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Actualités - REPORTAGE

Développement - Une initiative de deux ONG libanaise et italienne Un centre de formation et de services agricoles à Qartaba pour initier les agriculteurs aux techniques nouvelles(photos)

Dans la région de Qartaba (caza de Jbeil), un centre de formation et de services agricoles s’est substitué au gouvernement dans le but d’initier les agriculteurs aux techniques modernes d’agriculture. Le centre s’emploie depuis plus de trois ans à organiser le secteur agricole – une tâche qui incombe généralement à l’État – dans le jurd de Jbeil, profitant ainsi à quatre-vingt-neuf agriculteurs répartis sur onze villages de la région, ainsi qu’à plus de cent cinquante éleveurs dans dix-sept localités. À l’origine de ce projet, deux ONG, libanaise, Entraide Liban, et italienne, AVSI (Association de volontaires pour le service international). « Le jurd de Jbeil est une région riche en eau, potentiellement agricole et caractérisée par le plus grand élevage bovin et caprin au Mont-Liban, explique Élie Khayat, président d’Entraide Liban et directeur général de la coopérative Liban Village. L’agriculture dans ces régions repose essentiellement sur les arbres fruitiers, dont 80 % sont des pommiers. Or au fil des ans, ces localités ont souffert de l’exode des jeunes. Les familles qui continuaient à y vivre se maintenaient difficilement, d’autant que la moyenne d’âge des agriculteurs était de 60 ans. » L’idée de départ d’Entraide Liban a été donc de contribuer au développement rural de la région, en améliorant les productions agricole et animale. « Dans ce cadre, nous avons mené en l’an 2000 une étude socio-économique dans le jurd de Jbeil, note M. Khayat. Nous avons ainsi constaté que quelque 3 000 familles résident d’une façon permanente dans la région. Il s’agit de familles agricoles vivant de l’exploitation d’un terrain d’une superficie variant entre 2 000 et 5 000 m2, et/ou de l’élevage de quatre à six vaches laitières. Nous avons alors fondé ce centre de formation et de services agricoles dont la vocation a été définie en nous basant sur les besoins des agriculteurs et des éleveurs de ces villages, ainsi que sur leur production. » Le projet a grandi, et une coopérative, Liban village, a vu le jour. « Nous avons réalisé que nous ne pouvions plus prospérer sans un savoir-faire et, bien sûr, des fonds », souligne M. Khayat. Entraide Liban s’est alors tournée vers AVSI. D’une valeur de 500 000 euros, le projet a été financé par le ministère italien des Affaires étrangères et l’Union européenne. Il prendra fin en 2005. « Entraide Liban et Liban village poursuivront le travail, avance Matteo Ragni, directeur du projet à AVSI. Nous serons toujours prêts à les assister. Il est certain que le projet prendra une forme plus ciblée. Nous espérons toutefois que cette coopérative aidera les agriculteurs à vendre leurs produits. » Nouvelles variétés d’arbres fruitiers Le projet, qui comprend, en plus du Centre de formation et de services agricoles, un champ démonstratif d’arbres fruitiers et une dizaine de vergers pilote, vise à initier les agriculteurs aux techniques modernes d’agriculture et à les familiariser à de nouvelles variétés d’arbres fruitiers. Pour ce faire, des sessions de formation portant sur le développement de la production fruitière sont organisées périodiquement à l’intention des agriculteurs avec, à l’appui, des bulletins techniques, publiés en langues française et arabe. Ceux-ci portent, à titre d’exemple, sur les facteurs affectant la qualité de la production des pommes, la tavelure des pommes (maladie qui attaque les pommiers à partir du printemps), la carpocapse (insecte qui attaque les fruits) des pommiers… Le Centre de formation et de services agricoles offre en plus une assistance technique, assurée par deux spécialistes qui visitent régulièrement les agriculteurs. Ils les incitent à tenir un « cahier de champ » dans lequel ils