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Actualités - OPINION

Le Point Réveils difficiles

Dans la province occidentale d’al-Anbar, entre Haditha et Hit, l’offensive se poursuit, menée depuis mardi par un millier de Marines, contre la résistance sunnite. L’opération Saif survient au lendemain du raid sur la localité d’al-Karabila et avant la prochaine attaque, dont nul pour l’heure ne parle mais qui devrait immanquablement se produire, dit-on dans ce Bagdad bruissant de toutes les rumeurs, et surtout les plus folles. Mais pendant que GI et combattants irakiens s’étripent allégrement, le secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld reconnaît, imperturbable, que « de temps en temps, nous facilitons des rencontres entre rebelles et responsables américains » et que « nous discutons avec toutes sortes d’Irakiens, dont certains sont douteux ». On ne choisit pas toujours ses interlocuteurs, que diable ! Changement de décor : Damas est régulièrement sommée, par tout ce que l’Administration républicaine compte de responsables, d’imperméabiliser sa frontière (près de 600 kilomètres, tout de même…) sous peine de subir les foudres économiques et même militaires yankees, pendant qu’en douce, les tortionnaires qui veillent au bon fonctionnement d’Abou Ghraib et de Guantanamo lui confient en sous-traitance certains prisonniers de guerre. Et qu’une délégation a été chargée par Bachar el-Assad d’examiner la réouverture prochaine à Bagdad de l’ambassade syrienne, fermée depuis près d’un quart de siècle. Officiellement, l’Amérique s’est lancée dans la grande aventure mésopotamienne afin, disait-on à l’époque, de débarrasser son néoprotégé d’une dictature sanglante et de préserver son indépendance et son intégrité territoriale. Mais recevant l’autre jour le Premier ministre Ibrahim al-Jaafari, George W. Bush lui a lancé : « C’est votre gouvernement, pas le nôtre. Notre rôle est d’aider. » Pendant qu’en douce, on œuvre à un dépeçage qui donnerait naissance à trois Irak au moins et que le président vient de refuser net d’avancer une date pour un retrait des « boys » engagés bien malgré eux dans une interminable et stérile opération de pacification. Vous avez dit confusion, double langage ? Depuis l’entrée en fonctions de la nouvelle équipe ministérielle, 1 360 Irakiens sont morts, 10 000 depuis que l’ancien proconsul L. Paul Bremer III a promis de rétablir la souveraineté officielle ; loin de décroître, les attentats sont de plus en plus nombreux et visent désormais, outre des policiers et des soldats, des responsables civils et des objectifs stratégiques. Mardi soir, devant les 750 membres de la 82e division aéroportée réunis à Fort Bragg, le chef de l’Exécutif a eu des intonations qui rappelaient fâcheusement les discours tenus au plus fort de la guerre du Vietnam. « Le sacrifice de vies américaines, a-t-il annoncé, est vital pour notre sécurité future. » Certains n’ont pas manqué de rappeler à cette occasion la scène dont le porte-avions USS Abraham Lincoln avait été le théâtre, en mai 2003, quand le même Bush était apparu, avec pour toile de fond une immense banderole proclamant : « Mission Accomplished » pour décréter, péremptoire : « Le gros de la vague est passé. » Malgré la mobilisation médiatique entreprise par l’inévitable Karl Rove et les « spin doctors » de son équipe, on a enregistré cette fois un audimat anormalement bas : 23 millions de téléspectateurs pour un message à la nation retransmis par les sept principaux réseaux, il y a là de quoi inquiéter les stratèges quand on songe que l’adresse prononcée neuf jours après le 11 septembre 2001 avait attiré 82 millions de personnes. Loin de tous ces aléas – inhérents après tout à toute guerre digne de ce nom –, et plus que la conjoncture sécuritaire ou proprement militaire, c’est la tendance séparatiste qui inquiète au plus haut point les Irakiens, à trois mois du référendum prévu sur la Constitution. Déjà le Kurdistan jouit depuis 1991 d’une forme d’autonomie qui s’apparente plutôt à une indépendance qui ne veut pas – pas encore – dire son nom. Les trois provinces de Dohouk, Irbil et Souleimaniya forment une entité où l’on ambitionne de reconstituer un Kurdistan antérieur au partage, décidé après la Première Guerre mondiale, entre la Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran. Aujourd’hui, c’est le Sud qui exprime le désir d’exploiter les ressources de ses champs pétrolifères, qui représentent 80 à 90 pour cent de la production nationale, et ses interminables palmeraies. L’incontournable Ahmed Chalabi, dont la famille est originaire de Nassiriya, a déjà commencé à battre le rappel de ses anciens protecteurs au Pentagone pour plaider la cause d’un « Bassoraland » dont, à défaut d’un trône de prince des croyants à Bagdad, il serait le vizir. Une vision futuriste propre à donner des idées à d’autres vassaux proche-orientaux… Christian MERVILLE
Dans la province occidentale d’al-Anbar, entre Haditha et Hit, l’offensive se poursuit, menée depuis mardi par un millier de Marines, contre la résistance sunnite. L’opération Saif survient au lendemain du raid sur la localité d’al-Karabila et avant la prochaine attaque, dont nul pour l’heure ne parle mais qui devrait immanquablement se produire, dit-on dans ce Bagdad bruissant de...