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Actualités - CHRONOLOGIE

Les dermatologues de la Méditerranée se penchent sérieusement sur les génodermatoses Ces maladies cutanées génétiques sévères qui empoisonnent toute une existence... (photos)

Les génodermatoses, c’est-à-dire les maladies cutanées génétiques, sont des maladies peu connues d’autant qu’elles sont rares (un cas sur 2 000). Mais il ne s’agit pas là d’une raison pour abandonner les enfants qui en sont atteints. C’est dans ce but et pour discuter de la meilleure prise en charge des patients qui en sont affectés qu’un groupe de dermatologues et de généticiens des pays de la Méditerranée, de l’Iran et d’Oman se sont réunis récemment à l’Université Saint-Joseph, à l’invitation de la Fondation René Touraine pour la recherche en dermatologie. Des bulles qui se forment sur la peau au moindre traumatisme, une peau très sèche et écaillée, des dystrophies musculaires… Les symptômes des génodermatoses diffèrent d’une maladie à une autre. « Ce sont des maladies sévères qui affectent la peau mais aussi d’autres organes », explique le Dr Maya el-Hachem, chef du service de dermatologie pédiatrique à l’hôpital Bambino Gesù à Rome, Italie. « Ces maladies sont graves du point de vue médical, esthétique et social, poursuit-elle. En effet, elles revêtent un aspect cutané très désagréable, provoquant un refus de la part de la société. » L’épidermolyse bulleuse est l’une des formes les plus fréquentes des génodermatoses. Elle se caractérise par la formation de bulles ou d’ampoules ou par des décollements de la peau au moindre frottement ou traumatisme. « Avec le temps, certaines formes d’épidermolyse bulleuse gardent des cicatrices avec des rétractions qui provoquent même la perte de la fonction des mains, parce qu’il y a une fusion des doigts, note le Dr Hachem. Dans d’autres formes plus sérieuses, les muqueuses sont affectées et l’œsophage se rétrécit. » L’ichtyose est une autre forme fréquente des génodermatoses. Elle entraîne un dessèchement de la peau qui devient écaillée. Il en est de même de la senoderma pigmentosum, qui est létale. « Les personnes qui souffrent de cette dernière maladie ne doivent jamais s’exposer au soleil, ce qui est inévitable dans nos pays, souligne le Dr Hachem. Elles risquent en fait un cancer malin de la peau avec métastases, même à l’âge de 3 ou de 4 ans. » L’Italie, pionnière dans la prise en charge Comme ces maladies sont rares, leur prise en charge est difficile. Et le problème qui se pose à ce niveau est de savoir comment assurer les soins à ces personnes qui souffrent de maladies chroniques. L’Italie demeure pionnière dans ce domaine. « Le problème majeur de ces maladies c’est qu’elles sont incurables, chroniques et invalidantes tant sur le plan esthétique que fonctionnel, constate le Dr Hachem. Elles nécessitent donc une prise en charge médicale, économique, psychologique et sociale. » « J’ai la chance de travailler dans un hôpital qui accorde une grande importance aux aspects humain et social de la maladie, poursuit-elle. C’est un hôpital pédiatrique et nous avons travaillé beaucoup sur les maladies rares qui sont ignorées par le gouvernement et les médecins généralement. Dernièrement, l’hôpital a pris l’initiative de créer une clinique de consultation externe multidisciplinaire. Ainsi un groupe de spécialistes fixes a été formé et comprend les spécialisations les plus impliquées dans ces maladies, telles que la génétique, la dermatologie, l’endocrinologie, la pédiatrie, les maladies métaboliques, l’immunologie, la psychologie, etc. Un coordinateur de ce groupe a également été nommé par la direction sanitaire de l’hôpital. » La famille d’une personne atteinte par une quelconque forme de génodermatoses peut ainsi rentrer en contact avec le centre d’appel de l’hôpital ou visiter le site Internet de cet établissement à l’adresse : www.ospedalebambinogesu.it. Elle s’adresse au coordinateur, lui expose le cas du patient et lui fait part de ses demandes. « La famille envoie par la suite toute la documentation au coordinateur qui la soumet au groupe, explique le Dr Hachem. D’après les symptômes prédominants, un responsable du cas est par la suite nommé. » Au