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Actualités - OPINION

La mutation politique ne s’achèvera qu’avec le rapport Mehlis

Les professionnels de tous bords s’accordent à estimer que le tableau politique intérieur ne se stabilisera vraiment qu’à la lumière du rapport Mehlis sur l’assassinat du président Rafic Hariri. Sans trop s’en douter, ces politiciens rejoignent en quelque sorte la thèse des structuralistes dite du « crime fondateur ». En référence au premier meurtre, le fratricide commis par Caïn, qui a installé les rails sur lesquels l’humanité a évolué. Pour l’heure, et ici même, le climat reste incertain tant que la lumière n’est pas faite sur l’assassinat du président Hariri. Car toutes les données du changement et des rapports de force s’y trouvent liées. Les conclusions de la commission Mehlis sont attendues, selon l’ONU elle-même, pour la mi-septembre. En attendant, on passe le temps avec les tiraillements plus ou moins secondaires issus des élections législatives et de la formation du cabinet. Les prises de position et les alliances définitives sont en suspens. Certains soutiennent que la durée de vie de l’équipe Siniora dépend des résultats de l’enquête internationale. Ils supputent en effet que la publication du rapport Mehlis entraînerait de forts remous et des pressions diverses, pouvant obliger le président du Conseil à rendre prématurément son tablier. Mais tout cela part d’un postulat qui pourrait être faux. C’est-à-dire que les calculs se trouvent tissés en base de la certitude, qui pourrait être démentie dans les faits, que les investigations vont faire toute la lumière sur l’assassinat du président Hariri. En identifiant les instigateurs, les complices antérieurs ou postérieurs, autant que les exécutants. Les professionnels expérimentés mettent en garde, évidemment, contre cette fable de Perrette et le pot de lait. Ils s’inquiètent de la prolifération des scénarios que les uns ou les autres imaginent au sujet des résultats de l’enquête. Et donc de leurs retombées politiques. Aux yeux de ces professionnels avertis, le climat ainsi forgé est pour le moins malsain, alourdi de suspicion et de préparatifs d’affrontements politiques à couteaux tirés. Cela à un moment où le pays a besoin de souffler, de reprendre des forces, de faire face à une dure crise socio-économique aggravée par mille difficultés occurrentes, dont les relations avec la Syrie et la question de la 1559, le désarmement du Hezbollah comme des camps palestiniens, et le déploiement de l’armée sur la ligne bleue. Il y a en effet de quoi s’alarmer, surtout que Mehlis maintient un sévère black-out sur les progrès de son enquête. Tout ce que l’on sait, c’est que lui-même et ses collaborateurs ont parlé avec plus d’un ancien cadre des services sécuritaires. Quant aux rumeurs propagées par-ci par-là, il faut y voir un effet naturel des spéculations des uns ou des autres. Ou encore, des ballons d’essai lancés à dessein par les enquêteurs eux-mêmes, pour susciter des réactions et d’éventuelles confidences. Mais dans le fond, le mystère reste entier. D’autant que les enquêteurs, techniciens chevronnés, prennent bien garde de ne pas dévoiler certains témoins importants. Sans doute pour les protéger face à l’éventuelle vindicte de responsables, de coupables divers, de complices ou de négligents, qu’ils auraient dénoncés. Toujours est-il que les scénarios évoqués se fondent sur trois orientations principales. La première retenant l’implication de cadres sécuritaires syriens. La deuxième imputant cette responsabilité à des cadres sécuritaires libanais. Et la dernière mettant tout sur les épaules du terrorisme fondamentaliste. Une promesse de Mehlis : les conclusions de son rapport seront claires, nettes et précises. Il doit en principe rendre une première copie, totalement technique, dès la fin du mois en cours. Cette partie portera sur les faits, avant, pendant et après le crime. C’est-à-dire qu’elle devra également englober les modifications abusives, inadmissibles, apportées à la scène du crime. Des manipulations qui, à elles seules, devraient entraîner de fortes suites à caractère politique intérieur. C’est-à-dire que l’on voudrait, naturellement, faire ou refaire le procès du système dit militaro-sécuritaire mixte qui a si longtemps dominé la scène politique libanaise. Quoi qu’il en soit, selon un parlementaire membre du Courant du futur, le mouvement politique en direction de Damas continuera à être gelé en attendant le rapport Mehlis. On note à ce propos que même des forces réputées proches de la Syrie s’abstiennent ces temps-ci de s’y rendre. Pour certains, ce serait notamment la question des rapports avec Damas qui aurait incité Saad Hariri à ne pas briguer la présidence du Conseil et à s’en décharger sur Siniora. Dans le même esprit, le chef du bloc parlementaire le plus important s’abstient pour le moment de prendre position sur diverses questions sensibles, estimant que les choses se décanteront sans doute d’elles-mêmes, une fois publié le rapport Mehlis. Siniora pour sa part, en tant que président du Conseil, tient les engagements pris dans la déclaration ministérielle. Il maintient le contact avec les Syriens, pour dénouer la crise et pour tenter d’établir les bases de relations nouvelles, assainies. En même temps, il sert de trait d’union entre les Syriens et des pôles libanais qui, depuis l’assassinat du président Hariri, et à cause de certains soupçons, préfèrent ne plus avoir affaire directement avec Damas. Qui, de son côté, et selon ses proches, n’est pas disposé à pardonner aux parties libanaises qu’il accuse de l’avoir poignardé dans le dos. Le président Lahoud, quant à lui, souligne que les relations entre les deux pays doivent être d’ordre institutionnel et non personnel, sous l’égide du Conseil supérieur mixte. Et sur base de principes d’entente, de coordination et de coopération. La présidence de la République ne devant intervenir, le cas échéant, que pour aider à dénouer des litiges aigus. Philippe ABI-AKL
Les professionnels de tous bords s’accordent à estimer que le tableau politique intérieur ne se stabilisera vraiment qu’à la lumière du rapport Mehlis sur l’assassinat du président Rafic Hariri. Sans trop s’en douter, ces politiciens rejoignent en quelque sorte la thèse des structuralistes dite du « crime fondateur ». En référence au premier meurtre, le fratricide commis par...