Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Télécoms- L’ancien ministre a négocié une réduction de 60 % des indemnités dues Le prochain Conseil des ministres devra examiner le projet de compromis avec Cellis et LibanCell

L’un des premiers points qui pourraient être portés à l’ordre du jour du nouveau Conseil des ministres concerne le compromis auquel était parvenu l’ancien ministre des Télécommunications, Alain Tabourian, avec les deux ex-opérateurs de téléphonie mobile, Cellis et LibanCell. Le ministre a effectué les pourparlers en étroite collaboration avec le ministère des Finances représenté par son directeur général, Alain Bifani. Mandaté par le gouvernement pour négocier un accord avec les deux opérateurs, M. Tabourian a obtenu de ramener à 96 millions de dollars les indemnités dues par l’État libanais à Cellis, payable en trois ans, sans intérêt, alors que le tribunal arbitral basé à Genève l’avait condamné à payer 273 millions de dollars à la société, avec intérêts. Bien que le tribunal arbitral basé à Beyrouth n’ait pas encore rendu sa sentence concernant le litige avec LibanCell, le ministre a convenu avec les représentants de l’ex-opérateur de régler le différend à l’amiable sur la même base, partant du principe que deux cas similaires ont de très fortes chances d’aboutir au même jugement. C’est donc un accord global que le ministre a présenté lors du dernier Conseil du gouvernement Mikati, mais celui-ci n’a pas voulu ou n’a pas eu le temps de trancher. Recours en annulation L’affaire était jugée prioritaire, car outre la nécessité d’en finir honorablement avec un dossier qui dure depuis des années et entache la crédibilité de l’État libanais, un autre jugement est attendu incessamment dans la même affaire qui pourrait, selon des sources proches du ministère, affaiblir la position de négociation de Beyrouth. Ce jugement concerne le recours en annulation d’une partie de la sentence arbitrale rendue dans le dossier Cellis. En condamnant l’État libanais à payer des indemnités de 273 millions de dollars à Cellis, le tribunal a, par ailleurs, estimé que Beyrouth n’était pas fondé à réclamer les ordres de recouvrement émis à l’encontre de la société. L’État libanais conteste ce point, affirmant que le tribunal arbitral n’a pas juridiction sur cet aspect de l’affaire. Dans tous les cas, dit une source proche du dossier, même si l’État libanais obtient l’annulation, cela ne signifie en aucun cas que Cellis sera condamnée à payer la somme réclamée par le gouvernement. Première possibilité, le tribunal fédéral suisse peut décider de renvoyer l’affaire devant le tribunal arbitral pour révision de la sentence, ce qui ne préjuge de rien de la décision finale. Deuxième possibilité, si le jugement ouvre la voie à une condamnation de Cellis, l’opérateur voudra certainement entrer dans les détails des réclamations, ce qui pourrait durer longtemps, alors que parallèlement courront les intérêts dus sur les 273 millions de dollars dont le paiement ne peut plus être contesté. La troisième possibilité est la moins avantageuse pour l’État libanais, elle consisterait à ce que le tribunal refuse sa demande d’annulation. Un conflit ancien Pour comprendre la complexité de ce dossier, il faut remonter plus de dix ans en arrière, lorsque l’État a signé, en 1994, un contrat de BOT avec deux opérateurs de cellulaire pour développer le réseau au Liban. La durée du contrat était de dix ans, renouvelables deux ans, voire un peu plus dans des conditions très précises, liées notamment à la « propreté » des fréquences utilisées. Rapidement, la demande de lignes dépasse les prévisions les plus optimistes de l’État et le développement de la téléphonie mobile se révèle un franc succès. Au point que, pour augmenter sa part de revenus, le gouvernement décide d’imposer une surtaxe de deux cents sur chaque minute de communication. À son arrivée au pouvoir en 1998, Issam Naaman, ministre des Télécommunications du gouvernement Hoss, a souhaité faire le point avec les deux compagnies après avoir décelé nombre de failles dans l’application du contrat et notamment le partage des revenus. Le ministre les accuse de ne pas verser à l’État tout son dû et il augmente la surtaxe de quatre cents, ce qui la porte à un total de six cents. L’un des éléments du conflit porte notamment sur l’utilisation des microfréquences, d’autres sur le dépassement du nombre d’abonnés, etc. Faute d’avoir pu, su ou voulu parvenir à un compromis, Issam Naaman demande et obtient en avril 2000 du Conseil des ministres d’émettre un ordre de recouvrement de 300 millions de dollars à l’encontre de