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Actualités - CHRONOLOGIE

Accueil émouvant à Dbayé à celui qui a passé sa jeunesse dans « une tombe éclairée » Geryès el-Khoury a survécu à l’isolement et la torture

Geryès el-Khoury est libre. Après 11 ans et quatre mois passés dans une cellule individuelle située au troisième sous-sol du ministère de la Défense, celui qui avait un peu plus de 25 ans le 18 mars 1994 – le jour de son arrestation – est rentré chez lui hier peu après 20 heures. Geryès el-Khoury, militant des Forces libanaises, jugé dans l’affaire de l’attentat contre l’église Notre-Dame de la Délivrance à Zouk, qui n’avait pas le droit durant des années à la visite d’un aumônier ou celui de voir un médecin personnel, se porte bien… pour un homme qui a passé 11 ans et quatre mois en prison. Hier ce n’est pas uniquement sa famille qui lui a réservé un accueil émouvant, mais aussi ses camarades FL ainsi qu’une partie des habitants de ce qu’on appelle le camp palestinien de Dbayé, peuplé de réfugiés palestiniens de confession chrétienne et de Libanais. C’est ici que Geryès, fils d’un soldat de l’armée originaire de Zahlé, habite depuis sa plus tendre enfance. C’est dans une rue ornée de drapeaux FL, sur fond de chants partisans diffusés d’un énorme haut-parleur, sous un tonnerre d’applaudissements, de youyous et une pluie de riz, de pétales de fleurs et de feux d’artifice que Geryès el-Khoury, âgé de 36 ans, est rentré chez lui. Frêle, habillé d’un jean et d’un T-shirt rayé bleu marine et blanc, celui qui ne voyait que rarement le soleil est descendu, le visage éclairé d’un grand sourire, de la Mercedes qui l’amenait vers la liberté. Porté par ses camarades, il a pris un drapeau FL, l’a agité. Il est ensuite monté les petits escaliers de sa modeste maison. Des minutes durant, il a serré contre lui son père Toufic et ses sœurs Viviane et Véra. Le visage paisible, le sourire large, la poignée de main chaleureuse, Geryès el-Khoury, qui porte un chapelet autour du poignet et un dizenier au doigt, a survécu à la prison, à l’isolement et à la torture. Devant un drapeau FL et assis à côté de son père, l’ancien détenu, qui s’est rendu de sa prison du ministère de la Défense directement à l’église de Zouk avant de rentrer chez lui, a brièvement parlé aux journalistes. « Je suis innocent de ce qu’on m’a accusé. Il est impossible que je sois l’auteur de l’attentat contre l’église. Je remercie le patriarche maronite, ma famille qui m’a soutenu et qui a enduré avec moi, mon avocat Riad Matar, le député Neemetallah Abi Nasr et tous ceux qui ont cru en mon innocence », a indiqué Khoury. « Le Christ m’a aidé à porter ma croix et c’est la Sainte Vierge qui a été ma consolation, m’a permis de ne jamais désespérer et de supporter l’injustice et la torture », a ajouté l’ancien prisonnier. Invité à parler de sa cellule, d’une largeur de 1,30 mètre, au troisième soul-sol du ministère de la Défense, Khoury a déclaré : « C’était pire qu’une tombe car j’étais dans une cellule sous terre et je respirais toujours. » Après avoir parlé aux journalistes, Geryès el-Khoury est sorti à la terrasse sans carrelage de sa maison au toit de tôle. Applaudi par la petite foule qui l’attendait, et arborant toujours un grand sourire, il a agité encore le drapeau des FL, porté le portrait du chef du mouvement, Samir Geagea, et fait le V de la victoire. Durant 11 ans et 4 mois, Geryès el-Khoury n’a reçu que les visites régulières, les mardis et les jeudis, de son frère Wissam, qui a quitté son emploi pour travailler auprès des ONG défendant les droits de l’homme. L’ancien prisonnier a été interdit également durant une longue période de voir son avocat. Les visites qu’il recevait de sa famille duraient de 20 à 30 minutes, « selon la volonté du geôlier », indique le père de Geryès el-Khoury. « Lors de nos visites, nous lui remettions des livres, surtout des livres de prière et de théologie, et une seule revue, al-Shabaka. Un hebdomadaire people parce qu’il n’avait pas le droit d’être informé sur la politique », explique-t-il. « La seule conversation que nous étions autorisés à avoir avec lui avait trait aux histoires de la famille. Nous n’avions pas le droit de l’informer de l’actualité », dit-il. Geryès el-Khoury n’avait pas non plus le droit de parler à ses geôliers. Il communiquait avec eux en frappant à la porte de sa cellule. Il lui était interdit d’avoir des crayons et du papier, jusqu’à il y a trois ans. Sur l’antenne de la LBCI, il a comparé son séjour en prison « à une sombre nuit dans un mauvais hôtel ». Il a évité de parler des tortures subies, soulignant cependant que son séjour au ministère de la Défense peut être divisé en deux périodes, l’une avant le jugement et l’autre après le 13 juillet 1996. Notant qu’il est entré et sorti de prison pour des raisons politiques, il a souligné qu’il n’a jamais arrêté de croire à la cause que les FL ont défendue. Il a aussi rendu hommage à Samir Geagea avec qui il a assisté à la messe de Pâques, il y a quelques mois, à la prison du ministère de la Défense. Geryès el-Khoury, qui était « dans une tombe éclairée » et qui passait ses journées à « prier, méditer et faire du sport pour ne pas mourir », a « pardonné toutes les injustices et ne porte pas de haine envers quiconque ». Avant d’entrer en prison, le militant FL travaillait dans l’informatique. Il donnait aussi des cours de catéchisme aux enfants de la paroisse Saint-Georges à Dbayé. Selon ses amis et voisins, Geryès passait la plupart de son temps à prier dans diverses églises, notamment à Notre-Dame de la Délivrance à Zouk. Tous gardent de lui le même souvenir : un jeune homme gentil, souriant et serviable. Avant d’entrer en prison, il s’occupait de sa famille, surtout de sa sœur Véra, 21 ans aujourd’hui. « Maman est morte quand j’avais 5 ans. Geryès s’occupait de moi, m’emmenait en promenade, m’offrait des vêtements et des cadeaux. Il est entré en prison quand j’avais 10 ans… », raconte-t-elle sans pouvoir contenir son émotion. Geryès el-Khoury se rendra dans diverses églises pour remplir des vœux, notamment à Notre-Dame de Harissa, Saint-Charbel et Saint- Élie. Ce matin, il devrait se recueillir devant la tombe de sa mère. Patricia KHODER

Geryès el-Khoury est libre. Après 11 ans et quatre mois passés dans une cellule individuelle située au troisième sous-sol du ministère de la Défense, celui qui avait un peu plus de 25 ans le 18 mars 1994 – le jour de son arrestation – est rentré chez lui hier peu après 20 heures.
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