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Actualités - REPORTAGE

Le royaume a accueilli le second sommet des Premières dames arabes Bahreïn, le pays où les femmes sont «cheikhas» sans être reines (Photos)

MANAMA, de notre envoyée spéciale Scarlett HADDAD L’archipel de Bahreïn ne ressemble à aucun autre pays du Golfe. L’air y semble plus léger et la vie plus facile. Cette impression commence dans l’avion, lorsque le jeune Bahreïni qui fait des études de finances à l’AUB éclate de rire en apprenant que se tient un sommet sur la condition de la femme arabe dans la capitale de son pays. Il ne comprend pas l’utilité d’une telle réunion, alors que, selon lui, les femmes de son pays ont tous leurs droits. Mais l’idée ne le rebute pas, au contraire, elle l’amuse. D’ailleurs, tout au long des quatre jours passés dans ce royaume minuscule, l’impression d’amusement restera prédominante. Comme si, sous le chaud soleil de Bahreïn, la vie était forcément plus agréable et les problèmes plus facilement solubles. Ce n’était pourtant pas facile de gérer la présence au royaume de cinq Premières dames avec leurs délégations, ainsi que les discordances arabes qui se reflètent dans chacune des positions. Vendredi à Bahreïn, c’est le jour d’afflux des Saoudiens. Un pont sépare l’austère royaume des Séoud du petit archipel et tous les week-ends (jeudi et vendredi dans les pays musulmans), les Séoudiens qui vivent dans les régions proches viennent en masse se détendre à Manama et dans les îles voisines. Ce qui augmente considérablement le nombre des femmes voilées jusqu’aux yeux, marchant sagement derrière leurs époux, dans les centres commerciaux propres et bien frais. Car, sans l’afflux des Séoudiennes, les femmes de Bahreïn sont plutôt libérées dans leurs tenues vestimentaires. Elles sont décentes, plutôt traditionnelles, mais ne suivent certainement pas les coutumes islamistes. Maître-mot de la famille royale : l’ouverture À Bahreïn, d’ailleurs, les femmes vivent normalement, conduisent leur voiture et peuvent se rendre seules là où elles le désirent. Il n’y a pas de lieu qui leur soit interdit, ni d’activité qui soit prohibée. Elles tiennent boutiques, ouvrent des commerces, sont avocates ou médecins ou encore simples femmes au foyer actives dans les œuvres de bienfaisance, elles vivent comme les autres femmes et ont les mêmes problèmes : se battre pour arriver, pour obtenir un poste, pour faire le mariage de leur choix et pour éduquer leurs enfants. D’où vient ce vent de « normalité », voire de liberté, qui souffle sur ce petit pays, entouré de la gigantesque et austère Arabie saoudite et à quelques coudées de Qatar et de Dubaï ? Sans doute la tradition d’ouverture du pays et la modernité de la famille régnante, al-Khalifa, connue pour sa modération et sa volonté de rester proche de la population, sont en grande partie responsables de cette différence. De plus, la population mixte (une majorité de chiites avec une importante minorité de sunnites) est, ici, une source d’enrichissement intellectuel et traditionnel. Une sorte de diversité sans animosité, une spécificité qui semble caractériser le petit archipel. Car si le Qatar est certainement en plein essor économique et si Dubaï est devenu le symbole de la richesse et du développement dans les pays du Golfe, ainsi que de leur occidentalisation extrême, et parfois choquante tant elle est dédiée à la consommation et à l’argent, à Bahreïn, l’atmosphère est totalement différente. Le royaume n’est certainement pas le plus riche des pays du Golfe et, contrairement à Dubaï, il ne cherche pas à devenir un centre économique régional pour Occidentaux. Bahreïn veut conserver son identité et développer une vie culturelle et intellectuelle qui n’est pas très présente dans les autres pays du Golfe. Chez les Bahreïnis, l’art occupe ainsi une grande place, les galeries sont nombreuses et les peintres