chaque opérateur, soit un total de 600 millions de dollars. C’est le début des hostilités, car les deux sociétés contestent cet ordre de recouvrement et réclament une procédure d’arbitrage, comme le prévoit le contrat. L’État refuse alors cette procédure au motif que la loi libanaise n’acceptait pas l’arbitrage pour les litiges avec l’État. Le blocage semble total. Rupture des contrats Lorsque Jean-Louis Cardahi succède à Issam Naaman, il cherche à son tour une solution. Il est pris de court par le Conseil supérieur de la privatisation qui, contre son avis, décide en 2001 de rompre purement et simplement les contrats. La raison officieuse invoquée à l’époque par l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, était qu’il ne voulait plus prêter le flanc à des accusations de collusion d’intérêts avec les opérateurs, l’un d’eux appartenant à son gendre. En fait, il se révélera plus tard que la rupture des contrats était surtout à l’avantage des compagnies, car elle leur donne automatiquement le droit à des indemnités. Les deux opérateurs n’ont pas manqué de les faire valoir, non seulement sur les trois ans qui leur restaient à courir, mais aussi sur les deux ans de reconduction possibles. Parallèlement, alors que le Premier ministre souhaitait que les deux opérateurs continuent de gérer les réseaux de façon informelle malgré la rupture des contrats, le ministre des Télécommunications a refusé et, en septembre 2002, l’État en a repris le contrôle, versant 112 millions de dollars à Cellis et 56 millions de dollars à LibanCell au titre de la valeur comptable de leurs actifs. Des contrats de gré à gré ont été conclus avec les deux compagnies pour qu’elles assurent la transition, jusqu’en mai 2004, contre une rémunération fixe plutôt qu’une participation aux bénéfices. Après avoir géré d’une façon ou d’une autre le réseau pendant dix ans, les deux compagnies ont rendu leur tablier l’année dernière, cédant la place à deux autres opérateurs, un allemand et un koweïtien qui gèrent le secteur en attendant sa privatisation éventuelle et l’introduction d’un troisième opérateur. Procédure arbitrale Après avoir refusé qu’un tribunal arbitral règle le litige concernant les deux ordres de recouvrement d’un total de 600 millions de dollars, l’État a finalement accepté la procédure lorsqu’il s’est agi aussi de se prononcer sur les indemnités dues au titre de la rupture du contrat. Un tribunal a été constitué à Genève pour le dossier Cellis et un autre à Beyrouth pour celui de LibanCell. La première sentence a été rendue, en faveur de France Télécom, tandis que la seconde est attendue d’un jour à l’autre. Au total, les sociétés, dont les dossiers sont argumentés de façon très similaire, selon un avocat informé, ont réclamé chacune un milliard de dollars d’indemnités pour rupture abusive de contrat. De son côté, l’État a revendiqué la même somme, au motif que les deux opérateurs n’ont pas respecté leurs obligations contractuelles. Dans le cas de Cellis, le tribunal a accordé à l’opérateur 277 millions de dollars et à l’État 4 millions de dollars, ce qui revient à condamner le gouvernement libanais à verser 273 millions de dollars plus intérêts. Dans sa sentence, le tribunal s’est déclaré compétent sur le mandat de recouvrement émis par la République du Liban en avril 2000 et a estimé que Cellis n’était pas redevable des 300 millions de dollars réclamés à ce titre. Alors que le gouvernement libanais avait décidé d’ajouter ce point du litige à la demande d’indemnités, lorsqu’il a accepté la procédure arbitrale, l’État libanais a contesté le droit du tribunal de le juger sur le fond, estimant que cela portait atteinte à sa souveraineté. Il a engagé un recours en annulation devant le tribunal fédéral suisse. Le compromis auquel est parvenu Alain Tabourian intervient avant le jugement du tribunal suisse. Le gouvernement sortant semble avoir estimé en effet que ses chances de négociations étaient meilleures ainsi. Il appartiendra au prochain Conseil des ministres de décider ou non de le suivre dans cette direction. Il devra notamment choisir ou non de prendre le risque d’attendre la sentence arbitrale dans le dossier LibanCell et d’attendre le résultat du recours en annulation. Sibylle RIZK
L’un des premiers points qui pourraient être portés à l’ordre du jour du nouveau Conseil des ministres concerne le compromis auquel était parvenu l’ancien ministre des Télécommunications, Alain Tabourian, avec les deux ex-opérateurs de téléphonie mobile, Cellis et LibanCell.
Le ministre a effectué les pourparlers en étroite collaboration avec le ministère des Finances...