notent tout conseil qui leur est prodigué. Le centre de Qartaba propose aussi un service de machinerie technique et un service de produits phytosanitaires. « Rien n’est gratuit, insiste M. Khayat. Les agriculteurs ont accès toutefois à tous ces services à des prix réduits, grâce au soutien d’AVSI. » « Nous voulons que les agriculteurs s’autosuffisent et qu’ils réussissent à se constituer en groupements qui les aideraient à commercialiser leurs produits selon les critères du marché international le plus proche de nous, en l’occurrence le marché européen, ajoute-t-il. Dans le cadre de ce projet, nous avons ainsi introduit quatre nouvelles variétés de pommes. Au Liban, nous connaissons les pommes golden et starking, alors qu’il existe plus de trente-deux variétés de pommes classées dans le monde. Or les pommes auxquelles est habitué le consommateur libanais ne répondent plus aux critères internationaux de commercialisation et d’exportation. Et au niveau technique, ces pommes – ainsi que les autres légumes et fruits – contiennent trop de pesticides, à tel point que nous ignorons ce que nous mangeons. » « De plus, nous essayons, dans le champ démonstratif de Qartaba, de cultiver de nouvelles variétés de cerises, de pêches, de prunes, de poires, de framboises et de noyers, ajoute M. Khayat. Si l’expérience s’avère positive, nous pourrons les dupliquer dans d’autres régions. Il faut préciser à ce stade que ce projet de développement agricole dans le jurd de Jbeil a pu être réalisé grâce au soutien du ministère de l’Agriculture et des municipalités de la région. » Ce projet applique-t-il les techniques d’agriculture biologique ? « Il n’existe pas de culture biologique au Liban, répond M. Khayat. Il existe plutôt des techniques de lutte intégrée maîtrisée. En ce sens que les pesticides sont utilisés selon les normes internationales, sachant que jusqu’à présent, certains agriculteurs ont recours à des pesticides interdits sur le marché international parce qu’ils sont leurrés par les fournisseurs. » Des coûts réduits La tâche d’Entraide Liban est loin d’être facile, d’autant que « nous traitons avec des personnes âgées, habituées aux techniques traditionnelles et dépassées ». « Il n’est pas facile de les convaincre d’utiliser de nouvelles techniques agricoles ni de nouvelles variétés, d’autant que ce sont de jeunes techniciens qui s’adressent à eux, déplore M. Khayat. Selon les nouvelles techniques, à titre d’exemple, il est interdit de labourer le terrain parce que cela est susceptible de changer la composition du sol. Or les anciens agriculteurs continuent de le faire. De même, l’irrigation est faite selon le principe du goutte-à-goutte pour maîtriser la gestion de l’eau, etc. » Les agriculteurs sont-ils satisfaits ? « Oui, dans la mesure où ils comprennent que nous sommes là pour les soutenir sur le plan technique, et pour les aider à devenir autonomes et autosuffisants, note M. Khayat. Non, tant qu’ils sont convaincus qu’il est de notre devoir de les soutenir financièrement. » Et Élie Khayat d’insister : « Il existe une différence entre la charité et le développement. Notre rôle consiste à aider les agriculteurs pour qu’ils puissent développer leurs parcelles, introduire de nouvelles variétés fruitières, avoir recours aux nouvelles techniques et travailler en groupe pour diminuer les coûts de production. Pour cela, nous nous rendons chez eux, menons une étude de leur sol et leur conseillons les variétés à planter pour tirer profit au maximum de leur terrain. Mais ils achètent leurs plants. Rien n’est gratuit. » Contribution de la femme Les femmes ne sont pas laissées en marge de ce projet. Bien au contraire, elles contribuent à l’amélioration des conditions de vie du foyer. « Nous organisons à leur intention des sessions d’initiation à la transformation agroalimentaire : labné, fromage, marmelade, confiture… » remarque M. Khayat, précisant qu’une minifromagerie à but didactique a été créée au sein du