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Actualités - interview

Rencontre - Proche du Hezbollah, le ministre du Travail défend la formation Trad Hamadé : La 1559, c’est terminé, et le projet américain va échouer (photo)

Le ministre du Travail, Trad Hamadé, a beau affirmer être un simple sympathisant du Hezbollah, il défend quand même la formation avec la conviction et l’enthousiasme d’un véritable partisan. Dans son bureau très kitsch au ministère, qu’il a hérité de ses prédécesseurs, il répond à toutes les questions, dans une sorte de désordre amical, puisque sa porte reste ouverte à tout le monde et qu’il est ainsi sans cesse interrompu, même s’il ne perd jamais le fil de ses idées. Ses convictions sont d’ailleurs claires et affichées. Ayant obtenu un doctorat en philosophie de la Sorbonne, il s’est spécialisé dans la philosophie chiite, ayant consacré sa thèse à un philosophe iranien, Mollah Sadra Chirazi, et il déclare partager les théories du Hezbollah et son engagement politique et religieux, sans toutefois adhérer à la formation. Pourquoi le parti l’a-t-il choisi comme représentant au sein du gouvernement Mikati, d’abord, puis dans l’actuelle équipe ? Trad Hamadé préfère rester modeste et préciser que le parti avait le choix entre plusieurs figures mais que c’est lui qui a été choisi. Il considère aussi qu’il a dû sans doute pas trop mal s’en tirer pour être choisi de nouveau dans l’actuel gouvernement. Et lorsqu’on lui fait remarquer qu’il ne s’en est sans doute pas aussi bien tiré puisque le Hezbollah a voulu se faire représenter aussi par un de ses membres, Trad Hamadé sourit et répond : « La question n’est pas là. Le gouvernement s’étant élargi à 30 membres, le Hezbollah a choisi un des siens pour le représenter, en plus de ma modeste contribution, selon la distribution des portefeuilles et l’importance de son bloc parlementaire et parce qu’il s’agit d’un gouvernement d’union nationale . » Trad Hamadé insiste pour considérer l’équipe actuelle comme un gouvernement d’union nationale, estimant qu’il y a une grande solidarité entre ses membres, y compris entre lui et le représentant du Hezbollah, Mohammed Fneich. Fort de cette conviction, le ministre du Travail n’a aucune inquiétude au sujet de l’éventuelle adoption par le Conseil des ministres d’une décision envoyant l’armée au Sud, conformément à la résolution 1614 du Conseil de sécurité. « Nous n’avons même pas besoin d’avoir un tiers de blocage. Les membres du gouvernement sont d’accord sur ces questions essentielles. En ce qui me concerne, je considère que la résolution 1614 a déjà été appliquée, puisque l’armée est déjà déployée au Sud . » Et la 1559 ? « Ce sujet est clos. Cette résolution est tombée. La partie importante, qui concerne le retrait syrien, a été appliquée. Ce qui reste est tributaire de l’entente des Libanais. Et, apparemment, les Libanais sont d’accord pour refuser le désarmement de la Résistance. Je ne vois pas comment la communauté internationale, qui affirme vouloir l’intérêt du Liban, peut rejeter l’accord entre les Libanais pour leur imposer un projet contraire à leurs intérêts et à leur volonté. Cela signifierait que la communauté internationale aurait des visées cachées... » Croit-il réellement que les choses sont aussi simples et que la communauté internationale, notamment les États-Unis, vont se contenter de ce genre de réponse ? « Je crois que les Américains ont certainement un projet global pour la région et la 1559 en est le volet qui concerne le Liban. Mais je pense aussi que ce projet a commencé à se heurter à des obstacles, notamment au Liban. Les choses ne sont peut-être pas simples, mais à ce sujet, elles sont claires. Et si je suis optimiste, je suis aussi, en bon philosophe, rationnel. C’est pourquoi je pense que lorsque les Libanais sont d’accord entre eux, la communauté internationale ne peut pas leur imposer une décision qui ne va pas dans le sens de leur entente. Le projet américain