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Analyse - Un impair grave, la mémoire de Dany Chamoun totalement occultée Le marathon FL s’inscrit-il dans le contexte d’une présidentielle anticipée ?

Célébrer le retour des libertés et marquer la fin de l’asphyxiante « syrianisation » du pays, à travers une initiative fondée principalement sur le devoir de mémoire à l’égard des différents martyrs et l’exigence d’unité dans le cadre du pacte national de convivialité et de « l’esprit du 14 mars ». Si tel était effectivement l’effet recherché par les organisateurs du marathon des Forces libanaises (FL), l’idée en soi était parfaitement séduisante. D’autant qu’elle était justement venue s’inscrire dans un contexte de réjouissance générale, dans la suite logique de la « désyrianisation » et du rétablissement progressif des libertés publiques et de la démocratie. Par-delà le caractère partisan de l’événement, légitime puisque le marathon a été officiellement organisé par les FL en signe d’hommage à leur leader Samir Geagea, c’est sur sa (ou ses) signification(s) politique(s) éventuelle(s) qu’il convient de s’interroger. Si l’aspiration des FL à fêter la libération de leur leader est tout à fait naturelle, compréhensible, il est difficile de replacer l’événement hors du contexte politique global dans lequel le pays se démène en attendant le rapport Mehlis et ses conséquences probables et attendues. D’autant que l’analyse ne porte pas uniquement sur l’idée en soi, a priori bonne, mais aussi des résultats, des phénomènes enregistrés durant la journée entière. Et, à entendre certains discours prononcés hier, à voir la liste des participants et à recenser les erreurs et autres monumentales omissions commises dans le tas, il est effectivement possible de se poser beaucoup de questions. Une première analyse voudrait que face à la dynamique de ralentissement qui frappe quelque peu l’action du cabinet Siniora, face aux bruits qui courent selon lesquels la majorité parlementaire serait actuellement en désaccord sur certains points, comme les nominations par exemple, le marathon FL, qui vient une fois de plus consacrer le partenariat PSP-Courant du futur-Kornet Chehwane, tombe à pic pour renflouer le crédit de l’équipe ministérielle. Le marathon FL viendrait, dans ce cadre, servir de cosmétique réunificateur à l’équipe du 14 mars présente au sein du cabinet. Et d’inciter la majorité parlementaire à se donner du courage, à se convaincre qu’elle doit enfin se conduire en véritable majorité. Un double message a d’ailleurs été transmis hier, tant au chef de l’État, Émile Lahoud, qu’au Hezbollah. Le député Antoine Andraos, dont les propos ont été désavoués par Joe Sarkis, s’en est directement pris au président, en réclamant sa chute. L’un des objectifs sous-jacents du marathon était de mettre en évidence, à travers la symbolique de chacune des étapes parcourues (7 août, MTV, Notre-Dame de la Délivrance, etc.) tout ce que le régime sécuritaire a commis durant des années. Quant au Hezbollah, dans la même logique du 14 mars, on a peut-être voulu lui donner l’impression que dans le contexte actuel, il était une minorité face à l’axe politique multicommunautaire du Bristol. Selon une deuxième lecture, l’objectif serait de renflouer le crédit du Rassemblement du Bristol et, plus précisément, du bien moribond Rassemblement de Kornet Chehwane, au moment où les dernières législatives ont beaucoup diminué de l’impact de ces deux formations. La présence d’un grand nombre de pôles de Kornet Chehwane aux différentes étapes parcourues par les athlètes FL – Samir Frangié, Farès Souhaid, Boutros Harb, etc – serait, dans ce cadre, très significative. Ces lectures restent quand même hyperpartielles. C’est peut-être une fois de plus le baromètre Walid Joumblatt qui a donné la mesure, hier, à travers son discours de Moukhtara, en donnant, d’une certaine manière, le coup d’envoi de la prochaine bataille présidentielle – dans la perspective éventuelle des conséquences politiques du rapport Mehlis ? « Nous déciderons, avec le Courant du futur et les Forces libanaises, qui sera le prochain président de la République », a déclaré le chef du PSP, en réponse à des propos qualifiés d’« irresponsables », probablement ceux de Johnny Abdo dans la presse sur les chances du général Michel Aoun d’accéder à