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À Naccache, le pur bonheur, pour effacer une injustice qui n’a que trop duré La MTV libérée, ou la magistrale victoire du droit sur l’arbitraire

Certes, il y a eu, ces derniers mois, un énorme ballon d’air frais : le 14 mars, le retrait syrien, le retour de Aoun, les élections libres, la libération de Geagea. Mais il restait, prisonnière du même cycle d’oppression, une MTV réduite au silence par une décision politique vindicative, pour avoir osé, à l’époque où tous les médias étaient soumis à la chape de plomb du régime sécuritaire, transgresser tous les tabous et remplir sa mission d’organe d’information et d’opinion, au service des valeurs fondamentales de la vérité, du droit et de la liberté. Comment ? En couvrant les activités du mouvement estudiantin souverainiste, le seul à l’époque à oser défier, dans la rue, les matraques de la répression pour que vive la liberté. La dynamique étudiante de transformation de la rue en espace de libertés et de souveraineté par le biais des manifestations est en effet née devant la MTV, un soir de décembre 1997, lors de l’interdiction du passage de Michel Aoun à l’antenne. Les jeunes manifestants, à majorité aounistes, avaient été réprimés à coups de gaz lacrymogène et de matraques, avant d’être brutalités, interpellés et déférés devant le tribunal militaire. Le « crime » principal de la MTV aura été, dans ce climat étouffant de pratiques liberticides et de prééminence de l’arbitraire, la retransmission exclusive des images sordides du 7 et du 9 août 2001. Mais aussi et surtout, sur le plateau de la chaîne le 7 août au soir, l’initiation d’un sursaut salvateur, d’un débat rédempteur au sein d’une société civile condamnée à l’inertie, et, dans le meilleur des cas, à réagir à une certaine barbarie physique, psychologique et (anti) culturelle. Dans ce contexte, l’un des plus sombres de l’histoire du pays, la MTV a été un porte-étendard de liberté et un témoin de vérité. D’où la nécessité, pour la punir, de l’emmurer dans un silence castrateur, de lui faire partager le sort d’un peuple à la volonté écrasée et réduit à l’impuissance, d’humilier ses employés et leurs familles pour avoir convenablement fait leur métier de journalistes. En amendant l’article 68 de la loi électorale et en « libérant » la MTV, la Chambre des députés n’a fait hier que son devoir de gardienne du régime démocratique parlementaire et des valeurs de la République. La mise en scène judiciaire, admirablement bien menée à l’époque, par un expert en la matière, l’ex-procureur général près la Cour de cassation, Adnane Addoum, constituait une atteinte flagrante aux droits de l’homme et aux libertés publiques. Ainsi, l’on se souviendra que la MTV a été fermée par les tribunaux, sans même avoir eu le droit légitime de se défendre, sans même avoir eu droit, ère « addoumienne » oblige, à un procès équitable. L’affaire avait été expédiée, par une violation flagrante du préambule de la Constitution, lors d’un simulacre de procès visant à masquer ce qui n’était en fait rien d’autre qu’une flagrante et scandaleuse vengeance de la part du régime et de son tuteur régional, Damas, directement lésés par la mission que s’était assignée la MTV, par l’esprit de liberté que la chaîne s’était engagée à réinscrire au cœur de la société, quitte à en payer le prix. Il s’agissait également, à travers la MTV, d’une leçon administrée à tous ceux qui auraient osé, ultérieurement, relever la tête pour défier la dynamique totalitaire, d’une épée de Damoclès au-dessus de toute institution médiatique tentée de dépasser les lignes rouges pour témoigner au service de la liberté. À Naccache, une joie immense Il est impossible de comprendre le bonheur pur, l’immense joie ressentie hier dans les locaux de la MTV à Naccache par l’ensemble de l’équipe, sans avoir, au préalable, saisi, dans toute son ampleur, l’injustice terrible dont Gabriel Murr, sa famille et chacun des employés de la chaîne ont été