est donc en train d’échouer . » « Si les Américains ont des lois injustes, c’est leur problème » On a beaucoup parlé de sa rencontre avec des membres de l’Administration américaine alors qu’il se trouvait aux États-Unis en tant que ministre de l’Agriculture dans le cabinet Mikati. Mais quelle est sa réaction lorsqu’il entend les Américains affirmer qu’ils ne parlent pas avec le Hezbollah, mais qu’ils veulent bien le rencontrer à lui ? « Ce n’est pas vraiment mon problème. Les Américains ont des lois injustes qui leur interdisent de dialoguer avec le Hezbollah, tant pis pour eux. En ce qui me concerne, je suis un ministre libanais et je reçois, comme mes collègues, les visites des ambassadeurs occidentaux, notamment celui des États-unis. Je discute avec eux dans le cadre des prérogatives de mon ministère. Quant à ma visite aux États-Unis et ma rencontre avec des responsables là-bas, on lui a accordé plus d’importance qu’elle n’en a. De plus, je n’ai pas le sentiment qu’au cours de nos conversations, l’ambassadeur des États-Unis envoie des messages au Hezbollah ; il s’agit plutôt de questions protocolaires et techniques . » En tant que ministre du Travail, il a pris une décision importante, celle d’améliorer les conditions de vie des réfugiés palestiniens ; compte-t-il traiter aussi le dossier des travailleurs syriens ? « Je traiterai tous les dossiers selon les lois en vigueur et ma conscience. Je suis contre toute injustice, d’où qu’elle vienne . » On dit pourtant que le dossier des travailleurs syriens est l’une des raisons de son maintien à la tête du ministère du Travail. De la sorte, le dossier serait en de bonnes mains… « C’est vrai, je le traiterai avec équité et honnêteté. Mais si vous sous-entendez autre chose, vous vous trompez. Je suis libanais depuis mille ans et j’ai au moins cent ancêtres enterrés au Liban. Alors qu’on ne fasse pas de surenchère sur mon souci des intérêts libanais. J’espère être juste et ferme, tout en tendant la main à tout le monde. Dans ce ministère qui a longtemps été considéré comme un foyer de corruption, j’espère avoir suffisamment de crédibilité pour prendre les bonnes décisions, conformément à ma volonté de lutter contre la corruption et de réformer les vieilles structures. Je me suis fixé trois non : non à l’intervention dans la justice, non à l’intervention dans les affaires d’argent et non aux pistons dans l’embauche et les promotions . » Évoquant le dossier des relations avec la Syrie, le ministre Trad Hamadé affirme que tous les membres du gouvernement sont d’accord pour que celles-ci soient bonnes et saines. « Nous avons tenu deux séances du Conseil des ministres après la visite du Premier ministre à Damas et tous les membres du gouvernement ont fait l’éloge de cette visite, affirmant qu’elle doit être le début d’un processus d’assainissement et que les relations ne peuvent que s’améliorer. Je suis convaincu que la grande majorité des Libanais considère qu’entre le Liban et la Syrie il y a trop d’intérêts communs, dont le premier est la géopolitique . » Interrogé sur une éventuelle discorde entre chiites et sunnites, Trad Hamadé affirme qu’elle n’aura pas lieu, les deux communautés, comme toutes les autres qui composent la société libanaise, étant conscientes du danger et sachant qu’une telle discorde serait terrible pour tout le Liban. Enfin, le ministre réaffirme que ce gouvernement lui paraît solide et efficace et, contrairement à ceux qui lui prédisent une courte vie, lui pense qu’il restera longtemps. C’est sans doute son « optimisme doublé de rationalisme ». Scarlett HADDAD

Le ministre du Travail, Trad Hamadé, a beau affirmer être un simple sympathisant du Hezbollah, il défend quand même la formation avec la conviction et l’enthousiasme d’un véritable partisan. Dans son bureau très kitsch au ministère, qu’il a hérité de ses prédécesseurs, il répond à toutes les questions, dans une sorte de désordre amical, puisque sa porte reste ouverte à tout...