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Actualités - OPINION

Eclairage - Beyrouth bénéficie d’un répit de six mois pour commencer à honorer ses obligations internationales Salloukh sera-t-il le ministre des AE du Liban ou celui de sa communauté ?

Il est évident que cette déclaration ministérielle fleuve, qui sera dès demain, place de l’Étoile, superchouchoutée par les uns ou carrément malmenée par les autres, brille autant par la kyrielle de serments fondateurs, essentiels, que le gouvernement se doit d’appliquer, que par deux tares que ce même cabinet devra, un jour où l’autre, prendre à bras-le-corps. Il s’agit bien évidemment du désarmement du Hezbollah et de l’avenir des relations libano-syriennes. Dans le premier des cas, le Liban n’aura pas uniquement à penser comment ne pas se mettre en marge de la légalité internationale, ni à se creuser la tête pour essayer d’avoir le beurre et l’argent du beurre – le soutien financier des grands de la planète… Le gouvernement Siniora, s’il veut appliquer dans son esprit comme dans sa lettre la déclaration d’intentions qui est la sienne, devra en premier lieu s’employer à rebâtir un État. Et un État, tout le monde le sait, a le monopole de la force armée. Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : il faudra bien que cela commence quelque part, par quelque chose ; il faudra bien que le dialogue interne démarre si le Liban veut s’éviter une triple plaie : la désocialisation, l’indigence, l’enterrement définitif du concept de l’État. Et il faut faire vite, parce que les grands de cette planète ont une patience certes élastique, mais avec des limites. Surtout depuis la fin de la tutelle syrienne. Certes, « il n’y a pas de deadline » pour ce début d’application, libanisée naturellement, de la 1559. Et le gouvernement Siniora part avec un crédit fort généreux de la part de la communauté internationale. C’est ce que l’on assure dans les milieux diplomatiques bien informés. Sauf que les Libanais, en bons Méditerranéens, sont ultravelléitaires, et nonchalants et un peu paresseux. Si on les laisse faire, cela peut prendre trente ans. « La communauté internationale et les grandes puissances demandent que des efforts soient faits, qu’il y ait des signes tangibles de bonne volonté. Il faut qu’il y ait, d’ailleurs, volonté de faire. Si en janvier 2006, tout cela reste lettre morte, il est clair que ces grandes puissances referont bien plus sévèrement leurs calculs. Il faut que le dialogue soit lancé, organisé, structuré. » Comment ? Par le truchement d’une commission ? Par le biais de consultations tous azimuts ? Cela reste à voir, et Fouad Siniora devra déployer des trésors d’imagination ; c’est à lui, en Premier ministre investi sans ambages par une indiscutable majorité parlementaire, d’enclencher le processus. Et sans attendre un Hassan Nasrallah qui s’amusera, au cas où les fermes de Chebaa seraient libérées, à trouver de nouveaux, d’inépuisables prétextes, tous plus abscons les uns que les autres (les sept villages, le Golan, un arbre fruitier annexé par Israël…) pour pérenniser cette posture politique qui est la sienne et qui anéantit tout espoir de désarmement du Hezbollah. Sans oublier, bien entendu, le risque, de plus en plus prégnant, de voir les Nations unies et leur Conseil de sécurité décider de modifier la mission de la Finul et/ou d’en réduire le volume. Ce qui pourrait arriver étonnamment vite, peut-être pas dès demain, mais dans six mois, c’est-à-dire, encore une fois, en janvier 2006. À cette date-là, plus aucun pays ami du Liban ne bataillerait comme un damné pour conserver tel quel le job description de cette Finul. « En janvier 2006, le gouvernement libanais devra enfin assumer ses responsabilités, qu’il ait déjà engagé et pratiquement mené à terme un dialogue avec la force internationale afin qu’il déploie davantage, et effectivement, son armée au Liban-Sud », souligne-t-on dans les milieux diplomatiques en question. Deuxième gros problème – majeur : les relations avec la Syrie. Laquelle, visiblement, n’a plus le moindre état d’âme à afficher aux yeux du monde et des Libanais l’étendue de sa frustration, en punissant le Liban à tous les niveaux désormais possibles. Il est évident que la géographie a des caprices que la raison d’État et le bon sens ne peuvent occulter ; il est évident que des liens particulièrement amicaux doivent être préservés, bichonnés entre les deux pays. Mais il est évident aussi que cette politique de l’ultrahumilité qui consiste à jurer ses grands dieux que les crachats reçus en plein visage ne sont que de petites gouttes de pluie doit impérativement cesser. Que des relations d’égal à égal, dans l’absolu respect des intérêts communs, doivent être imposées. Que le gouvernement Siniora se doit d’imposer, sans tomber dans des pièges psychologiques qui peuvent s’avérer être d’impitoyables et mortifères souricières. Au cœur de tout ce maelström, il est censé y avoir un homme. Fawzi Salloukh, qu’Amal et le Hezbollah ont plus ou moins directement exigé aux Affaires étrangères. Précédé d’une très bonne réputation de directeur à l’Université islamique, connu pour sa proximité passée avec l’irremplaçable Mohammed Mehdi Chamseddine, cet homme sera-t-il pourtant à la hauteur de l’énorme tâche qui incombera dans les jours à venir au palais Bustros dont il est le nouveau locataire ? Fawzi Salloukh saura-t-il trancher avec son prédécesseur, dans le fond, mais surtout dans la forme ? Apprendra-t-il à bannir à tout jamais, publiquement et dans les salons un peu défraîchis de son ministère, cette insupportable langue de bois qui est celle de la diplomatie libanaise depuis près de vingt ans ? Plus encore : Fawzi Salloukh sera-t-il le ministre des Affaires étrangères du Liban ou celui de sa communauté ? Certes, personne ne lui demande d’être un nouveau Fouad Boutros, juste de contribuer, avec les prérogatives qui sont les siennes, et armé de la déclaration ministérielle, à éviter au Liban ces sempiternelles trois plaies qui le menacent. À moins que la politique étrangère libanaise ne se prépare pas nécessairement, uniquement, obligatoirement au palais Bustros. Si Fouad Siniora, qui bénéficie a priori de la confiance des grandes capitales, prenait en charge, officieusement, réellement, ce travail, le processus de sa haririsation, entamé avec sa déclaration de politique générale, bénéficierait d’un sérieux coup d’accélérateur. Mais tout cela reste encore bien hypothétique. Ziyad MAKHOUL
Il est évident que cette déclaration ministérielle fleuve, qui sera dès demain, place de l’Étoile, superchouchoutée par les uns ou carrément malmenée par les autres, brille autant par la kyrielle de serments fondateurs, essentiels, que le gouvernement se doit d’appliquer, que par deux tares que ce même cabinet devra, un jour où l’autre, prendre à bras-le-corps. Il s’agit bien...