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EN DENTS DE SCIE Mademoiselle chante le blues

Vingt-neuvième semaine de 2005 (J+160). La maîtresse d’école est une panthère pugnace, imprévisible, et qui sourit à qui veut la voir en montrant les dents. La maîtresse d’école est un peu fantasque : elle déboule sans s’annoncer, sans prévenir ; c’est le branle-bas de combat. La maîtresse d’école est bonne fille : elle distribue les bons points, les sucettes ; elle encourage, elle montre la voie, donne des indices ; ses petits élèves sont bourrés de bonne volonté, elle a décidé de les aider, de garder pour plus tard bonnets d’ânons, avertissements et autres retenues. La maîtresse d’école a pourtant des mœurs singulières, bâton, carottes, quasi-chantage – mais le Liban que la Syrie s’est employé à infantiliser pendant trente ans lui a-t-il seulement laissé le choix ? Au « Aide-toi, le ciel t’aidera », elle préfère le « Que le Liban respecte ses obligations internationales – désarmement du Hezbollah, des réfugiés, réformes politiques et économiques, etc. –, et la communauté internationale le soutiendra fortement ». Comprenne qui voudra. Et qui pourra surtout. Apparemment, tout le monde a compris. Sauf les gnomes de l’ombre, qui ont tenu à répondre en reprenant hier du service au cœur de l’hypernightlife touristique libanaise. La maîtresse d’école, qui ne crache pas sur un beau sourire de bogosse libanais qui pousse la galanterie jusqu’à l’appeler Condie, a aussi ses petites préférences, qu’elle ne se retient pas d’afficher : le nouvel élève est directement intronisé Godfather ; Saad Hariri a la primeur de sa tournée beyrouthine des grands-ducs. La maîtresse d’école, qui aime les roses, n’a aucun problème à dire aux autres, tout présidents soient-ils, que ce junior sera désormais son premier interlocuteur. La maîtresse d’école n’a pas d’états d’âme : aux derniers de la classe, frappés de plein fouet par des armées de saint Maron, elle sourit quand même, et donne une (dernière) chance de poursuivre une scolarité qu’ils auraient dû pourtant avoir terminée depuis des mois. Émile Lahoud est effectivement transfiguré : il lui a promis que le gouvernement et lui sont un collectif et un seul, né pour gagner, pour ressusciter le Liban ; qu’il fera tout pour, qu’il a la gnaque. La maîtresse d’école s’occupe également des doublures : elle a confiance en Fouad Siniora, elle sait qu’il tient à ce que le Liban « respecte ses obligations internationales ». Sauf que la doublure n’a pas froid aux yeux : il l’interrompt et lui fait comprendre clairement que pour cela, il faut de la patience, du tact, de la compréhension. La maîtresse d’école opine. Magnanime. Diplomatique. Puis s’en va écouter, tout amusée, comme chez Guignol, une thèse de doctorat sur le distinguo terrorisme/résistance de son compatriote Nabih Berry. Puis reçoit le trublion Aoun à Awkar ; c’est normal, il est le caïd de la classe, le chef de l’opposition. La maîtresse d’école a aussi la gentillesse de s’entretenir avec son homogue Salloukh, que personne ne connaît, et qu’elle a même invité à Washington. La maîtresse d’école repart ensuite régler le conflit israélo-palestinien, laissant sur son passage de bien capiteuses effluves : elle claironne que le Liban, ce n’est pas l’Irak, que l’avenir de ces 10 452 km2 ne sera décidé que par les Libanais eux-mêmes ; elle dit qu’aucun pays n’aiderait le Liban comme les États-Unis (Chirac a dû apprécier…) ; elle promet, surtout, que l’amitié entre les peuples libanais et américain va prospérer dès aujourd’hui. La maîtresse d’école est convaincue que le modèle libanais, s’il réussit, peut contaminer toutes les zones proche-orientales minées par une flopée de virus. Mais après l’ivresse du parfum, il y a le réveil. Comment s’annonce la déclaration ministérielle, reportée encore une fois jusqu’à ce soir, et que la maîtresse d’école ne va pas manquer de lire – et de noter ? Comment va réagir le Hezbollah, qui n’a pas manqué cette semaine, par la voix de Mohammed Fneich, d’accuser Washington d’ingérence et de partialité ? Mais la maîtresse d’école n’est pas née d’hier : le Hezb a, certes, « une histoire tachée de sang », mais « le monde doit savoir qu’une opération de réconciliation politique a démarré au Liban, et c’est très important ». Elle n’est définitivement pas née d’hier, Condoleezza Rice : de Beyrouth, elle a triplement giflé Damas. En n’y allant pas, en bénissant le premier gouvernement de l’après-tutelle et en administrant une leçon de fraternité et de bon voisinage à la Syrie. Une leçon flanquée d’un retentissant zéro de conduite asséné au régime syrien. La maîtresse d’école sait parfois faire pardonner les maladresses de ses gros biceps. Ziyad MAKHOUL
Vingt-neuvième semaine de 2005 (J+160).
La maîtresse d’école est une panthère pugnace, imprévisible, et qui sourit à qui veut la voir en montrant les dents. La maîtresse d’école est un peu fantasque : elle déboule sans s’annoncer, sans prévenir ; c’est le branle-bas de combat. La maîtresse d’école est bonne fille : elle distribue les bons points, les sucettes ;...