la présidence de la République. Se souvenant plus tard de ses alliances avec Kornet Chehwane, mais aussi le mouvement Amal et le Hezbollah, il devait rectifier le tir et c’est une version corrigée de ses propos, incluant ces trois forces politiques à son discours (et au processus de décision), qui sera finalement distribuée aux agences. Ce que Walid Joumblatt a probablement cherché à faire hier, c’était de lancer un message multidirectionnel : d’abord, c’est à la majorité parlementaire de désigner le nouveau président, et non pas aux puissances internationales, a semblé dire le chef du PSP, qui sait pourtant que le réalisme politique, école de pensée dont il est l’un des plus fervents adeptes, lui imposera de s’adapter aux orientations internationales concernant cette échéance. Et ce quel que soit le candidat qui recevra un soutien international. Ensuite, peut-on comprendre de Walid Joumblatt, Michel Aoun ne fait pas partie de cette majorité parlementaire, et, mieux encore, il n’est pas le partenaire chrétien privilégié du tandem PSP-Courant du futur (et ce même s’il a pratiquement raflé, que ce soit par le biais d’un vote sanction, d’un vote stratégique ou d’un vote partisan, les voix de l’écrasante majorité de l’électorat chrétien, du Nord au Sud, ce qui a d’ailleurs incité le patriarche maronite à l’introniser chef de la communauté chrétienne). Ce qui est tout à fait vrai, et le leader progressiste tient à rester fidèle, il l’a rappelé hier, à ses alliances politiques et électorales. Le danger ne réside pas tant dans les propos de M. Joumblatt, qui sont politiquement prévisibles, que dans le contexte dans lequel il a prononcé ses mots, à savoir un événement organisé par les FL. Serait-ce là le premier signe d’un début de tactique visant à braquer, dans le contexte chrétien d’une éventuelle présidentielle anticipée, les FL contre le CPL, Samir Geagea contre Michel Aoun ? Une aubaine politique pour le chef du PSP, surtout que – et les FL devront s’expliquer sur cette omission de taille – les représentants du Courant aouniste étaient totalement absents hier de toutes les étapes. La maladresse, organisationnelle, serait venue des milieux FL, mais des contacts seraient entrepris avec le général Aoun dans les jours qui viennent pour dissiper tout malentendu, assure-t-on du côté des organisateurs. La sincérité totale, le dialogue cartes sur table est plus que jamais essentiel entre les deux principaux pôles chrétiens à l’heure actuelle, pour éviter, justement, à d’autres parties de venir pêcher en eau trouble. Mais il est vrai que chacun, pour cela, doit y mettre du sien, et qu’il faudra attendre probablement le retour de Samir Geagea et un éventuel tête-à-tête entre lui et Michel Aoun, pour que plusieurs choses se clarifient. Quoi qu’il en soit, le seul à s’être véritablement exprimé dans l’esprit global du 14 mars, hier, était Marwan Hamadé, qui a évoqué les sacrifices consentis par chacun. Sans occulter l’existence de différends avec le général Aoun, il a toutefois eu la présence d’esprit de ne pas envenimer la situation, en citant l’exil forcé de Aoun au nombre des exactions et des crimes commis durant les trente dernières années. Quelle que soit l’opportunité de ces postes analytiques, quelle que soit l’importance même à accorder au marathon, il reste un impair, grave, commis par la direction FL, et par l’ensemble de ceux qui ont pris la parole aux différentes étapes. Dany Chamoun a payé, comme les autres, le prix de sa lutte pour la souveraineté et l’indépendance du pays. Pourquoi aller à Moukhtara sans passer par Deir el-Qamar ? Pourquoi occulter tout bonnement le charismatique et regretté chef du PNL de la liste des martyrs ? Un différend politique avec la direction du PNL saurait-il justifier le fait d’exclure ce martyr de la mémoire collective nationale ? Quelle que soit la raison de cette injustice, il s’agit d’une erreur qui mérite, sans trop attendre, de vraies explications. Michel HAJJI GEORGIOU


Célébrer le retour des libertés et marquer la fin de l’asphyxiante « syrianisation » du pays, à travers une initiative fondée principalement sur le devoir de mémoire à l’égard des différents martyrs et l’exigence d’unité dans le cadre du pacte national de convivialité et de « l’esprit du 14 mars ». Si tel était effectivement l’effet recherché par les...