centre. De son côté, M. Matteo Ragni précise : « Nous avons inclus dans le cadre du projet des sessions de formation à la production du fromage pour apprendre aux agriculteurs à améliorer la qualité des produits laitiers traditionnels. Nous avons même introduit des fromages européens pour montrer aux agriculteurs qu’il existe une autre façon de faire. » AVSI est-elle satisfaite des résultats obtenus jusqu’à présent ? « Oui, mais les choses ont beaucoup changé, constate Matteo Ragni. Ce projet a été initié en 2000. Entre-temps, le Liban a beaucoup changé, AVSI aussi. Il y a certaines choses qui vont être réalisées d’une manière différente. Nous espérons qu’il y aura une suite au projet. Une tâche qui incombe désormais aux agriculteurs. » AVSI : une ONG italienne active dans trente-deux pays L’Association de volontaires pour le service international (AVSI) a été fondée en 1972 à l’initiative d’un groupe de volontaires ayant décidé d’aider les plus défavorisés dans les pays en développement. Depuis, AVSI s’est engagée dans des projets d’aide pour le développement dans les domaines de la santé, de l’hygiène, de la formation professionnelle, de la réhabilitation des zones urbaines marginalisées, de l’environnement, de l’agriculture et des interventions d’urgence. Depuis quelques années, AVSI s’intéresse particulièrement à des interventions en faveur de l’enfance et de la jeunesse. Présente dans trente-deux pays d’Afrique, d’Amérique latine, du Moyen-Orient et de l’Europe, AVSI a été officiellement accréditée en 1996 pour la préparation des travaux de la Conférence mondiale des Nations unies pour les problèmes urbains. La même année, AVSI a été accréditée par le Conseil économique et social des Nations unies (Ecosoc) à titre de consultant. AVSI s’est officiellement installée au Liban en 1996. Toutefois, le Liban profite de son aide depuis 1993, et les projets qui ont été réalisés s’inscrivent dans plusieurs domaines. Au niveau médical, AVSI a collaboré avec le ministère libanais de la Santé pour réorganiser le système de santé au Liban-Nord et réhabiliter l’hôpital de la Quarantaine, grâce à un financement du ministère italien des Affaires étrangères. Dans les domaines social et pédagogique, l’ONG italienne a financé la réhabilitation de l’orphelinat Saint-Charbel, à Harissa-Daraoun, l’aménagement et l’équipement d’un réfectoire cuisine au Centre de réhabilitation des toxicomanes à Séheilé, ainsi qu’un programme de formation d’animateurs sociaux et d’accompagnateurs psychopédagogiques pour groupes d’enfants sensibles. En ce qui concerne le développement en milieu rural, et suite au retrait israélien du Liban-Sud, AVSI a financé, dans le cadre du programme d’intervention d’urgence, quatre coopératives d’apiculteurs pour l’acquisition de ruches et de reines de races italiennes, et autres matériels et instruments d’élevage grâce à une contribution de l’Union européenne. Lorsque le projet du Centre de formation et de services pour les agriculteurs et les éleveurs de la région agricole à Qartaba sera achevé, AVSI poursuivra le projet de gestion des ressources d’eau du fleuve Litani dans la Békaa, « Irwa ». AVSI poursuivra de même son programme de parrainage scolaire à distance dont ont bénéficié jusqu’à présent plus de 1 500 enfants libanais. Entraide Liban, au service des familles défavorisées Fondée en 1994, Entraide Liban participe au développement social et humain des familles défavorisées dans les régions rurales. Elle œuvre dans ce cadre à donner aux personnes les plus défavorisées les moyens d’améliorer leurs conditions de vie, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’apprentissage professionnel. Entraide Liban a à son actif trois programmes : • Rai de soleil, un programme sociopédagogique de soutien scolaire. Jusqu’à présent, l’association a pu organiser près de 50 programmes de centres aérés qui ont profité à plus de 3 000 enfants des différentes régions. Cela a été possible