions aient été interrompues à cause du temps extrêmement court imparti aux participants, ce qui n’a pas permis l’ébauche des propositions pratiques qui auraient dû couronner le travail des chercheurs. Samer GHAMROUN

Ce ne sont pas les colloques, seuls, qui vont faire sortir l’administration libanaise de son état de pourrissement chronique, mais il est quand même bon d’entendre et de voir de temps en temps comment les choses devraient être à ce niveau, et comment elles sont un peu partout à travers le monde.
Le séminaire organisé hier par l’association libanaise des anciens élèves de...