victimes durant les trois dernières années. Des employés dont la dignité humaine, ce que l’homme a peut-être de plus précieux avec sa liberté, aura été littéralement bafouée, traînée dans la boue. Même si l’heureuse surprise n’en était pas vraiment une, puisqu’il était inconcevable que le résultat du vote à la Chambre soit autre que la réouverture de la MTV, c’est une explosion d’une joie des plus sincères et des plus vraies qui a accompagné hier, à Naccache, l’annonce de l’événement. Après plusieurs heures d’attente au téléphone (la séance n’étant pas retransmise en direct sur les chaînes télévisées), Gabriel Murr, qui a réuni toute sa famille, son équipe, et plusieurs de ses compagnons d’infortune au troisième sous-sol de la chaîne, obtient finalement, vers 14h30, la confirmation du caractère positif du vote, par le biais d’un appel du ministre de l’Industrie, Pierre Gemayel. La suite relève plus du délire collectif qu’autre chose. Le sourire libérateur au visage, Gabriel Murr, entouré entre autres de ses fils Michel et Jihad, de sa fille Carole, des journalistes Habib Younès et Ghayyath Yazbeck, de l’avocat Georges Nakhlé, et des anciens cadres estudiantins arrêtés le 7 août 2001, Tony Harb et Selmane Samaha, prend immédiatement la parole pour exprimer toute la détermination d’un homme auquel on vient enfin de donner gain de cause, de rendre justice. Les applaudissements crépitent de partout, si forts que les mots prononcés par le PDG de la chaîne sont à peine perceptibles. Levant les bras en signe de victoire, Gabriel Murr répète ensuite à tue-tête : « Je suis libanais et fier de l’être. » La chanson patriotique du même nom fuse dans la salle, et M. Murr, entouré de Tony Harb et de Selmane Samaha, entonne aussitôt quelques pas de « dabké », avant de recevoir l’accolade de ses proches et des employés. Le climat est à la fête, le champagne coule à flots, des dizaines de confettis multicolores flottent dans la salle. L’émotion est très vive, puisque le moment rappelle certains instants passionnés de la partielle victorieuse du Metn de 2002, mais vient aussi exorciser toutes les frustrations, tous les moments difficiles vécus par la famille de la MTV. C’est ensuite Habib Younès, qui avait composé, de sa prison de Roumieh, les paroles du célèbre jingle de la station, qui a pris la parole. Le journaliste, avec son éloquence habituelle, sait trouver les mots adéquats pour parler de sa passion : la liberté, que rien ne saurait jamais pouvoir aliéner. « La couleur de la MTV, c’est le bleu, celui de l’horizon infini de la liberté. Celui qui peut cloîtrer l’horizon peut aussi étouffer la voix de la liberté. En d’autres termes, la voix de la liberté ne peut être réprimée », a lancé Habib Younès en souhaitant un bel avenir à la chaîne de télévision sous les applaudissements généralisés. Puis, c’est Michel Gabriel Murr qui s’est adressé aux employés, affirmant qu’après toutes ces années, l’heure du travail a de nouveau sonné, et que la MTV doit revenir en force, en donnant le maximum de son potentiel, et que cela nécessite vraiment un effort particulier de la part de l’équipe. Ensuite, Gabriel Murr, littéralement assailli par les appels téléphoniques de félicitations officielles et populaires, a regagné son bureau, retenant chez lui MM. Yazbeck, Younès, Harb, Samaha et son fils Michel. Le temps de couper un gâteau aux couleurs de la MTV, décoré de la mention : « MTV, fermée avec dignité, rouverte avec fierté ». Un autre pur moment de bonheur, celui de la fin d’une injustice, de la victoire, toujours magistrale, du droit naturel sur l’arbitraire. Michel HAJJI GEORGIOU

Certes, il y a eu, ces derniers mois, un énorme ballon d’air frais : le 14 mars, le retrait syrien, le retour de Aoun, les élections libres, la libération de Geagea. Mais il restait, prisonnière du même cycle d’oppression, une MTV réduite au silence par une décision politique vindicative, pour avoir osé, à l’époque où tous les médias étaient soumis à la chape de plomb du...