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Actualités - CHRONOLOGIE

Festival International Du Théâtre Universitaire Au Gulbenkian, «Hanzala» de Saadallah Wannous: caustique procès de la société arabe…(photos)

L’Unesco l’avait choisi aux alentours des années 1996 pour dire son mot sur le théâtre. Michel Corvin, éminent spécialiste de la dramaturgie contemporaine et fin analyste des textes de scène, le désigne comme le meilleur représentant du théâtre du monde arabe. Il s’agit, bien entendu, de Saadallah Wannous que Nidal Achkar avait si habilement mis sous les feux de la rampe au théâtre al-Madina, il y a déjà quelques années, en choisissant de présenter deux de ses œuvres les plus percutantes. Aujourd’hui, dans le cadre du huitième Festival universitaire du théâtre, qui se tient comme d’habitude à la LAU (Hamra) et qui a ouvert ses portes vendredi dernier, voilà que les spots sont pointés sur le verbe caustique et mordant de Saadallah Wannous. Wannous toujours d’une revigorante jeunesse d’esprit et champion des critiques les plus virulentes d’un monde arabe qu’il affectionnait certes, mais qu’il scanait sans complaisance. Opus sélectionné (la jeunesse a toujours aimé les œuvres qui bousculent en toute franchise) pour les planches de la salle Gulbenkian par les étudiants de l’Université de Bahraïn: Hanzala. Hanzala, sans être un Moha le sage, est une sorte de personnage oriental «kafkaïen», nanti d’une bonne dose d’humour involontaire, d’un comique touchant, tant sa divergence et sa dichotomie avec la réalité sont flagrantes. Hanzala est en fait une adaptation-réécriture de la pièce Le voyage de Mr Mockinpott, de Peter Weiss, qui accuse la société, sans pitié ni concession, de rendre possible l’écrasement de l’être… Chassé de son travail par son patron, chassé de sa maison par sa femme, Hanzala tente de recoller les morceaux brisés de sa vie. À côté de lui un «conseiller», renard futé, parfaitement à l’aise avec le système, la société, la vie... Deux êtres diamétralement opposés. Éloquente illustration du mal de vivre du premier et de l’insoutenable épanouissement du second. Non pas maître et esclave, mais plutôt portraits d’un chef et d’un subalterne. Hanzala est en fait le diagnostic même d’une société en prise avec ses aberrations, ses aveuglements, ses suffisances, son irrationalité, ses tâtonnements, ses traditions obtuses, son traditionalisme sclérosé, ses valeurs décadentes et caduques. Comique «molièresque» avec les scènes hilarantes portant sur les valeurs cléricales, médicales, intellectuelles, politiques… Les dialogues corrosifs et audacieux de Wannous font mouche et feu de tout bois. Excellente est la séquence avec le cheikh au son rythmé par les tambourins, tout comme l’atmosphère délétère des «haschaschins» tout à leur «keif», sans oublier le monstreux et effrayant ronronnement de l’hydre administrative… Pas de décor pour les ébats délibérément clownesques de ces jeunes étudiants (Hussein Abed Ali, Sadek al-Shaabani, Mohammed Abdullah, Mahmoud al-Sheikh, Nagib Baqer, Mahmoud al-Saffar, Ayman al-Kaffass), heureux apprentis de la scène, qui jettent avec enthousiasme et effusion les propos aux multiples embranchements de Saadallah Wannous. Propos empreints d’un réalisme cru mais aussi parfois d’une poésie qui n’exclut guère une certaine tendresse. Des propos aussi coulés dans une mise en scène inventive grâce à Ibrahim Khalfan, qui prend souvent ses distances avec le texte pour mieux en dégager l’essence et la force. Dommage toutefois que la prononciation des acteurs, en arabe, faute d’un débit plus maîtrisé et moins nerveux, manque parfois de netteté. Une belle performance, sans artifice inutile, qui dresse en toute clarté le procès à un monde arabe qui ne répond pas toujours aux aspirations et aux attentes d’une jeunesse de plus en plus exigeante de liberté et d’absolu. La caricature de Hanzala et sa traversée du désert, probant témoignage de l’esprit critique d’un authentique dramaturge, ne sont guère une représentation vaine. Edgar DAVIDIAN
L’Unesco l’avait choisi aux alentours des années 1996 pour dire son mot sur le théâtre. Michel Corvin, éminent spécialiste de la dramaturgie contemporaine et fin analyste des textes de scène, le désigne comme le meilleur représentant du théâtre du monde arabe. Il s’agit, bien entendu, de Saadallah Wannous que Nidal Achkar avait si habilement mis sous les feux de la rampe au...