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Actualités - OPINION

De bruit et de fureur

Les querelles politiques, l’anxieuse attente du rapport Mehlis, la crainte de nouveaux attentats terroristes, la crise libano-syrienne, les tensions régionales, le problème du Hezbollah, la fuite des touristes étrangers et le marasme économique : tout cela ne fait pas un été particulièrement reluisant, même si le soleil du Liban fait du zèle. Pour tenter d’échapper au stress, il vous restait toujours la promenade ou le repos : les plages, cafés, restaurants et festivals ou bien alors le calme et la quiétude, le doux farniente. Mais souvent, c’est peine – et loisirs – perdus. C’est que dans notre petit pays on se pique de voir grand : si grand qu’on en néglige, qu’on en oublie même ses responsabilités les plus basiques et sommaires. Le ministre de l’Intérieur Hassan Sabeh est certes un homme compétent et dévoué à sa fonction, un homme qui se bat en ce moment contre le plus insidieux, le plus lâche, mais aussi le plus redoutable des ennemis, à savoir le terrorisme. Il a à charge la sécurité : celle bien sûr des personnages publics, notoirement menacés, mais aussi et surtout celle du dernier des citoyens. Tout occupé et préoccupé qu’il soit, et même si la question n’a jamais trop tourmenté ses prédécesseurs, le ministre doit savoir qu’il reste invariablement le gardien de nos vies. Que c’est tout bêtement dans la jungle d’asphalte que se jouent, à pile ou face, tous les jours et toutes les nuits, celles-ci. Et que c’est à tous les niveaux que doit être inculquée, distillée, imposée la notion de prévention routière. Pas assez de gendarmes pour tenir en respect les chauffards ? Qu’on leur prête donc le concours d’une armée pléthorique, ruineuse et de toute manière interdite de Sud. Quinze ans après la fin de la guerre, le Liban est doté de magnifiques feux de signalisation qui sont du plus bel effet ; les forces de l’ordre ont tâté, l’espace de quelques semaines, de la détection radar ; on a même institué – oh, pour quelques jours seulement – l’extincteur obligatoire, ce qui a fait, durant ces quelques jours précisément, la fortune des importateurs. Mais le Liban reste obstinément un pays dépourvu de code de la route : pas de la limitation de la vitesse en effet, quoi qu’en disent les panneaux (quand ils le disent !), pas de priorité de passage, pas de feux de croisement obligatoires, aucun sens interdit pour les deux-roues, aucune restriction pour les poids lourds surchargés se traînant sur la voie rapide, du moment que l’on a pris l’habitude de rouler à gauche, absolument comme les Anglais dont nous sommes fort loin pourtant de partager le goût de la discipline. Nous n’avons rien de suédois au volant non plus ; mais oubliés des responsables, livrés à nous-mêmes, sommes-nous vraiment restés ce peuple naguère réputé aimable, courtois, respectueux de la vie humaine ? Sans qu’il faille être pour cela un spécialiste de la psychologie des foules, on peut s’interroger de même sur le goût immodéré, pathologique, morbide pour les pétards et autres bruyants feux d’artifice que manifeste une population libanaise ayant si longtemps enduré, pourtant, le fracas des obus. Et pas seulement le fracas, d’ailleurs. On pétarade sans répit depuis le début de l’été, et on le fait jusque très tard dans la nuit. Pêle-mêle, fêtes de saints, victoires électorales et mariages sont prétextes à pétarades ; mais on pétarade aussi comme ça, pour rien, juste pour le plaisir. On pétarade au-dessus des maisons, entre les maisons, pour un peu on le ferait même dans les maisons. Et comme pour conjurer le sort en festoyant à outrance alors que le pays n’a guère le cœur à la fête ; comme pour faire un magistral pied de nez au surendettement, au marasme, aux lendemains incertains, aux rêves de changement bâtis sur du sable, on transforme en fumée et en bruit des montants fabuleux. Ne prenez pas la peine de consulter vos éphémérides pour ce week-end : fête ou pas fête, sur la chaussée comme dans les airs, l’animation est garantie. Issa GORAIEB
Les querelles politiques, l’anxieuse attente du rapport Mehlis, la crainte de nouveaux attentats terroristes, la crise libano-syrienne, les tensions régionales, le problème du Hezbollah, la fuite des touristes étrangers et le marasme économique : tout cela ne fait pas un été particulièrement reluisant, même si le soleil du Liban fait du zèle. Pour tenter d’échapper au stress, il...