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Actualités - OPINION

La clim’, enfin !

Tranchant divinement avec les moiteurs aoûtiennes, la crise persistante à la frontière libano-syrienne, la psychose de l’attentat et ses désastreuses retombées sur la saison touristique, c’est une fraîche brise qui déboule cette fois des hautes sphères du pouvoir. Longtemps étouffée, la démocratie se remet à respirer et pour la première fois depuis bien longtemps, on en perçoit même le souffle. Pas de démocratie sans élections libres ; et pas de scrutin libre sans une loi électorale juste, sauvegardant tout à la fois l’unité nationale et les spécificités démographiques et politiques du pays : fidèle à ses engagements, le nouveau gouvernement se sera très vite attaqué à cette priorité absolue. Que la recherche de la solution miracle ait été confiée à une douzaine d’experts jouissant de l’estime générale, et à leur tête cette véritable icône de la diplomatie libanaise qu’est Fouad Boutros, ne peut que donner plus de poids encore à cette excellente nouvelle. Non moins réconfortante, entre autres initiatives, est la levée des restrictions sur la création des partis politiques, laquelle ne requiert plus une autorisation préalable du ministère de l’Intérieur. D’autant plus inique et choquante était cette exigence que certaines formations politiques se trouvaient diabolisées, persécutées, dissoutes, dans le même temps que d’autres, prônant ouvertement pourtant la dilution du Liban dans des ensembles pansyriens ou arabes, avaient pignon sur rue et faisaient systématiquement partie de tous les gouvernements. Dans un pays qui, de par ses traditions libérales, réunit sur un territoire exigu la presque totalité des courants de pensée agitant le monde arabe, ce sont des contrôles d’un autre genre qui s’imposent cependant : ceux touchant au financement des partis. La démocratie, cela se protège, faute de quoi on ne fait que préparer l’anarchie ; et la démocratie libanaise ne doit plus jamais redevenir la porte béante par où s’engouffre, en toute tranquillité, la subversion étrangère. Les mêmes précautions devront entourer d’ailleurs la prochaine et très souhaitable suppression des écoutes téléphoniques, et les responsables en sont conscients. Il ne faut plus, bien sûr, que ces écoutes servent surtout, comme c’était souvent le cas, à violer la vie privée des hommes politiques, et qu’elles deviennent ainsi un vil moyen de pression, de chantage. Mais à l’heure où les grandes démocraties elles-mêmes se bardent de procédures d’exception pour faire face au fléau mondial du terrorisme, c’est d’une stricte réglementation des écoutes que notre pays a le plus grand besoin. L’entreprise n’est certes pas facile. Elle suppose que les juges accorderont avec autant de parcimonie que de clairvoyance les permis d’espionner ; et elle implique surtout la présence, à la tête des divers organismes veillant à la sécurité publique, d’hommes voués au service du pays et non de tel ou tel pilier de la république, comme l’a montré l’âpre débat sur les nominations aux postes sensibles… C’est dire combien est vital le projet gouvernemental de remise à niveau de ces mêmes organismes, dont il va bien falloir qu’ils se décident enfin à coopérer efficacement entre eux, dans le cadre d’une agence de synthèse centrale. Et c’est là qu’on touche au cœur du problème : c’est-à-dire la question sécuritaire abordée, cette fois, sous l’angle très particulier des relations libano-syriennes. Cette sécurité mutuelle, la raison la commande certes, du fait du voisinage et des interactions naturelles entre deux pays ayant en partage une bonne tranche d’histoire. Mais la raison se rebiffe, et avec elle la dignité nationale, quand coopération et coordination deviennent, comme ce fut longtemps le cas, prétexte à domination, à assujettissement. Et la raison trébuche à l’idée qu’un dialogue sérieux et productif puisse être véritablement engagé avant qu’aient été connues les conclusions de l’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri : avant qu’ait été réglé, de même, le douloureux dossier des disparus libanais en Syrie. Par-dessus tout, et même dans la plus favorable des hypothèses, Libanais et Syriens sont tenus de gérer, chacun à sa manière toutefois, l’implacable loi du changement. La géopolitique a placé là, côte à côte, deux systèmes en tout point différents, deux conceptions différentes, voire contradictoires, des libertés publiques. Rassurer une Syrie se comportant désormais en bon voisin ? Oui certes, mais plus jamais aux dépens d’une démocratie libanaise encore convalescente et d’une indépendance miraculeusement recouvrée. À défaut de réformes des institutions, c’est d’une mentalité nouvelle qu’ont surtout besoin, quant à elles, les autorités syriennes. Dans son entêtement à punir le Liban en entravant abusivement le transit terrestre, la Syrie en sera finalement venue à se punir elle-même : les restrictions qui viennent de lui être imposées du côté irakien, exemple que s’apprêterait à suivre la Jordanie, auront probablement plus d’effet que la récente et courageuse visite à Damas de Fouad Siniora. L’arroseur arrosé, ce n’est pas seulement du cinéma. Issa GORAIEB
Tranchant divinement avec les moiteurs aoûtiennes, la crise persistante à la frontière libano-syrienne, la psychose de l’attentat et ses désastreuses retombées sur la saison touristique, c’est une fraîche brise qui déboule cette fois des hautes sphères du pouvoir. Longtemps étouffée, la démocratie se remet à respirer et pour la première fois depuis bien longtemps, on en perçoit...