centre, la famille est accueillie par le psychologue du groupe qui lui explique la démarche à suivre, essayant de déceler par la même occasion ses espoirs. « Ensuite, la famille rencontre le responsable du cas qui fait une synthèse de la maladie sur un formulaire préétabli, ajoute le Dr Hachem. Puis, toute l’équipe se réunit et chacun des membres expose les conclusions auxquelles il a abouti. La famille rencontre enfin toute l’équipe qui lui expose le cas et la démarche à suivre dans le traitement. » « Depuis que nous avons créé ce centre, il y a un an et demi, les familles ne cessent d’exprimer leur satisfaction, notamment en ce qui concerne la prise en charge et la possibilité de rencontrer tous les spécialistes en une seule fois », remarque le Dr Hachem. « Il y a un engagement subjectif et médical dans la prise en charge de ces malades, ajoute-t-elle. Chez nous à l’hôpital, pour soumettre les enfants atteints d’une épidermomycose bulleuse à une opération, nous avons fait des réunions entre anesthésistes, chirurgiens et dermatologues. Cela nous a permis d’identifier des techniques d’anesthésie, qui ne sont pas publiées, pour opérer ces enfants. Actuellement, ils sortent du bloc opératoire sans une bulle. Et tout le monde n’a pas la patience de faire ça, car ce sont des malades qui ne vous donnent que des soucis. Par ailleurs, certains médecins fanatiques préfèrent garder le malade pour eux, pour faire des publications sur leurs cas. Mais il faut être conscient que dans ces cas, la priorité doit être donnée aux malades. » Et le Dr Hachem de conclure : « L’incidence des génodermatoses est sous-estimée. Puisque ce sont des maladies fréquentes chez les familles au niveau socio-économique bas, les gens ont honte de les déclarer ou d’amener la personne malade chez le médecin. La prise en charge des génodermatoses est très coûteuse. Il est donc important de créer des centres de référence. Au Liban, ce serait dommage de vouloir tout faire par soi-même, parce que ce ne serait pas constructif ni pour les médecins ni pour les malades. Il faut donc essayer de travailler en équipe, de ne pas être vaniteux et d’avoir l’humilité de transférer les malades aux spécialistes directement concernés, parce qu’il vaut mieux les concentrer dans un centre. Cela permettrait aux médecins de connaître mieux la maladie et de rendre un service meilleur aux malades. » La consanguinité, facteur de risque important Le Liban, à l’instar de plusieurs autres pays, est loin de suivre le modèle italien, parce que « ses priorités en santé publique sont différentes et beaucoup de choses restent à faire dans ce domaine », note le Dr Roland Tomb, chef du service de dermatologie, MST et allergologie cutanée à l’Hôtel-Dieu de France. « Bien que ces maladies soient rares, elles sont relativement fréquentes dans notre pays à cause du taux élevé des mariages consanguins, la consanguinité étant le facteur de risque le plus important dans l’apparition de ces maladies, continue-t-il. Or plusieurs études effectuées au Liban ont montré que les mariages consanguins constituent 15 à 30 % des unions, et atteignent le taux de 90 % dans certaines régions éloignées du pays. Ainsi, si les parents sont apparentés et porteurs de ces gènes défectueux, les maladies vont apparaître chez leur descendance. Malheureusement, il existe plusieurs cas de génodermatoses dont nous ne sommes pas avertis, parce que soit les familles sont modestes et vivent dans des régions très reculées, soit les médecins ne sont pas formés à reconnaître ces maladies lorsqu’elles se présentent. De plus, l’enfant décède souvent sans que la famille ne se rende compte qu’il était atteint d’une génodermatose. La campagne d’information est donc importante sur ce plan-là. Celle-ci est également fondamentale pour mettre en garde contre les mariages consanguins. »
Les génodermatoses, c’est-à-dire les maladies cutanées génétiques, sont des maladies peu connues d’autant qu’elles sont rares (un cas sur 2 000). Mais il ne s’agit pas là d’une raison pour abandonner les enfants qui en sont atteints. C’est dans ce but et pour discuter de la meilleure prise en charge des patients qui en sont affectés qu’un groupe de dermatologues et de...