et sculpteurs très prisés. Pour un si petit pays, les écoles sont assez nombreuses, et l’université nationale y est assez performante, même si la plupart des jeunes font leurs études universitaires aux États-Unis… ou au Liban. En fait, presque tous les Bahreïnis connaissent le Liban. Les plus nantis y ont un pied-à-terre, les autres y ont fait des séjours. Et pour ces habitants du Golfe, ouverts et curieux, le Liban reste un phare, une destination et un objectif. Tous ces facteurs réunis donnent à Bahreïn cette atmosphère si particulière, qui transforme le sommet des Premières dames arabes en une rencontre de retrouvailles amicales, loin de la rigidité habituelle de ce genre de réunion. Dans le petit périmètre entourant l’hôtel Sheraton et le palais al-Koudaybiya , où s’est tenu le sommet, les mesures de sécurité avaient beau être strictes, l’atmosphère générale restait à la détente. Cinq Premières dames ont pourtant participé à ce sommet : Andrée Lahoud, Suzanne Moubarak, Asma al-Assad, la reine Rania de Jordanie, Widad Boubekr, l’épouse du président soudanais, et l’hôtesse, cheikha Sabika bint Ibrahim al-Khalifa, épouse du roi de Bahreïn. Cette dame, issue d’une des plus grandes familles de Bahreïn, est l’épouse officielle du roi, la plus importante « cheikha » du pays, mais elle n’a pas été intronisée reine lorsque son époux s’est proclamé roi de l’archipel. Et nul n’a trouvé à y redire, considérant que l’épouse du roi ne doit pas forcément être une reine. Si les dissensions entre les régimes arabes se reflétaient plus ou moins sur les relations entre les Premières dames, les débats ne sont jamais sortis de la courtoisie habituelle. C’est sans doute grâce à l’habileté et au sens du compromis des organisatrices et notamment des dames de la famille régnante de Bahreïn, qu’on appelle (avec une sorte d’affection) « les cheikhas ». Chaque reine ou Première dame en avait une qui l’accompagnait en permanence et qui était censée répondre à ses moindres exigences. Aimables, souriantes, modernes, cultivées, ces «cheikhas » ont fait des deux jours du sommet des moments d’échanges et de dialogue assez rares dans ce genre de circonstances, où le protocole et les exigences de sécurité prennent le pas sur tout le reste. Naturellement, les problèmes de fond concernant la condition des femmes dans le monde arabe n’ont pas été au cœur des débats. C’est d’ailleurs souvent le cas dans les réunions qui se tiennent au niveau des Premières dames, le travail approfondi se faisant généralement au cours des réunions préparatoires ou dans les ateliers de travail. Les droits acquis des femmes bahreïnies Mais ce sommet a eu le mérite de prendre des décisions structurelles et administratives, indispensables au bon fonctionnement des réunions au niveau des Premières dames. Désormais donc, les Premières dames arabes se sont dotées d’un mécanisme similaire à celui de la Ligue arabe qui leur permet de tenir des sommets annuels, indépendamment des forums de discussion qui se tiennent régulièrement dans les pays arabes. Il a été aussi convenu d’élargir les sommets à la société civile et d’y faire participer des ONG de chaque pays, qui viendraient exposer leur bilan et leur vision des problèmes que les femmes affrontent dans le monde arabe. Mais il faut reconnaître à ce sujet que les femmes de Bahreïn semblent les moins concernées par la cause de la femme. Toutes celles que nous avons pu interroger ont pris le thème à la légère, riant du militantisme de certaines participantes, notamment des Égyptiennes. Pour la majorité des femmes de Bahreïn, il n’y a pas de raison de se mettre en conflit avec les hommes pour des droits qui sont déjà acquis. Épanouies et à l’aise dans leur vie et dans leur attitude, elles ne semblent pas en manque de mixité, pouvant sortir avec des jeunes gens dans les restaurants et les cinémas, allant aux mêmes universités et fréquentant les