grâce, notamment, à une équipe d’animateurs cadres libanais, avec la participation de plus de 250 étudiants volontaires français, et en coordination avec les écoles, les municipalités et les centres de service social relevant du ministère des Affaires sociales. Depuis septembre 1999, Entraide Liban est en charge du programme d’animation socioculturelle de quelque cinquante filles (6-12 ans) du Foyer de l’enfant, à Kfarzébiane (Kesrouan). • Olivier, un programme sociomédical de prévention et de soutien à l’intention des enfants pris en charge par Rai de soleil. Olivier soutient en plus les frais de scolarisation de plus de 200 enfants âgés de 6 à 15 ans dans les différentes régions. • Liban village, un programme de développement rural en milieu agricole. Ce projet se traduit par le Centre de formation et de services agricoles dans la région de Qartaba. Liban Village est constitué de deux coopératives de développement spécialisées dans la production agricole, l’élevage et la production agroalimentaire. Il compte à ce jour près de cent fruiticulteurs et près de cent cinquante éleveurs de cheptel bovin dans vingt localités dans le jurd de Jbeil. La production bovine confrontée aux difficultés du marché L’élevage bovin n’est pas exclu du projet de développement réalisé dans le jurd de Jbeil. En effet, Entraide Liban et AVSI assistent quelque 153 fermes dans dix-sept villages de la région. « Le projet englobe près de 700 vaches laitières, note Élie Khayat. Nous accordons dans le cadre du projet une plus grande importance à la production bovine, d’autant qu’elle profite à un plus grand nombre d’éleveurs. Chaque vache produit en moyenne treize à quinze litres de lait par jour, alors qu’elle devrait en produire vingt à vingt-huit litres. » « Nous œuvrons à baisser le coût de la production et à aider les éleveurs à commercialiser leurs produits en améliorant la santé animale, insiste M. Khayat. Nous nous occupons ainsi de la vaccination, de l’insémination artificielle pour améliorer la race, de l’alimentation des vaches, etc. Nous possédons aussi un système de données assez évolué et je tiens à préciser que nous avons été les premiers au Liban à avoir marqué toutes les vaches dans le caza de Jbeil. » Également dans le cadre de ce projet, Entraide Liban et AVSI insistent sur la vulgarisation des informations. Un service assuré par deux techniciens qui se rendent au quotidien dans les fermes. « Il y a près d’un an, les éleveurs avaient des difficultés à écouler leur production à cause de la concurrence syrienne, indique M. Khayat. Le litre de lait leur coûtait 450 LL, alors que le lait syrien était vendu en contrebande à 300 LL le litre. Depuis un an, la situation s’est améliorée, en ce sens que le lait syrien n’est plus vendu sur le marché libanais. Mais les éleveurs trouvent toujours des difficultés à vendre leur production, faute d’usines de transformation. Nous avons un centre pour la collecte du lait à Amchit. Ce centre est très bien équipé, mais il ne fonctionne plus depuis deux ans, faute d’une décision ministérielle. De plus, il faudrait installer deux unités de transformation dans la région pour pouvoir écouler toute la production de lait. » Les femmes n’ont pas été exclues de ce projet non plus. En effet, des sessions de formation sur la transformation agroalimentaire et la gestion des petites entreprises ont été organisées à leur intention, en collaboration avec la Fondation René Moawad. « Les femmes confectionnent leur “mouné”, signale M. Khayat. Nous leur assurons les labels et elles vendent leur production dans les expositions. » Nada MERHI
Dans la région de Qartaba (caza de Jbeil), un centre de formation et de services agricoles s’est substitué au gouvernement dans le but d’initier les agriculteurs aux techniques modernes d’agriculture. Le centre s’emploie depuis plus de trois ans à organiser le secteur agricole – une tâche qui incombe généralement à l’État – dans le jurd de Jbeil, profitant ainsi à...