Citoyen Grognon Urbanisme sauvage

Soixante-dix mètres de plus que la hauteur autorisée. Soixante-dix mètres de trop pour la nouvelle aile de l’hôtel Metropolitan, dont la structure de marbre rose se dresse sur la colline de Sin el-Fil. Soixante-dix mètres qui pourraient avoir des conséquences graves pour l’aviation civile si une solution n’est pas rapidement trouvée. Car l’hôtel Metropolitan se trouve sur le couloir d’atterrissage des avions de ligne de l’une des pistes de l’aéroport. Une piste utilisée dans une proportion de 6 % du trafic, notamment en cas de vents forts. Gênés par la nouvelle construction, les pilotes ne peuvent tout simplement plus atterrir sur cette piste. Les responsables d’une telle erreur ? La direction de l’urbanisme et la municipalité de Sin el-Fil qui ont accordé les autorisations de construction aux promoteurs, disent les sources officielles. Pour le moment du moins, en attendant peut-être que les langues se délient et que l’entière vérité éclate au grand jour. Mais le plus urgent, pour le moment, est de trouver la solution. Dans l’espoir qu’elle ne se fera pas aux dépens des pilotes de ligne ou, plus grave encore, de la sécurité des passagers des avions. Car il est difficile d’imaginer que l’Organisation de l’aviation civile, la commission parlementaire des Travaux publics et des Transports, ou même la société française Les Aéroports de Paris chargée de présenter des solutions à l’État décident tout simplement de détruire les étages supplémentaires, sur une hauteur de soixante-dix mètres. Mais, sommes-nous tentés de constater, « le Liban en a vu d’autres ». Dans tous les domaines, et dans toutes les régions, sans la moindre exception. Dans le secteur du bâtiment ou celui du réseau routier, on ne compte plus les irrégularités, les empiètements sur les propriétés de l’État ou celles d’autrui, les immeubles qui prennent toujours plus de hauteur, en l’absence du moindre plan d’urbanisme, sans oublier les espaces verts grignotés, les plages de sable réduites comme peau de chagrin… Quant à la loi, elle est quotidiennement bafouée. Non seulement par les citoyens eux-mêmes, mais aussi par des fonctionnaires véreux qui n’ont aucun scrupule à se faire graisser la patte, pour mieux fermer les yeux sur des irrégularités chaque jour plus grosses. Il semble d’ailleurs que les Libanais s’accommodent de cette laideur et de ce désordre qui continuent d’envahir chaque recoin du pays. Mais aujourd’hui, alors que leur sécurité est en jeu, quelle attitude adopteront-ils ? Anne-Marie EL-HAGE