mêmes lieux publics. Même le mariage n’est pas chez elles un sujet tabou, la seule réserve étant que dans certaines familles, notamment celles des milieux aisés ou proches du pouvoir, il reste arrangé, les parents dictant leurs décisions aux enfants, suivant des intérêts familiaux ou économiques. Mais les femmes bahreïnies ne s’en plaignent pas trop. Elles ne sont pas des révolutionnaires ou des pasionarias, préférant profiter de la vie et des bienfaits d’une grande stabilité politique et d’une certaine aisance matérielle. Elles ont accès à tous les métiers, médecins, juges, avocates, ingénieurs, etc, et peuvent conduire leurs voitures. Les femmes sont élues aux conseils municipaux et sont membres du Conseil consultatif, ce qui leur permet de participer aux décisions politiques, autant que le système royal le permet. D’ailleurs, la première impression qui se dégage de ce pays, c’est que les gens ne semblent pas ployer sous le poids d’une crise économique ou politique pressante. Ils ne semblent pas non plus avoir de grandes inquiétudes pour l’avenir, les jeunes faisant des études à l’étranger, mais revenant, dans la plupart des cas, travailler et se marier dans leur pays, qu’ils considèrent comme un paradis sur terre. Effectivement, l’élément le plus touchant quand on parle avec les habitants du petit royaume, c’est l’amour qu’ils portent à leur pays, en dépit de son petit territoire, de son nombre réduit de citoyens et de la chaleur accablante qui y règne une grande partie de l’année. Même la main-d’œuvre venue d’Asie du Sud-Est semble bien traitée et bien plus à l’aise que dans les autres pays du Golfe. Ancien paradis des perles naturelles, la plus ancienne existant encore étant conservée précieusement au Musée national, le petit royaume de Bahreïn est aujourd’hui la véritable perle du Golfe, un lieu de liberté, où tous les rêves semblent permis. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à jeter un coup d’œil sur les immenses chantiers de Manama. Mais on est loin de la folie moderniste de Dubaï. Ici, les habitants tiennent à préserver leurs traditions et leur culture. Et si le regard des visiteurs n’est pas attiré par une multitude de mosquées – l’islam se pratiquant ici dans une sorte de sérénité –, l’État a construit une « Maison du Coran » dont les Bahreïnis sont très fiers. Il s’agit d’un musée dédié au Coran, sous toutes ses formes, les vieux manuscrits comme les éditions modernes, les livres sacrés les plus humbles et les plus luxueux, un lieu qui séduit aussi bien les musulmans que les érudits. Et c’est toujours ce mélange de traditions et de modernité qui caractérise Bahreïn et rend ce royaume si attachant. À l’image de ses femmes, pleines de vie et de projets, en harmonie avec un monde où l’homme reste quand même le chef de la famille et le grand décideur. Quelques chiffres Selon un recensement officiel, en 2001, la population du royaume de Bahreïn était de 406 000 citoyens, avec 50,43 pour cent d’hommes et 49,56 pour cent de femmes. Selon ce recensement, le pourcentage est stable, ce qui indique une évolution équilibrée de la population de ce pays. La grande majorité des femmes de Bahreïn vivent dans les villes et les grandes agglomérations, et 54,8 % d’entre elles sont mariées. 1,4 % de femmes sont divorcées et 0,5 % sont veuves. En 2002, il y a eu 4 909 mariages et 838 divorces. Toujours selon le même recensement, les pourcentages de diplômés hommes et femmes sont pratiquement égaux, avec une différence minime en faveur des hommes.
MANAMA, de notre envoyée spéciale Scarlett HADDAD
L’archipel de Bahreïn ne ressemble à aucun autre pays du Golfe. L’air y semble plus léger et la vie plus facile. Cette impression commence dans l’avion, lorsque le jeune Bahreïni qui fait des études de finances à l’AUB éclate de rire en apprenant que se tient un sommet sur la condition de la femme arabe dans la capitale de son...